Civet ou filet ? Cuisson longue ou aller-retour ? Le gibier s’apprête désormais à toutes les sauces. Petit tour des évolutions dans le domaine d’un produit d’hiver qui continue de faire rêver les gourmands…
Selon une étude récente GB-Carrefour, le gibier restera, à côté de la dinde, très prisé sur la table du Noël des Belges. Et c’est vrai que l’hiver pointant le bout de son nez – la saison de la chasse 2008-2009 s’étend de septembre à fin mars –, l’envie de gibier se réveille chez la plupart des carnivores. Et s’il s’agit souvent d’un des derniers retranchements de la cuisine classique, les préparations évoluent néanmoins avec le temps.
Si, début XIXe siècle, Jean Anthelme Brillat-Savarin conseillait encore un long faisandage – seule façon autrefois d’éliminer les toxines dues à la chasse et de conserver grives, faisans, marcassins et autres renards dans le monde paysan –, cette pratique a aujourd’hui quasiment disparu avec l’apparition sur les étals de boucherie de gibier d’élevage. Tandis que le gibier chassé vient aujourd’hui tout autant des pays de l’Est que des forêts wallonnes. Dans tous les cas, la viande vendue par le boucher est déjà maturée et prête à être cuisinée.
De la même façon, si l’on retrouve encore des préparations très classiques, très riches, la tendance actuelle est à des cuissons plus rapides et à plus de légèreté : on sauce moins, la crème disparaît, on n’utilise plus systématiquement de fond… Et si l’on apprécie toujours un râble de lièvre ou une gigue de chevreuil rôtie, le gibier se retrouve aujourd’hui préparé à toutes les sauces. Avec un peu de chance, on en trouvera même à la table de restaurants indiens ou thaïlandais – et l’expérience vaut la peine d’être vécue pour son exotisme et la justesse de ses accords… En Italie, le gibier, souvent cuit dans une sauce tomate, accompagne les pâtes ou la polenta.
Pas que du civet
Si la marinade reste nécessaire pour les bas morceaux, histoire de préparer d’excellents civets ou des sauces goutteuses, rehaussées de fond de gibier, voire liées au sang de l’animal, les meilleurs morceaux, comme le filet, se préparent rosés et se cuisent comme un steak. Le meilleur moyen d’initier les palais sensibles à la finesse du gibier. On est alors loin d’un vieux sanglier au goût prononcé qui a mariné 48h dans le vin et les épices, cuit cinq heures et pourtant encore coriace comme du cuir.
Si les cuissons tendent à se raccourcir, elles peuvent à l’inverse s’allonger grâce à la technique “moderne” de la cuisson à basse température. Là, le but est de conserver aux chairs leur souplesse sans les agresser puisque l’on n’atteint jamais les 100°C (on reste autour de 60-80°C). Le lièvre, le perdreau ou le faisan se prêtent bien à ce type de cuisson. Au “Karmeliet” à Bruges, le trois étoiles Geert Van Hecke cuit ainsi son épaule de chevreuil à basse température durant 34 heures.
De même, pourquoi ne pas opter pour la cuisson à la vapeur ? Pour des filets de faisan farcis à la truffe par exemple, emballés dans de l’alu et cuits pendant une quinzaine de minutes.
D’autres accompagnements
Traditionnellement, le gibier s’accompagne de légumes et fruits de saison : purées de céleri rave ou de marrons, fricassée de champignons des bois, pommes cuites, poires au vin, gelée de groseilles, compote d’airelles… Plus traditionnel mais néanmoins original, on pourra également cuire un canard sauvage dans de la choucroute, du lard et des pommes de terre. Surprenant, l’accord fonctionne à merveille. Mais rien n’interdit d’opter pour des mariages plus inattendus. A Kruishoutem, le chef flamand triplement étoilé Peter Goossens propose en son “Hof van Cleve” un râble de lièvre avec des choux de Bruxelles et un risotto aux trompettes de la mort. Au “Prieuré Saint-Géry” à Solre-Saint-Géry, près de Beaumont, l’étoilé Vincent Gardinal accompagne, lui, son filet de lièvre de mange-tout, betterave rouge, pain d’épices croquant, mousseline de coing et cuisses en petit civet.
Marché
– Fonteyne. 837 chée d’Alsemberg 1180 Uccle. Tél. : 02.376.94.47.
Excellent volailler et gibier en saison.
– Condroz Gibier. 17 allée des Artisans 5590 Ciney. Rens. : 083.21.83.18 ou www.condrozgibier.be.
Référence en matière de gibier sauvage d’origine contrôlée en Belgique. L’atelier travaille en permanence avec des vétérinaires, qui assurent le suivi sanitaire des bêtes amenées par les chasseur. Condroz Gibier propose également des volailles d’élevage sélectionnées avec soin.
Lectures
– Gastromania n°13 Novembre 2008 (5,95 €).
Dossier sur le gibier et recettes de grands chefs belges.
– La chasse des grands chefs. Publié par Olivier Frey chez Stichting Kunstboek (156 pp.).
Très beau livre de 2005 consacré aux recettes (gibier et poissons) de chefs belges.