Luc Pire n’a pas choisi le mois de novembre par hasard pour lancer le dernier ouvrage de Jacques Mercier, “Pralines et chocolat”. Dernier grand rendez-vous de Brusselicious, l’année bruxelloise de la gastronomie, la Semaine du chocolat se déroule en effet à partir de lundi chez tous les chocolatiers de la capitale.
Des chocolatiers que recense notamment l’ancien animateur de la RTBF dans son livre, le 6e qu’il consacre au chocolat. “Le premier était un livre de collectionneurs, qui expliquait la naissance des premières industries belges. Puis il y a eu un guide du chocolat. J’ai aussi consacré un ouvrage aux 150 ans de Neuhaus en 2007.”
Comme tout Belge, Jacques Mercier a en effet le chocolat inscrit dans son ADN. “En Belgique, on a tous du chocolat dans nos armoires. C’est un cadeau qu’on s’offre autant que les fleurs. Le chocolat est toujours lié à de bons souvenirs : fêtes, anniversaires, œufs de Pâques, Noël… Je me souviens particulièrement de ce morceau de chocolat que je mangeais, enfant, en rentrant de l’école à 4 heures sans penser à rien d’autre. Quand je mange du chocolat, encore aujourd’hui, cela me ramène inconsciemment à cette époque sans souci…”
Jacques Mercier
Belle synthèse illustrée de magnifiques publicités d’époque, notamment issues de la riche collection de Thierry Berlanger, rythmé par des rencontres avec les chocolatiers, “Pralines et chocolat” adopte une perspective chronologique pour conter l’aventure du chocolat depuis Cortès, qui ramena les fèves de Cacao en Europe au début du XVIe siècle jusqu’aux chocolatiers belges d’hier et d’aujourd’hui. Dans un second temps, certains d’entre eux (Marcolini, Galler, Gerbaud, Wittamer…) offrent un beau cahier de recettes à Mercier.
“Mon premier livre est paru en 1987. Je mangeais avec un éditeur au restaurant et, au moment du dessert, on s’est posé la question de la différence entre le cacao et le chocolat. Il m’a dit: “Fais un livre !” Le lendemain, on s’est rendu compte qu’il y en avait déjà plein ! Par contre, aucun expliquait pourquoi le chocolat belge est le meilleur du monde… Et je pense qu’il faut continuer à le répéter, sinon on risque de l’oublier…” Pourtant, la suprématie du chocolat belge n’est plus une réalité aujourd’hui, des artisans français, italiens ou américains commençant à émerger. “A partir du moment où l’on prend comme critère de définition du chocolat belge non pas ses finances mais le fait qu’il soit fabriqué en Belgique, la qualité moyenne reste excellente, défend Mercier. Mais c’est vrai que le label “chocolat belge” n’est sans doute plus évident. La qualité passe aujourd’hui par un retour aux artisans, aux individus. A l’avenir, il faudra donc mesurer la qualité du chocolat belge au nombre de bons artisans. Il faudra créer un guide, distribuer des étoiles ou des pralines d’or…”
D’abord Pierre Marcolini puis Benoît Nihant se sont en effet lancés dans la fabrication de leur propre chocolat en sélectionnant leurs fèves de cacao, surfant sur la vague du “bean to bar”. “Cela correspond à une évolution de la société. On a aujourd’hui de la haute chocolaterie comme on parle de haute couture. On sent une vraie émulation autour de Marcolini. Et même si on n’a pas les moyens de fabriquer son propre chocolat, on peut aujourd’hui se montrer plus exigeant quant à son origine, choisir des grands crus… En Belgique, on a quand même deux des quelques artisans qui fabriquent leur chocolat dans le monde. Même dans la haute chocolaterie, on reste une référence. On est un pays de chocolat et on va le rester!”
Comme en cuisine, le chocolat a ses modes. On sent par exemple aujourd’hui un recul certain de la praline, un peu vieillotte… “Même le ballotin recule au profit de la boîte carrée. Il est possible que la praline disparaisse; cela correspond à une envie de goûts nouveaux. Comme lorsque Neuhaus change ses couleurs historiques et modernise la déco de ses boutiques après 150 ans… Dans le chocolat aussi, les choses doivent évoluer mais je pense qu’on conservera l’idée de la bouchée chocolatée; c’est au public d’en décider. Mais je suis sûr qu’il y aura toujours des vieilles dames qui voudront leur ballotin de pralines et leurs manons…”
Si Jacques Mercier confie un petit faible pour la praline Tentation de Neuhaus, qui combine, selon lui, le plaisir de tous les sens, le gourmand aime tous les types de chocolats. “Il n’y a pas de raison de s’accrocher à un seul artisan. Il faut suivre les évolutions. Galler m’envoie par exemple ses essais avant commercialisation. J’adore ça, pouvoir goûter, réfléchir, donner mon avis. Les choses sont en perpétuelle évolution.” Tant pis si l’une des évolutions est un chocolat belge de moins en moins belge. Comme lorsque Galler est en partie dans les mains des Qataris. “Ils sont obligés d’en passer par là s’ils veulent s’étendre. J’ai vu ce que ça donne chez Galler : une machine extraordinaire, tout en électronique, qui réalise en un même mouvement les trois opérations de fabrication d’une praline : moulage, fourrage et fermeture, tout cela à des températures différentes !”
Pierre Marcolini
Petite chronologie du chocolat…
La semaine du chocolat
Le premier Salon du chocolat bruxellois n’aura finalement pas eu lieu mais on se consolera avec la riche Semaine du chocolat, qui se déroule du 19 au 25 novembre. Un nouvel événement organisé dans le cadre de Brusselicious qui permettra, entre autres, aux gourmands d’acquérir un pass et de parcourir Bruxelles à la découverte de ses chocolatiers connus et moins connus (Marcolini, Jean-Philippe Darcis, Vandenhende, Vandeparre…).
Cette semaine sera aussi l’occasion de pousser la porte de quelques restaurants de la capitale pour déguster des plats et des desserts à base de chocolat. David Monier proposera ainsi au “Madou’s Provence” un râble de lièvre, jus léger de carcasse au grué de cacao. Stefan Jacobs et Romain Mouton du “Va Doux Vent” à Uccle, ont, eux, imaginé des langoustines rôties accompagnées d’une émulsion bisquée au cacao avec une meringue au grué, agrumes.
Et encore, de nombreux parcours thématiques et visites inédites au Musée du cacao et du chocolat (petit-déjeuner, rallye…) mais aussi chez des chocolatiers comme Laurent Gerbaud, pour des associations osées avec le chocolat (20/11), ou chez Mmmmh !, pour préparer des mendiants (25/11)…
- Pass chocolat : un plan et 10 tickets pour des dégustations chez les chocolatiers bruxellois (5 €). Disponible à l’accueil de VisitBrussels et chez les chocolatiers participants.
Rens. : www.visitbrussels.be.
Envie de lecture?
“Pralines et chocolat”, publié par Jacques Mercier chez Luc Pire (160 pp., env. 24 €).
Rencontre avec l’auteur à l’issue d’une visite thématique chocolat et littérature le 24/11. Rens. : www.brusselicious.be.