4ae1a1453e60b146a06686faa9713b9d.jpgSamedi dernier, le Salon du livre gourmand accueillait une véritable star. Il suffisait pour s’en convaincre d’aller faire un tour du côté de la conférence qu’il donnait en compagnie de Julie Andrieu à l’occasion de la sortie de « Confidences sucrées », livre dans lequel la médiatique Julie rend accessible à tous l’œuvre du maître(*).
Rencontre avec le roi de la pâtisserie…

Article paru dans « La Libre » du 24 novembre

Si son nom n’est sans doute pas très connu du grand public, sa réputation est pourtant internationale. Et ceux qui ont déjà fait le pèlerinage de la rue Bonaparte à Paris et fait la queue sur le trottoir, au milieu des touristes américains ou japonais, savent que sa réputation est loin d’être usurpée… Car qui a croqué dans un de ses macarons, son produit fétiche, ne peut plus s’en passer.

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Né dans une famille de boulangers-pâtissiers alsaciens, Pierre est tombé tout petit dans le pétrin – « C’est mon père qui m’a communiqué le goût du métier, qui m’a donné sa passion. » A 14 ans il est envoyé à Paris pour faire ses classes chez Gaston Lenôtre. « Mes parents m’ont fait confiance; j’avais tellement peur de les décevoir, il fallait que je sois à la hauteur… » Le temps a passé mais… « depuis que j’ai commencé ce métier, je n’ai jamais eu l’impression de travailler ».

Après son passage par les plus grandes maisons parisiennes (Fauchon, Ladurée…), Hermé se lance à son nom, d’abord à Tokyo en 1998 avant d’ouvrir sa première boutique à Paris. La reconnaissance est fulgurante… « Le plus joli compliment que les gens me font, sans le savoir, c’est quand ils me disent que ça fait longtemps qu’ils viennent chez moi. La maison Hermé en tant que telle existe depuis 1870 à Colmart mais à Paris depuis 2001 seulement… »

Enfin indépendant, Pierre Hermé donne libre cours à ses idées, jusqu’à inventer un concept, la pâtisserie « haute couture », en déclinant ses créations dans des collections. « L’idée des collections, je l’ai inventée involontairement quand je suis arrivé chez Fauchon en 1986. J’avais pour mission d’en faire la meilleure pâtisserie de Paris. J’ai donc proposé à la direction de présenter mes créations dans un cycle qui serait celui des saisons. C’est comme ça qu’est née l’idée des collections, qu’ensuite j’ai peaufinée jusqu’à faire des défilés. » Mais il y a deux ans, tout le monde s’y étant mis, il décide d’arrêter les collections et de trouver un autre rythme, au gré de ses envies.

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On s’en doute, la « haute pâtisserie » a un prix…  « Pour s’offrir un repas dans un restaurant gastronomique deux ou trois étoiles, il y a un ticket d’entrée qui n’est pas le même que lorsqu’on s’achète une très belle expérience de gâteau. Un macaron, ça coûte 1,70 €, un petit gâteau, c’est 5-6 €. C’est une somme, mais on peut se faire plaisir et avoir une expérience gustative… » Quand on a succombé à son macaron Mosaïc (biscuit vanille garni d’une crème pistache à la cannelle où se cache une cerise griottine) ou à son classique Ispahan (crème au litchi à la rose, compote de framboise, en photo), comment ne pas lui donner raison ? Simples ou plus complexes, les accords sont toujours parfaits.

   

Histoires de gâteaux

Ceci dit, certaines de ses créations sont clairement inabordables. Ainsi, sa buche-phare pour Noël 2007 (photo) coûte quand même la bagatelle de 245 €… Il faut dire qu’elle est à la truffe noire et qu’elle vendue avec un petit diamant noir et sa râpe pour peaufiner la présentation… L’accord existe également en macaron individuel (8 €), à côté d’un autre dessert inventif, le macaron au vieux vinaigre balsamique. Ceux qui l’ont goûté ne s’en sont toujours pas remis…

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Et qui à part lui aurait pu réussir à mélanger poivron, framboise, parmesan et sésame ? Improbable ? Non, cette tartelette est tout simplement divine… « Il y a plusieurs histoires dans ce gâteau. Avant de le créer, je faisais un sorbet poivron-framboises en partant d’un plat cuisiné que j’avais goûté et dans lequel il y avait du poivron et quelques framboises.  Ce n’était pas très bon mais je me suis dit que l’inverse devait marcher. Puis je suis allé au salon du goût à Turin et là j’ai goûté des parmesans extraordinaires. Il y avait moyen à partir d’un très bon parmesan de faire quelque chose de sucré. Après il y a de l’intuition mais il y a plusieurs histoires qui se sont croisées. »

Ne cherchant pas à tout prix l’équilibre du goût, il dit plutôt « qu’il faut arriver à créer quelque chose qui fonctionne ». « On ne doit pas forcément sentir chaque élément. Il faut que les choses s’imbriquent parfaitement. »

On le voit, rien n’est impossible pour Pierre Hermé, qui, dans sa récente gamme « Antre », a même tenté de transformer un parfum en goût… « J’aime bien l’ambre. Je me suis demandé ce que ça pouvait donner en goût. Un ami nez chez Patou m’a aidé. On a identifié  les 21 composants de l’ambre de parfumerie, on a enlevé ce qui n’était pas alimentaire, ce que je n’aime pas, comme le thym, le romarin… Après, la difficulté, c’était de doser ce goût… Ca perturbe, ça interpelle,  mais ça reste bon… »

   

Sensations et plaisirs

La finalité de sa création, Pierre Hermé la résume dans le slogan de la Maison: « Un univers de goût, de sensations et de plaisir ». Loin de la simple construction intellectuelle ou de la répétition de techniques artisanales, pour lui, dans la cuisine, « il y a à la fois de l’intuition, des souvenirs et  de l’émotion ». Et d’ajouter : « La cuisine est une manière d’exprimer ce que je suis et ce dont j’ai envie. »

Et ne lui dites surtout pas qu’il est perfectionniste, il déteste ça, ça l’ennuie. Il avoue néanmoins être soucieux des détails.  « Concernant le goût, je suis capable d’expliquer en détail ce que je veux obtenir, de le définir et de l’exprimer. »

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Mais avoir des idées ne suffit pas, il faut savoir les vendre, communiquer. « J’ai créé la maison Hermé avec Charles Zenatti qui vient de l’univers du marketing, de la publicité. Il y a eu un gros travail de communication qui a aidé à donner une certaine exposition à la marque et qui a facilité la reconnaissance. Mais la création est au centre de l’entreprise et le marketing s’appuie sur le travail de création. » Pierre Hermé se plait à rajouter qu’« on peut communiquer, faire des pieds et des mains, si la promesse n’est pas tenue, les gens ne reviennent pas »

Il
est vrai, Monsieur Hermé, qu’on n’a jamais été déçu et qu’on attend impatiemment de goûter à vos prochaines inventions. Mais pour cela, il faudra se rendre à Paris … En effet, le bonhomme n’a pas l’intention d’ouvrir de boutique en Belgique. « Vous avez trop de bons pâtissiers à Bruxelles… »

   

Envie de lecture ?

(*) Dans « Confidences sucrées », publié chez Agnès Viénot (336 pp., env. 28,90 €), Julie Andrieu et Pierre Hermé confrontent, dans des conversations vivantes et enrichissantes, leurs conceptions des desserts. Au total, une centaine de recettes signées Julie ou Pierre, parmi lesquelles quelques classiques simplifiés de la maison Hermé, comme les exquis macarons Mogador.
 

Envie de goûter ?

– Boutiques Pierre Hermé : 72 rue Bonaparte 75006 Paris et  185 rue Vaugirard 75015 Paris.
– Boutique en ligne :
www.pierreherme.com.