A Baudour, certains ont renommé la place de la Résistance, place Eric Fernez. Il faut dire que le chef récemment étoilé au Michelin 2012 monopolise les lieux avec son restaurant gastronomique « D’Eugénie à Emilie » et, juste en face, sa brasserie, « Le faitout » (sans même parler de «La Marelle», sa salle de réception à Blaregnies).

Le restaurant a pris ses quartiers dans une ancienne fermette joliment reaménagée. Murs gris anthracite, cheminée, miroir, magnifique porte ancienne en bois… La déco se la joue à chic et campagnarde. Une ambiance qui colle parfaitement à la carte presque hors du temps. Ainsi de ces trois ‘classiques de la maison’: poularde de Bresse en deux préparations (90€ pour deux), pièce de bœuf, sauce bordelaise (42€) ou carré de cochon ibérique cuit 23h et rôti, croquette de tête et pied de porc (35€). Sans oublier, à la carte, la sole Fernand Point (28€ en entrée/42€ en plat).

Ce soir-là, pas de poularde (on prépare un seul classique de la maison par semaine), on opte donc pour un menu découverte (3 serv. 55€ + 25€ pour les vins; 4 serv. 69€ et 6 serv. 89€). On ne sera pas déçu. Les mises en bouche commencent en douceur: tête pressée-mayo, croustillant de tête de veau sauce tartare et velouté Argenteuil avec les premières asperges de Malines (un poil trop salé).

Première bonne surprise avec ce Roussanne 2010 de chez Yves Cuilleron, un vin de pays des Collines rhodaniennes très expressif et floral qui accompagne parfaitement les mises en bouche et l’entrée, un filet de bar de ligne. La cuisson du poisson est nickel (on s’interroge juste sur la présentation: que fait là ce morceau de peau même pas grillé et replié sur le poisson?) et les garnitures forment un ensemble très harmonieux: artichaut poivrade, toast aillé, fèves des marais, haricots rouges et de Soissons, sans oublier un glaçon d’huile d’olive au citron moins gadget qu’il n’y paraît. Ce dernier, élément de liaison du plat, permet également, en fondant progressivement, de pas noyer l’ensemble des ingrédients. Une proposition tellement agréable qu’on pardonnera au chef une cuisson un peu juste des légumineuses.

Mais ce doit être comme ça qu’Eric Fernez les aiment car on les retrouvera aussi croquantes au moment du plat. Un accompagnement manquant aussi d’un peu de relief face à la pièce maîtresse, un superbe filet de pigeonneau en croûte, parfaitement fondant, enrobé de chou vert, de truffe noire et de pâte feuilletée, juste relevé par un jus court. Tandis que les petites cuisses sont servies, confites, avec un peu de mesclun et une pomme de terre écrasée au beurre. Cuissons sans reproches, assaisonnements au rendez-vous. Rien à dire, on se régale. D’autant que le rouge est tout aussi bien choisi et généreusement servi que le blanc: la cuvée Caroline de chez Louis Cheze, un Saint-Joseph 2007.

La générosité se poursuit jusqu’au dessert. Pour celui-ci, le sommelier déniche un excellent Château Septy, un monbazillac 2007 doux sans être trop sucré, qui se marie à merveille avec une déclinaison autour de l’ananas.

On clôturera le repas avec une pléthore de délicates mignardises préparées par le chef pâtissier français (cannelés, guimauves citron, sablés bretons…) offertes avec ou sans le café. 
On repart heureux d’avoir dégusté un repas raffiné, classique sans être ennuyeux, où la saveur remplace les artifices.

Cette critique a été publiée dans le « Trends-Tendances » du 15 mars 2012.