L’élevage bovin belge moderne s’est basé sur des croisements initiés au XXe siècle entre des races locales peu productives, considérées comme des bêtes de somme, et des taureaux Durham. Le but était évidemment d’améliorer la production de lait et de viande mais aussi pour rendre les boeufs plus aptes au travail, trois caractéristiques que réunissait cette race anglaise. Et c’est au sortir de la Première Guerre mondiale qu’est né le premier Herd-book officiel. Enfin, en 1973, la race de moyenne et haute Belgique est renommée blanc-bleu belge ou BBB.
Fierté agronomique belge créée d’abord comme une race mixte avant d’être consacrée quasi uniquement à la viande face à la montée des vaches laitières Holstein, le blanc-bleu domine toujours l’élevage de races à viande en Belgique.
Très critiqué pour sa faiblesse génétique due à une consanguinité poussée, les malformations de ses veaux (chaque taureau reproducteur doit désormais être contrôlé sur 7 tares), son manque de rusticité et les césariennes obligatoires – la nécessité du recours au vétérinaire l’a même fait interdire dans certains pays nordiques, tandis qu’il est impossible de faire passer un élevage BBB en bio!-, le blanc-bleu doit désormais compter avec d’autres races. «On a été trop loin dans la recherche du dernier kilo de viande avec le BBB», résume sobrement Dimitri Beguin, éleveur de vaches limousines à Hamois. Qui pourrait lui en vouloir? La vue effrayante de ces bêtes hypertrophiées dans les champs belges n’a jamais été très rassurante…
Dans un article du 4 avril 2013 de son magazine « Wallonie Elevage » à destination des éleveurs, l’AWE (Agence wallonne de l’élevage) fait état d’une analyse intitulée «La race: un critère de rentabilité?». Laquelle dresse un comparatif des coûts et de la rentabilité des différents types de races élevées en Belgique. Et si l’on apprend qu’effectivement, au niveau des achats d’aliments et des frais vétérinaires, la BBB est la plus exigeante (845€ par vache, contre 403€ pour la limousine par exemple), contrairement aux critiques qui sont souvent formulées vis-à-vis du BBB, le taux de mortalité n’est a priori pas plus élevé que pour les autres races. Tandis qu’elle reste la plus rentable pour l’éleveur, surtout en cas d’engraissement. Mais à l’AWE, on précise que, pour parvenir à une telle rentabilité, il s’agit surtout d’être un bon éleveur! Car l’élevage de BBB demande une très haute technicité, finalement peu adaptée aux petits élevages…
Concernant le BBB, il ne faut pas non plus se tromper de cible. Il s’agit d’une viande conçue pour répondre à la demande des consommateurs (à moins que ce soit l’offre qui ait fini par créer la demande…) qui, dans leur grande majorité en Belgique, apprécient une viande tendre et maigre. Une étude de l’évolution des habitudes de consommation des Belges effectuée par l’Observatoire de la consommation alimentaire fin 2012 montre par ailleurs un recul important du budget consacré à l’alimentation, le prix étant le principal critère d’achat… Et au vu de l’augmentation du prix de l’énergie, le poste « alimentation » risque d’encore diminuer chez les ménages belges! Le critère du prix fait donc également du BBB une viande privilégiée pour la consommation quotidienne.
Mais cette étude montre aussi qu’il existe de la place pour les marchés de niche, bien qu’ils nécessitent une éducation du consommateur. Face à ce mouvement et à un désintérêt grandissant des gourmets pour le blanc-bleu (en dehors de Belgique, difficile de trouver un boucher qui aie un mot tendre pour cette viande…), habitués désormais à trouver dans leurs supermarchés des viandes irlandaises, sud-américaines…, les éleveurs de BBB se sont diversifiés en créant le label wallon «Bleue des prés» (l’étude de consommation évoquée plus haut nous dit pourtant que, malgré la multiplication des labels, ceux-ci ne constituent que rarement un critère de choix pour guider l’achat).
Le label « Bleue des prés » garantit des bêtes de 30 à 72 mois, qui ont dû passer au moins deux saisons en pâturage et être nourries avec des céréales produites localement. Avant d’être engraissées pendant trois mois avec des compléments riches notamment en Omega-3. Le résultat est une viande plus persillée, plus grasse, plus dans l’air du temps. Réservée à l’Horeca depuis 2001, elle est désormais accessible à tous. On en trouve notamment dans le nouveau magasin locavore « D’ici » à Naninne.
La « Bleue des prés » n’est guère que du BBB légèrement amélioré. Gustativement, cela n’a toujours rien de très convaincant… Toujours trop maigre pour avoir du goût…
- Rens. sur la Bleue des prés: www.proaniwal.com.
- Source: magazine « Wallonie Elevage » (AWE).