Plus besoin de présenter Heston Blumenthal, le chef trois étoiles du « Fat Duck » dans la banlieue de Londres qui, dans les années 2000, fut avec le Catalan Ferran Adrià l’un des principaux porte-drapeaux de la cuisine moléculaire. Lui aussi a senti le vent tourner depuis quelques années. Son nouveau restaurant londonien, ouvert il n’y a même pas deux ans au «Mandarin Oriental» en lisière d’Hyde Park et déjà étoilé au Michelin, boude en effet les faux caviars et autres poudres de perlimpinpin.
Le chef anglais n’abandonne cependant pas son approche scientifique pour revisiter la cuisine britannique… En regard du menu, on découvre ainsi une bibliographie des ouvrages mentionnant pour la première fois chaque plat.
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Le bouillon d’agneau corsé (15£), accompagnant un oeuf à 63°C et des ris de veau, apparaît ainsi en 1730 dans « The Complete Practical Cook » de Charles Carter.
Tandis qu’en 1660, « The Whole Body of Cookery Dissected » de William Rabisha cite le « savoury porridge » (14,50£), qui sert d’accompagnement à de provocantes (pour les Anglais) cuisses de grenouille panées. Un accord classique finalement puisqu’il s’agit d’une sauce à base de persil, d’ail et d’avoine.
Si les entrées sont d’un grand raffinement, la Battalia Pye (30£) est plus décevante. On s’attendait à une vraie pie anglaise; on se retrouve avec une sorte de vol-au-vent où l’acidité des pickles domine un peu trop même si le cuisse de pigeon et les abats (ris, rognons et langue d’agneau) sont parfaitement cuits.
On lui préfère le formidable Hereford Ribeye (34£), un superbe steak mâturé servi le plus simplement du monde avec les célèbres frites en trois cuissons d’Heston, un ketchup de champignons un poil trop acide également et, si l’on veut, un peu de cavolo nero (4,50£).
On est de nouveau partagé au moment du dessert entre le Tipsy Cake (12£), une brioche incroyablement fondante servie avec de l’ananas cuit à la rôtissoire, et l’étonnante glace de pain noir (9£), un classique anglais remontant à 1830, garnie ici d’un caramel au beurre salé et au sirop de malt, qui laisse en bouche un souvenir trop levuré.
Pour accompagner cette cuisine anglaise de haut vol, il faudra casser son portefeuille! Le vouvray de Loire « Les Argiles » de François Chidaine est à 11,50£ le verre, tandis que l’excellent meursault « Les Narvaux » 2009 de chez Millot se déguste à 22,50£ le verre!
Bref, un repas en demi-teintes dans ce « Dinner », aux propositions pas toujours totalement abouties mais qui démontre quand même l’incroyable maîtrise technique d’Heston Blumenthal, jusqu’aux mignardises. Cette crème au chocolat infusée au thé Earl Grey et ce shortbread au carvi laissent en effet une bien agréable impression au moment de retrouver les boulevards londoniens.
Envie d’y goûter?
- Cote: 8/10.
- Cuisine: anglaise revisitée.
- Cave: internationale.
- Cadre: lounge.
- Terrasse: non.
- Parking: non.
- Adresse: 66 Knightsbridge, London SW1X 7LA.
- Rens.: www.dinnerbyheston.com ou +44.20.72.01.38.33.
- Ouverture: tous les jours de 12 h à 14 h30 et de 18 30h à 22 h30.
La fille: « Malgré deux ou trois manques d’équilibre ici ou là, notamment sur l’acidité, on apprécie l’audace de Blumenthal de jouer ici avec des saveurs authentiques et historiques dans des recréations souvent très intéressantes. Par contre, la déco lounge impersonnelle du lieu n’est pas vraiment en accord avec le contenu des assiettes. »
Le garçon: « Décidément, le Mandarin Oriental se la joue gourmet! Si l’on a envie de manger un hamburger new-yorkais ou des charcuteries à la lyonnaise, on pourra également visiter l’excellent « Bar Boulud » de Daniel Boulud juste à côté, qui propose aussi de très bons cocktails.«
J’avais bien aimé aussi, mais mes coups de coeur récents à Londres : Sketch, Pollen Street Social, The Ledbury et Gauthier Soho. En tous cas, Londres devient une destination foodie !
Le Pollen Street je ne connaissais pas, ça à l’air pas mal! Merci