Ce soir à 20h20 sur La une RTBF, le magazine d’investigation “Questions à la une” enquête sur deux univers gourmands: la boulangerie et la pâtisserie. Avec un constat, l’artisanat est en train de céder du terrain face à l’industrie agroalimentaire…

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Toutes ces photos montrent un beau contre-exemple: les pains préparés par Pascal Donnet notamment avec la farine du Moulin de Hollange, garantie sans additifs…

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« Pourquoi le pain est-il si mauvais en Belgique ?” Combien de fois entend-on cette réflexion ? Le journaliste Gérald Vandenberghe a tenté de répondre à cette sempiternelle question dans une enquête fouillée (52 min) à découvrir ce soir dans “Questions à la une”. Intitulé Artisanal ou industriel  : où est passé le bon pain?, son sujet étudie deux pistes principales : le “pain précuit frais” (euphémisme pour congelé) et les additifs dans les farines.

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Partant d’un constat personnel – l’impossibilité de “trouver un pain qui corresponde à mon image du bon pain”, celui que sa mère faisait quand il était enfant –, le journaliste a rencontré de nombreux artisans boulangers, notamment Pascal Donnet du “Bon.comme” à Walhain, qui s’inscrit dans la filière du Moulin de Hollange en Ardennes, l’une des seules en Belgique garanties sans additifs. “C’est l’un des seuls boulangers que j’ai rencontrés qui connaissait vraiment bien le problème et qui disait  : je n’en veux pas.”

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La plupart des boulangers interrogés, notamment en caméra cachée, semblaient en effet découvrir ces poudres magiques que l’on rajoute dans les farines industrielles pour les rendre tout simplement panifiables… “En gros, ils ne savent pas. Ils travaillent avec des mix, auxquels il suffit juste de rajouter l’eau avant de pétrir… Ce que craignent les boulangers, c’est l’échec. Ils n’ont plus envie de dépendre de la température, de l’humidité dans l’air… Parce qu’ils produisent plus de variétés de pains qu’avant et que, comme il s’agit d’un métier de nuit, ils veulent économiser quelques heures de sommeil. Ils choisissent donc des farines plus sûres…”

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Que ce soit la multiplication des pâtons précuits ou l’usage des additifs, ces deux phénomènes sont à l’origine de la modification du goût du pain en Belgique. Même si, scientifiquement, il n’est pas possible d’affirmer que les additifs utilisés dans les farines sont à l’origine des allergies, notamment au gluten, qui se multiplient. “J’ai contacté des toxicologues à l’UCL et à l’ULB; certains apprenaient cette utilisation des additifs. Il n’existe pas d’études scientifiques sur la question, sinon des études dans la profession qui font état d’allergies cutanées chez les boulangers. On peut néanmoins se demander pourquoi on n’investigue pas dans ce domaine…”, estime le journaliste.

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Le pain du Moulin de Hollange 

Pour les besoins de son enquête, Gérald Vandenberghe a notamment rencontré les responsables de Puratos, une multinationale belge leader dans la chimie de la boulangerie. Présente dans 67 pays, l’entreprise est spécialisée dans les additifs pour le pain, qui permettent d’augmenter la vitesse de fermentation par exemple. “Ils sont très fiers de leur travail, comme tous les gens que nous avons rencontrés d’ailleurs. Ils ont par exemple lancé “Sapor”, une poudre (du levain déshydraté) qui permet de donner un goût de levain à n’importe quel pain, y compris fabriqué avec de la levure chimique…”

Le pain est-il meilleur en France  ?

En France, la tradition du pain est plus forte qu’en Belgique, ce qui explique pourquoi le pain y est, de manière générale, bien meilleur. “Il y a deux raisons, avance le journaliste de la RTBF. La première tient dans la définition, très claire, de la boulangerie par la loi. On ne peut afficher “boulangerie” sur une enseigne que si le pain est pétri, fabriqué et cuit sur place, tandis que les surgelés sont interdits.” Cela explique par exemple pourquoi, au contraire de ce qui se passe chez nous, le “Pain Quotidien” ne peut se présenter à Paris comme une “boulangerie”, ses pains étant fabriqués dans un atelier à Ninoves (que n’a pas pu visiter l’équipe de “Questions à la une”). “La deuxième raison tient aux farines. En France, le label “farine tradition” garantit une farine sans additifs (à l’exception de deux additifs naturels comme le blé malté).” Un label que l’on doit au fondateur de Retrodor qui s’est battu auprès de son vieil ami Jacques Chirac pour obtenir cette reconnaissance par un décret ministériel.

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Pour ses baguettes, Pascal Donnet travaille avec la farine française Retrodor garantie sans additifs.

Si la situation de la boulangerie semble meilleure en France, ce n’est pas le cas de la pâtisserie. Dans un deuxième temps, “Questions à la une” diffuse en effet La pâtisserie est-elle encore un artisanat? Dans ce reportage français (adapté par Frank Istasse pour la RTBF), Laure Delalex nous fait découvrir l’envers du décor des pâtisseries de quartier, où des “artisans” vendent, sans le dire à leurs clients, des croissants, tartes et autres éclairs tout droit sortis d’usines agro-alimentaires. Il suffisait de se promener dans les allées d’un magasin professionnel pour se rendre compte que les pâtissiers achetaient déjà beaucoup de choses toutes prêtes (pâtes, mélanges, glaçages…). On découvre ici que certains ne sont plus que des revendeurs… Un témoin explique que le seul outil du pâtissier peut désormais être le cutter, qui permet d’ouvrir les caisses en carton…

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Semi-industriels ou pas, les macarons de Pierre Hermé restent une tuerie!

En France, il existe évidemment encore de très grands pâtissiers, des artisans du luxe dont les pâtisseries ressemblent à des bijouteries… Mais sait-on que le grand Pierre Hermé fait fabriquer ses précieux macarons à échelle semi-industrielle dans un immense atelier dans l’est de la France? Un atelier que la journaliste n’a pas pu visiter car chez Hermé, on est un peu gêné aux entournures… A la différence de son grand rival Ladurée, qui fait 80% de son chiffre d’affaires grâce à ses macarons, fabriqués dans une usine en Suisse. Son jeune pdg (dont la famille possède également la chaîne « Paul ») a au moins l’avantage de la franchise, précisant que ses macarons (toujours préparés avec les mêmes ingrédients irréprochables) sont « hibernés » (on aura compris « congelés ») avant de prendre le bateau pour les terres lointaines où la marque est présente.

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Contrairement aux macarons, les pâtisseries Ladurée (excellentes) sont toujours préparées sur place dans les différents points de vente.

Où l’on découvre surtout que l’industrie n’est pas synonyme de mauvaise qualité… Ainsi, à un test à l’aveugle, le critique gastronomique du « Figaro » et le pâtissier Christophe Felder goûtent à l’aveugle, pour les besoins du reportage, différents éclairs, le dessert le plus vendu en France devant la tartelette aux fruits. Résultat: ils épargnent l’éclair de Carrefour, descendent celui de chez Picard et assassinent celui… d’un artisan.