Depuis quelques années, Londres a emboîté le pas au renouveau du cocktail né aux Etats-Unis. Raison de plus pour réserver au plus vite son billet d’Eurostar!
Il n’y a pas que le shopping qui donne envie de traverser la Manche! Capitale gourmande, Londres voit également fleurir de nombreux bars à cocktails, qui honorent la mémoire de l’un des premiers d’entre eux, le mythique «American Bar» de l’hôtel Savoy. Arrivé à Londres en 1920 suite à la Prohibition, le barman américain Henry Craddock y jeta les bases de la mixologie moderne, que l’on redécouvre aujourd’hui.
Les barmen contemporains se sont en effet replongés avec bonheur dans son ouvrage de référence: le «Savoy Cocktail Book». Publié en 1930 et régulièrement réédité, celui-ci recense quelque 750 cocktails, dont de nombreuses créations devenues classiques. Comme la série des «Corpse Revivers», imaginés par Craddock pour inciter les clients à consommer de l’alcool dès le matin!
Le « Marmelade Cocktail » d' »Hawksmoor », un « Eye Opener »…
En feuilletant ce recueil austère mais orné de beaux dessins de Gimbert Rumbold, on tombe sur les «Aviation», «Bijou», «Martinez», «White Lady» et autres «Millionnaire». Autant de breuvages anciens qui retrouvent une seconde jeunesse dans les nouveaux bars de Londres. Des bars chics ou populaires, modernes ou à l’ancienne, mais souvent très stylés. Et, pour les meilleurs d’entre eux, marqués par un vrai travail de barman: choix méticuleux des alcools et des ingrédients de base, fabrication de bitters, de cordials, de vermouths maison, étude des nouvelles techniques, réinterprétation des classiques, mise au point de créations travaillées, etc.
Le bar du « Hawksmoor » à Guildhall dans la City
A Londres, la vogue du cocktail s’étend largement au-delà des bars ou des hôtels. Dans les restaurants et les steakhouses (autre tendance affirmée à Londres, qui, une fois encore, a traversé l’Atlantique), on propose également de très bons cocktails. La chaîne «Hawksmoor», par exemple, ne se contente pas de servir des steaks et des burgers, ses quatre restos possèdent qui plus est un vrai bar digne de ce nom ! Idem au «Bar Boulud» du «Mandarin Oriental», où l’on propose un magnifique «White Cosmo» (sureau, pamplemousse et vodka), servi avec un élégant glaçon sphérique renfermant une fleur de sureau!
Envie de lecture?
- «The Savoy Cocktail Book», publié en fac-similé en 2011 par Pavilion Books (286 pp., env. 12€). Recettes anciennes d’Harry Craddock mais aussi créations d’Erik Lorinck, barman actuel de l’«American Bar».
Nightjar: néo-speakeasy***
A New York, on ne compte plus les bars cachés dans les recoins et sous-sols de Manhattan rendant hommage au bon vieux temps de la Prohibition. A Londres, la tendance est moins marquée mais on trouve néanmoins quelques néo-speakeasies, comme le club «Milk & Honey» ou l’«Expérimental Cocktail Club», ouvert par une bande de Frenchies déjà à la tête de quatre bars à Paris et un à New York. Mais le nouvel endroit dont tout le Londres nocturne bruisse, c’est le «Nightjar».
A deux pas de la gare d’Old Street, une discrète plaque en laiton indique un escalier anonyme menant, en sous-sol, vers cette nouvelle Mecque du cocktail. Déco à l’ancienne soignée, ambiance élégante, musique jazzy, nombre de places limité (ouvertes à la réservation en avant-soirée), etc. Tout invite au recueillement pour siroter des cocktails raffinés, préparés par de vrais barmen à bretelles. Avec un mot d’ordre: explorer les dernières tendances de la mixologie moderne, entre relecture des classiques et créations travaillées…
Organisée de façon chronologique (Pré-Prohibition, Prohibition, Post-War et Signatures), la carte est limitée mais diablement engageante! Mêlant tequila Herradura Reposado,
infusion d’hibiscus, liqueur de yuzu, marasquin, jus de mandarine frais, sirop d’agave et bitter au pomelo, le «Nightjar Crusta» (10£) est tout en fraîcheur. Encore plus complexe mais bien balancé, le «Chicha Morada» (10£) allie vodka Belvedere, infusion d’amandes, jus de dattes et soda de maïs péruvien. Servie dans une courge butternut évidée, avec une feuille de maïs, un baby maïs grillé et de la menthe, cette proposition exotique illustre parfaitement la philosophie des lieux: la garniture importe autant que le cocktail lui même!
C’est encore plus vrai dans le classique «Old Fashioned» (11£). Préparé par exemple avec l’excellent bourbon Pappy Van Winckle’s 15 ans, il est servi non sur glace mais sur un oeuf en métal glacé (pour éviter toute dissolution) et décoré avec un morceau de canne à sucre, un zeste de citron, une cerise et surtout une meringue fumée au tabac, qui vient renforcer les notes de cuir du whisky! Plus convaincant que le «Martinez», réinterprété, lui , avec un bitter au chocolat trop puissant mais joliment proposé dans une cabosse de cacao chauffée pour exhaler ses parfums.
- 129 City Road, London EC1V 1JB. M° Old Street.
Ouvert tous les soirs dès 18h.
Rens.: +44.20.72.53.41.01 ou www.barnightjar.com.
Montgomery Place: Hidden Gem***
Quartier très vivant à l’ouest de Londres, Notting Hill est constellé de bars bondés le vendredi et samedi soir. Un peu à l’écart de la très animée Portobello Road, le «Montgomery Place» joue une carte plus classique, dans un décor raffiné mettant en valeur le très beau bar, où s’alignent alcools de choix et décoctions maison…
Si l’on a la chance, un soir calme, de tomber sur le head bartender (tous le barmen n’étant malheureusement pas du même niveau…), on boira ici des classiques parfaitement exécutés, sans aucun tralala et à l’excellent rapport qualité-prix (9-10£).
Si le «Pegu Club» est pas mal, l’«Aviation» est carrément parfait, l’équilibre entre gin, jus de citron et liqueur de violette étant irréprochable. Tout comme le «Corpse Reviver #2», mêlant comme, le préconisait Mr Craddock, gin, Lillet blanc, Cointreau et jus de citron, le tout dans un verre rincé à l’absinthe. Très bon également, le «Last Word» (marasquin, gin et Chartreuse) ou le «Bobby Burns» (blend Scotch Bailie Nicol Jarvie, vermouth maison et Bénédictine). Et en guise d’au revoir, on a droit ici à une mini-coupe de Ruinart. La classe…
- 31 Kensington Park Road, London W11 2EU. M° Ladbroke Grove.
Ouvert tous les soirs dès 17h (14h le samedi).
Rens.: +44.20.77.92.39.21 ou www.montgomeryplace.co.uk.
Portobello Star: the Ginstitute**
On est à deux pas du «Montgomery Place» mais l’ambiance est tout autre! Il faut dire qu’on est en plein Portobello Road. Musique pop-rock puissante, dizaines de personnes debout collées les unes aux autres… Au «Portobello Star», on est dans un sympathique bar populaire tout ce qu’il y a de plus English. On est d’ailleurs fier de préciser qu’en ces lieux, on «sert de l’alcool aux Londoniens et aux visiteurs depuis 1740». Malgré le rush, derrière le bar, les jeunes barmen ou barmaids confectionnent néanmoins de vrais cocktails bien fichus.
A l’étage, on pourra même, en journée, visiter le «Ginstitute», qui consacre le retour en grâce d’un spiritueux qui a ses origines à Londres. On distille ainsi ici le gin Portobello Road N°171. A découvrir par exemple dans un très bon «Portobello Road Martini» (8£), allié à du Lillet blanc et à du bitter à l’orange, servi dans un verre lavé au Gammel Dansk (une liqueur amère danoise) et décoré d’un zeste de pamplemousse.
Le gin maison se retrouve également dans le basique «Bramble» (8£), un grand classique londonien (gin, sucre, jus de citron et liqueur de mûres), ou dans un tout aussi classique «Negroni» (gin, vermouth rouge et Campari), variation très populaire sur l’«Americano» inventée à Florence par le Comte Negroni. Lequel a simplement demandé à ce que l’on troque le soda de son «Americano» par du gin…
- 171 Portobello Road, London W11 2DY. M° Notting Hill Gate.
Ouvert tous les jours dès 11h.
Rens.: +44.20.72.29.80.16 ou www.portobellostarbar.co.uk.
The Zetter Townhouse: l’apothicaire**
Installé dans un quartier tranquille du nord-ouest de Londres, «The Zetter Townhouse» est le Boutique Hotel du «Zetter». Tout nouveau tout beau, il s’est évidemment doté d’un très agréable «cocktail lounge» aux faux airs campagnards. Fauteuils en cuir, tables basses, lumière tamisée, on sentirait presque la chaleur d’un feu de cheminée. On se sent en tout cas comme chez soi dans cette confortable chaumière anglaise.
Créée par Tony Conigliaro, la carte saisonnière rend hommage au passé du quartier, autrefois occupé par de nombreuses distilleries. Ses cocktails (8,50 ou 9,50£) s’ornent donc de préparations anciennes (bitters, décoctions d’herbes, teintures, infusions, cordials…). Rien d’étonnant que le grand bar se donne des airs de comptoir d’apothicaire. Ou que le «Köln Martini», mêlant vodka et gin, soit terminé par deux gouttes d’eau de Cologne maison (dans une formule buvable)!
Mais on lui préfère le «Pine Needle Gimlet», qui allie gin Beefeater et un cordial au pin, ou le «Nettle Gimlet», préparé avec un cordial d’orties. Tous les essais ne sont pas réussis mais on ne peut que saluer l’impressionnant travail derrière ceux-ci!
- 49-50 St John’s Square, London EC1V 4JJ. M° Barbican.
Tous les soirs dès 19h.
Rens.: +44.20.73.24.44.44 ou www.thezettertownhouse.com.
Booking Office: salle d’attente de luxe***
Le revival du cocktail à Londres pousse également les Anglais à se repencher sur leurs propres traditions. En redécouvrant les vieux punchs par exemple. Le très élégant «Booking Office», bar-resto du somptueux hôtel Renaissance installé dans la gare de St Pancras, s’en est fait une spécialité. Posés sur l’immense le bar en marbre, de magnifiques bols à punchs en cuivre attendent ainsi qu’on y plonge une louche. Ou qu’on les emporte à table. On peut en effet commander ici son punch pour 12 personnes (env. 90£)!
A la carte, on découvre la recette de ces breuvages parfois très anciens mais qui n’ont pas pris une ride! Pour préparer un «Charles Dickens Memorial» (8,75£), on chauffe des morceaux de sucre de canne, du rhum infusé à l’ananas et du Cognac VSOP. Quand le sucre est dissout, on coupe le feu et on ajoute jus de citron et eau bouillante. Le résultat? Génial!
Tout aussi bien dosé, le «Billy Dawson» (8,75£) marie citron, sucre de canne, rhum jamaïcain, cognac VSOP, Batavia Arrack (une sorte de rhum) et est assaisonné d’un peu de noix de muscade fraîchement râpée et de quelques fruits (citron, fraise, framboise et myrtille).
En attendant son Eurostar, on pourra également siroter au «Booking Office» l’un ou l’autre «Hop & Apple drinks», boissons à base d’apple ale ou de cidre. So British!
- St Pancras Renaissance Hotel. Euston Road, London NW1 2AR. M° St Pancras.
Ouvert tous les jours.
Rens.: +44.20.78.41.35.66 ou www.bookingofficerestaurant.com.
American Bar: à la source***
Depuis les années 1920, le «Savoy» est un haut lieu du cocktail en Europe. Si, lors de son impressionnante rénovation, le palace du Strand s’est doté d’un second bar (le «Beaufort Bar»), le souvenir d’Harry Craddock fait toujours de l’antique «American Bar» un lieu de pèlerinage pour les aficionados du cocktail, prêts à débourser 14-15£ pour déguster l’un ou l’autre classique de la Bible, le «Savoy Cocktail Book».
Si le décor déçoit franchement, le Slovaque Erik Lorincz – qui régnait auparavant sur le génial bar du «Connaught» avec Ago Perrone (cf. ci-contre) – se montre un digne héritier de Craddock! Son «White Lady» (gin, Cointreau, jus de citron et blanc d’oeuf) n’a sans doute rien à envier à celui de son prédécesseur. Tout comme le «Clover Club» (gin, jus de citron, blanc d’oeuf et sirop de framboise), classique d’avant la Prohibition qui tire son nom d’un gentlemen’s club de Philadelphie.
Outre les classiques, on pourra aussi découvrir ici de belles inventions, comme le rafraîchissant «Green Park» (Old Tom Gin, blanc d’oeuf, citron, basilic et bitter au céleri) ou l’excellent «Malecon», qui a permis à Lorincz de décrocher, en 2010, le titre de meilleur barman du monde en mariant avec art rhum Bacardi, citron vert, sherry, porto et bitter Peychaud’s.
- The Savoy, Strand, London WC2R 0EU. M° Temple.
Ouvert tous les jours dès midi.
Rens.: +44.20.78.36.43.43 ou www.fairmont.com/savoy-london/dining/americanbar.
The Artesian: cocktails moléculaires***
Bar du magnifique «Langham», palace situé juste à deux pas de l’ancien bâtiment Art Déco de la BBC, «The Artesian» est l’un des bars à cocktails les plus réputés au monde, vainqueur du très influent «World’s Best Bar». Sans surprise, les lieux sont vite surpeuplés, d’autant qu’il est impossible de réserver.
Dans une ambiance très chic, le barman tchèque Alex Kratena et son bras-droit Roman Foltán composent des cocktails très recherchés (env. 15£) et, pour certains, carrément délirants. Comme ce «Gunpowder» tout en show-off, servi avec une tête de crocodile, un fusil et une théière fumants.
Difficile cependant de ne pas être épaté par le boulot abattu par les barmen, qui servent par exemple le «Dry Martini» dans un étonnant verre en métal givré en deux parties (conçu pour le garder glacé le plus longtemps possible). Tandis que ce classique se décline ici en «Londres», «Paris», «Tokyo», «Milan» ou «New York», selon les vermouths utilisés, tous mis spécialement au point par Ivano Tonutti, maître botaniste de Bacardi-Martini.
Et si l’on est un peu saoulé par des créations souvent tape-à-l’oeil, faisant appel aux dernières techniques de la mixologie moléculaire, rien n’empêche de commander un vrai classique. A l’«Artesian», on réalise un «Martinez» dans les règles de l’art (Old Tom gin, vermouth rouge, marasquin et bitter à l’orange), celles édictées au XIXe siècle par l’Américain Jerry Thomas (1830-1885), considéré comme le père de la mixologie…
- 1c Portland Place Regent St, London W1B 1JA. M° Oxford Circus.
Tous les jours dès midi.
Rens.: +44.20.76.36.10.00 ou www.artesian-bar.co.uk.
The Connaught: le néoclassique****
Récemment rénové, le «Connaught» a mis les petits plats dans les grands pour s’imposer comme l’un des hôtels les plus chics de Londres. Côté resto, on a fait appel à la Française Hélène Darroze (qui a rapidement décroché deux étoiles). Côté bar, on a mis la main sur un jeune prodige, l’Italien Ago Perrone. Dans un décor Art Déco très original, celui-ci compose parmi les meilleurs cocktails de Londres et du monde!
Classiques ou inventives, les boissons proposées ici (précédées d’un agréable cocktail mise en bouche) sont toutes incroyablement maîtrisées. L’«Emerald» se compose par exemple de whisky 12 ans d’âge, de myrtilles et gingembre frais, d’un sirop de sucre maison, de jus de pomme et citron et d’un blanc d’œuf (qui, une fois shaké, formera une mousse délicate au sommet du verre). Tout aussi original et parfaitement dosé, le «Sweet Flip» est un savant mélange de Bourbon, jus de patate douce, liqueur d’abricot, crème de cacao, sirop d’érable, jaune d’œuf et de bitter.
Inutile de dire que l’excellence a un prix: 14-15£ le verre! Les soirs d’affluence, il faudra donc composer avec la clientèle jet-set qui peut s’offrir le luxe d’un cocktail dans un palace de Mayfair…
- The Connaught Bar. Carlos Place London W1K 2AL.
Ouvert du lundi au samedi de 16h à 1h. Fermé le dimanche.
Rens.: +44(0)20.74.99.70.70 ou www.the-connaught.co.uk.