Ambassadeur du chocolat belge à l’étranger, Pierre Marcolini plaide pour que les chocolatiers produisent à nouveau leur chocolat! Sans quoi, la Belgique risque de disparaître de la Planète chocolat!

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Photo Johanna de Tessières

En quelques années, Pierre Marcolini, fils d’immigrés italiens de Charleroi, mais qui a grandi avec sa mère à Bruxelles, est parvenu à imposer son nom dans le cercle fermé des chocolatiers belges. Cheveux blonds mi-longs, sourire vissé aux lèvres, le bonhomme a des faux airs de play-boy qui lui promettent une belle place dans les pages people des magazines. Pour autant, à 45 ans, l’homme se présente toujours comme un artisan. Soutenue par la Société régionale d’investissement de Bruxelles, mais aussi, à hauteur de 5 %, par la multinationale Nestlé – pour qui il a développé une gamme de 10 recettes pour Nespresso, disponibles fin 2010 –, sa PME emploie 110 personnes et est représentée par une vingtaine d’enseignes dans le monde. Toutes approvisionnées par ses ateliers, 2400 m² installés depuis 1999 à Haren, en Région bruxelloise, que Marcolini fait visiter avec fougue, partageant avec enthousiasme son métier et sa passion.

Une passion qui l’a poussé, dès 2002, à mener un combat qui pouvait sembler risqué : produire lui-même son propre chocolat. Un comble pour un chocolatier ? Pas vraiment… “Au début du XXe siècle, il y avait 150 chocolateries à Bruxelles… Combien en reste-t-il aujourd’hui ? Début 2000, avec la nouvelle directive européenne sur le chocolat, je me suis rendu compte que je n’étais pas indépendant. Si les fabricants de chocolat se décidaient à utiliser des graisses végétales, je ne pouvais rien faire !” En effet, les petits chocolatiers ne font en fait que travailler du chocolat de couverture, acheté à des grossistes comme Callebaut en Belgique ou Valrhona en France, par exemple. “Faire fondre du chocolat et le mouler, tout le monde peut le faire, ici ou ailleurs. Pourquoi pas en Chine d’ici quelques années ? Je pense que face à ce danger, il faut cultiver sa différence en revenant aux origines de notre métier : la fève de cacao ! C’est la seule solution, surtout quand vos fournisseurs deviennent vos concurrents en ouvrant des boutiques au Sablon…”

Dès 2002, suivant l’exemple de son mentor, le chocolatier français Bernachon, installé à Lyon et qui maîtrise l’ensemble de la chaîne de production du chocolat (de la fève à la tablette), Marcolini a donc appris sur le tas à fabriquer son propre chocolat. Et depuis 2007, l’entièreté de ses produits (tablettes, pralines, pâtisseries…) sont fabriqués à partir de son propre chocolat. Une fierté pour Marcolini, qui se fait volontiers polémique sur le sujet. “Je suis le seul artisan en Belgique à le faire, ils sont quelques-uns en France et en Italie. Il faut savoir qu’aujourd’hui, pour un certain type de produits, le chocolat belge n’existe plus dans le monde. Quand on parle de chocolat de luxe, il n’y a que les Français… Il faut en prendre conscience ! Si mon exemple peut pousser des jeunes à faire le pas, j’en serais très heureux. Et je suis prêt à les aider… Que s’est-il passé avec la boulangerie ? Les boulangers sont devenus tellement dépendants des produits industriels qu’on n’a plus vu la différence… Que se passera-t-il quand les supermarchés se mettront à fabriquer eux-mêmes du chocolat dans leurs magasins ?”

Dans un hangar, bien emballé dans de gros sacs de toile de jute, on découvre le trésor de guerre de Marcolini : 20 tonnes de fèves de cacao, venues du Ghana, de Madagascar, du Mexique, d’Indonésie ou encore du Pérou et de Cuba, qui attendent sagement d’être transformées en une vingtaine de tonnes de chocolat. Selon un processus assez simple, en fait : les fèves sont torréfiées puis broyées. Le gruau obtenu est ensuite écrasé pour devenir la liqueur de cacao, qu’il reste à sucrer (plus ou moins selon le pourcentage de cacao souhaité) et, éventuellement, parfumer (vanille de Tahiti, lait…). Cette pâte est encore affinée à travers des rouleaux, puis malaxée (phase de conchage) afin de libérer les arômes… Le chocolat est prêt !

Depuis qu’il s’est lancé dans la fabrication de son propre chocolat, une partie du travail de Pierre Marcolini consiste donc désormais à parcourir le monde à la recherche des meilleures fèves de cacao, qui lui permettront de créer ses Grands crus de propriété, des tablettes de chocolat préparées à l’aide de fèves d’une seule et même origine.

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Photo Johanna de Tessières

Car chez Marcolini, tout est fait maison ! Dans son atelier, ses équipes travaillent d’arrache-pied pour zester des citrons de Nice, toaster des noisettes du Piémont, préparer le praliné ou le caramel au beurre salé, mettre au point les nouvelles créations en vue de la Saint-Valentin (un macaron à la framboise caché sous une fine coque de chocolat) ou de Pâques. Bref, on s’attelle à façonner les petites merveilles (env. 200 kg par jour seulement) que l’on retrouvera dans les boutiques Marcolini, de Bruxelles à Paris, en passant par Londres, Tokyo ou New York. Le savoir-faire de Marcolini s’exporte, en effet, très bien. Une équipe du magazine “Hors série” de France 3 (diffusion en février) l’a ainsi suivi lors d’un récent voyage au Pérou, dans la région de Piura, où il a découvert des fèves forastero, et d’où il est revenu des idées plein la tête. “Pour imaginer mes nouvelles créations, je m’inspire de tout, d’une fève, d’un plat, d’une odeur, d’une exposition…”, glisse-t-il. Tout en avouant ne pas trouver assez de temps pour réfléchir à de nouvelles recettes.

Comme pour d’autres stars de la pâtisserie comme Pierre Hermé à Paris, par exemple, Marcolini est devenu une marque de luxe, et la promotion prend du temps… “Aujourd’hui, le marketing est plus présent que jamais, mais il a toujours été là. Dès qu’un produit est en vue, on parle de marketing, mais cela n’empêche pas qu’il y ait aussi un effet de plaisir chez les consommateurs… Je ne cherche pas à devenir un concurrent des majors comme Godiva ou Neuhaus qui possèdent jusqu’à 3000 points de vente dans le monde, mais je pense qu’ouvrir une quarantaine de boutiques est possible afin de faire découvrir au plus grand nombre les chocolats d’origines. Ce qui pourrait arrêter mon expansion, c’est tout simplement l’approvisionnement en fèves de cacao de qualité…”

 

Pierre Marcolini en quelque dates

  • 1964: naissance à Charleroi.
  • 1978-1983: études de boulangerie-pâtisserie à Bruxelles. Travaille chez Mailleux, Wittamer, puis à l’étranger (Paris, Copenhague, Singapour…).
  • 1994: ouvre son premier magasin à Stockel.
  • 1995: champion du monde de pâtisserie à Lyon.
  • 2001: ouverture de sa première adresse à l’étranger, à Tokyo.
  • 2002: ouverture d’une boutique à Londres.
  • 2003: ouverture d’une première boutique à Paris.
  • 2005: ouverture d’une boutique à New York.
  • 2007: autonome dans sa production propre de chocolat, après 5 années de tests.
  • 2008: ouverture de “La manufacture”, son salon de thé au Sablon.

La galaxie Marcolini

  • Aujourd’hui, Pierre Marcolini possède une vingtaine de boutiques et points de vente dans le monde : sept en Belgique (quatre à Bruxelles, une à Knokke, une à Anvers et une à Liège), huit au Japon, mais aussi à Paris, à Londres, à New York, au Koweit…
    Rens.: ww
    w.marcolini.be
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Marcolini en « light »

  • Marcolini s’est mis en tête de proposer des chocolats allégés, à base de maltitol, édulcorant issu du maïs ou du blé deux fois moins calorique que le sucre traditionnel. Malgré tout très gourmands, ces chocolats “Sans sucre” existent en noir (Venezuela Sur Del Lago/Ghana) et au lait (Equateur Los Rios/Ghana).

Une nouvelle origine

  • Lors d’un voyage à Cuba, Marcolini a découvert à Barbacoa, dans la province de Guantanamo, une plantation proposant un assemblage de fèves Criolo et Forastero. Il en a tiré son nouveau Grand Cru de propriété, le Barbacoa.
    Tablette Cuba (72 % de cacao), disponible dès le 22 février dans les boutiques Marcolini (9,50 €).