A découvrir absolument, jusqu’au mois de juin, le pop up restaurant londonien du chef étoilé Simon Rogan.
Basé dans le nord-ouest de l’Angleterre, Simon Rogan se présente comme «chef, fermier et restaurateur», leitmotiv emblématique de la tendance culinaire du moment. C’est qu’en plus de son «Enclume» (doublement étoilée depuis septembre 2012), le bonhomme possède également à Cartmel, petit village médiéval du Lake District, des chambres, un second restaurant, un pub, ainsi qu’une ferme.
Tandis que, début 2011, il se lançait un nouveau défi: ouvrir un restaurant éphémère à Londres pour conquérir le public exigeant de la capitale anglaise. Rogan a pour ce faire investi un petit local décoré sommairement et installé une minuscule cuisine en sous-sol… Deux ans plus tard, les deux petites salles ne désemplissent pas. Et si «Roganic» fermera en juin, il songe déjà à trouver un autre lieu à Londres, ou pas loin, pour prolonger l’aventure. On n’imagine pas en effet voir disparaître une telle perle!
Comme à Cartmel, «Roganic» s’est donné une mission: magnifier les produits de la ferme pour déjouer les clichés sur la cuisine anglaise. On est loin en effet ici du Sunday roast et des Yorkshire puddings ou de la mint jelly! Hyper technique, la cuisine pratiquée par Andy Tomlinson, ancien second de Rogan à «L’enclume», n’est jamais dans la démonstration, juste dans l’expression de l’essence des terroirs anglais, en 3, 6 ou 10 serv. (29, 55 ou 80£).
Dès les mises en bouche, on est épaté par une modernité très nordique, qui ne renonce pas aux saveurs prononcées: chips d’encre de seiche et pâté de foie ou crisp de cochon, hure de poulet et black pudding…
Avant de craquer pour la délicatesse d’une crème de poireaux, accompagnée d’un bouillon de légumes à l’aneth, de salsifis et de graines de moutarde.
Ou pour l’extrême souplesse d’un gnocchi de topinambour, mousse de truffes noires anglaises, crosnes et jets de moutarde.
Tandis que les petites betteraves cuites au barbecue, crème de butternut, sauce de persil et noisettes offrent une fraîcheur presque printanière aux produits d’hiver!
Suivent un filet de barbue au cerfeuil tubéreux, pieds bleus et crème infusée aux coques (un plat un peu trop sucré) et une belle pintade en deux cuissons (rôtie et basse température) aux chanterelles et purée d’abats.
Avant de clore ce festin 100% British par un dessert à la rhubarbe du Yorkshire et coulis d’oseille sauvage à l’acidité affirmée, adoucie par une poudre de gingerbread et un parfait glacé.
Et enfin, en guise de mignardises aussi originales que convaincantes, un formidable milk-shake de panais au goût de légume pur, quasiment non sucré, qui vient laver le gras du petit financier amande, thym et beurre de panais.
De plus, cet enthousiasmant «Roganic» démontre l’immense travail effectué par la gastronomie anglaise depuis quelques années pour proposer d’excellents produits de bouche: viandes, légumes, laitages… Et même des vins! Le chardonnay Hush Heath Estate (7,50£/verre) et le pinot noir Gusbourne Estate (46£/bouteille) servis ici, tous deux produits dans le Kent, se révèlent en effet très intéressants. Bluffé!
Cette critique a été publiée dans le « Trends-Tendances » du 13 décembre 2012.
Envie d’y goûter?
- Cote: 8,5/10.
- Cuisine: anglaise moderne.
- Cave: belle carte.
- Cadre: sobre.
- Terrasse: non.
- Parking: non.
- Adresse: 9 Blandford St, London, W1U 3DH.
- Rens.: www.roganic.co.uk ou +44.20.74.86.03.80.
- Ouverture: fermé le dimanche.
La fille: « Si le « Roganic » n’était pas éphémère, il aurait sans problème décroché une étoile au Michelin voire deux…!«
Le garçon: « Franchement épatant ce voyage dépaysant dans la campagne anglaise, à travers une série de produits parfaitement sélectionnés, comme par exemple ce très intéressant « living butter », à mi-chemin entre beurre et crème épaisse. »