L’élevage de vaches limousines gagne du terrain en Wallonie, alternative naturelle au traditionnel blanc-bleu. Rencontre à Hamois avec l’un de ses éleveurs, Dimitri Beguin.

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Depuis deux ans, France Didion et Dimitri Beguin ont repris une petite boucherie au centre d’Havelange. A quelques kilomètres de Ciney, centre mondial du blanc-bleu belge (BBB), ils affichent fièrement sur leur vitrine, ô sacrilège : “viande limousine”. En se promenant dans la région, force est de constater en effet qu’à côtés des vaches laitières, on voit de plus en plus de limousines dans les prés. Impossible de les rater avec leur belle robe couleur froment vif, sorte de brun tirant vers le roux !

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A Havelange, “France et Dimi” vendent uniquement le boeuf de leur propre élevage, installé au Tige de Buresse à Hamois. Ils participent ainsi à populariser cette race originaire du plateau limousin (Haute Vienne, Corrèze…) introduite en Belgique au début des années 70. “Au début, ce sont les châtelains qui les ont placées dans leurs champs parce qu’il les trouvaient plus jolies”, raconte Dimitri Beguin, 37 ans, fier comme Artaban au milieu de ses vaches. “La limousine a son caractère, qui me correspond bien. Même si elles ont l’air paisible au premier abord, elles sont difficiles à isoler; elles ont gardé un esprit de troupeau… La 1168 est super têtue par exemple. Elle est jolie comme tout mais je ne pourrai pas l’emmener à Libramont, elle refuse de se laisser promener, elle refuse la corde, elle préfère se laisser traîner.”

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Ses vaches, Dimitri Beguin les connaît toutes par leur numéro. Ou par leur petit nom, comme Plinda, 14 ans, sacrée championne des génisses à Bruxelles puis championne des vaches à la Foire de Libramont l’année suivante. “Elle m’a permis de me faire un nom chez les éleveurs. Les trois veaux que j’ai vendus le plus cher, ce sont les siens…” Aujourd’hui, Plinda est toujours la mascotte du Tige de Buresse, avec 11 veaux a son actifs, dont 7 sont toujours à la ferme. Un record ! Une vache limousine peut en effet avoir en moyenne 7 ou 8 veaux avant d’être réformée (autrement dit passer par la case boucherie), là où les vaches BBB n’ont qu’un ou deux veaux…

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Plinda, 14 ans et 11 veaux à son actif. La mascotte de l’élevage de Dimitri Beguin.

Le choix de quitter l’univers du BBB pour la limousine, ce n’est pas Dimitri Beguin qui l’a fait mais son père Dany. En 1991, lassé du travail que lui demandait son troupeau, par les pertes importantes de veaux (suite aux diarrhées, pneumonies, “grosses langues” et autres malformations diverses) et les traitements vétérinaires incessants qui en découlent, il décide de changer de race. Il essaye la blonde d’Aquitaine, la salers et le limousine, le grand-père ayant déjà élevé, lui, de la charolaise pendant 20 ans, race plus osseuse (donc moins viandeuse) et moins facile à élever. Dany Beguin opte finalement pour la limousine, une race rustique à même de rentabiliser l’herbe des prés..

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Mais ce qui a pesé aussi (et surtout) dans la balance, c’est le fait que, contrairement au BBB, la limousine vêle naturellement, sans passer par une césarienne obligatoire. Les frais de vétérinaires ont d’ailleurs chuté drastiquement, passant de 45-50000 € par an à dix fois moins aujourd’hui, affirme Dimitri Beguin. Mais, en plein coeur du Condroz, cette trahison a été mal vue par ses collègues éleveurs. Les premières limousines importées en Belgique avaient en effet très mauvaise réputation… “C’était des bêtes sauvages, dont les Français ne voulaient pas…”

C’est le fils par contre, à la tête de l’élevage depuis 13 ans, qui a décidé de passer en bio. Parce que la demande est croissante mais aussi par souci environnemental. Mais Dimitri refuse de critiquer ses aînés. “On leur a inculqué l’idée qu’il fallait produire un maximum pour nourrir la population…” En mars de l’année prochaine, il décrochera enfin le précieux sésame qui lui permettra de vendre sa viande un peu plus cher, soit 5,20 €/kg sur carcasse pendue, contre 4,20 €. “Mais, en général, je pense que les prix de la viande vont augmenter. Car il y a de moins en moins de bêtes en Europe, beaucoup d’éleveurs préférant se reconvertir dans la culture…”

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La transition bio dure deux ans. “Pour l’instant, j’ai tous les coûts du bio mais pas les avantages !” Mais le jeune éleveur ne regrette pas son choix. Même s’il lui faudra réduire la taille de son troupeau de 120 à 100 vêlages par an (soit environ 70 bêtes en moins si l’on compte les génisses des années précédentes, les taureaux et les veaux) afin d’être autosuffisant dans la production de son fourrage sur ses 12 ha de culture (avoine, blé, épeautre). “Je dois produire mes protéines car acheter bio, c’est très cher”, explique-t-il.

La limousine est particulièrement adaptée au bio car elle vêle sans césarienne (une obligation en bio) et nécessite moins de médicaments. Les antibiotiques sont en effet interdits en bio et, si l’on ne peut vraiment s’en passer, il faudra attendre 40 à 50 jours avant de tuer la bête. Sur les 220 éleveurs inscrits au Herd-Book limousin belge, une trentaine sont déjà passés ou sont en phase de transition au bio. Tandis que beaucoup d’autres y réfléchissent. Race rustique, la limousine est l’une des races qui transforme le mieux l’herbe en viande, rentabilisant donc parfaitement les fourrages grossiers, les champs pauvres. “Il faut accepter les mauvaises herbes dans ses prairies. Avant, j’aurais passé un coup d’herbicide, maintenant, je viens faucher et passer les orties à la débroussailleuse… En tout cas, depuis que je suis passé en bio, je n’ai plus de veaux victimes de diarrhée… C’est peut-être un hasard mais je crois que c’est un bon signe…”

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Une boucherie de campagne: «France et Dimi»

Possédant tous deux une formation en boucherie, France Didion et Dimitri Beguin ont d’abord songé à ouvrir une boucherie à la ferme. Vu les coûts élevés, ils se sont finalement replié sur le rachat d’une boucherie existante à Havelange, puis d’une autre un peu plus loin. Au menu, de la limousine bien sûr (entrecôte, filet pur, araignée, veau de lait…) mais aussi le porc fermier de Luc Lefebvre à Dorinne, un excellent pâté de campagne, de la tête de veau maison, de la tête pressée, des jambons et lards fumés (Dimitri utilise un fumoir à Miécret), etc. Tandis que, professeur d’hôtellerie à Schaltin, France propose aussi des plats traiteurs qui se vendent comme des petits pains: carbonnades, sauce bolognaise… Une boucherie tenue par l’ancien propriétaire, qu’ils ont réengagé, mais aussi par eux deux à mi-temps, France étant professeur d’hôtellerie, tandis que Dimitri passe la matinée dans son élevage et l’après-midi à la boucherie.

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  • 87 rue de la Station, 5370 Havelange.
    Rens.: www.boucherie-france-et-demi.be ou 083.63.33.87.
    Ouvert du mardi au samedi de 8h30 à 12h30 et de 14h à 18h30.

 

Deux recettes avec la limousine

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Où trouver de la limousine?

Le “Herd-Book” limousin belge recense 220 éleveurs inscrits et en règle de cotisation. Mais on compte de nombreux autres éleveurs, qui possèdent quelques vaches. Sur son site, l’association publie une liste de différents points de vente de proximité en Wallonie. On y trouve également des tas d’informations sur la race limousine, son élevage…

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