Du 21 au 25 octobre, se tenait à Turin le Salon du goût Slow Food, l’une des principales réunions gourmandes d’Europe. Un rendez-vous où la gastronomie retrouve une conscience…

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Tous les deux ans, le Salon du Goût de Turin, organisé par Slow Food International au Lingotto, anciennes usines Fiat réaménagées en palais des expositions, fait le plein de visiteurs. Cette année, 200 000 personnes ont ainsi défilé dans les allées du 8e Salone del gusto ! L’occasion de prendre conscience de l’ampleur prise par le mouvement en Italie et dans le monde… Si, en Belgique, le Slow Food garde encore sa fraîcheur, comptant sur des bénévoles dévoués pour faire tourner une petite dizaine de Conviviums, on effet découvre à Turin un lobby de plus en plus puissant, qui pèse de toutes ses forces pour imposer ses idées généreuses d’un monde où l’alimentation serait “propre, juste et saine”.

En conférence de presse, le pape du Slow Food, l’Italien Carlo Petrini, se donne d’ailleurs des airs de prêcheur, plus enthousiaste que jamais quant à l’avenir de son combat. Il faut dire que le Slow Food est désormais présent sur les cinq continents, comptant quelque 100 000 membres dans 150 pays. Si l’Italie, où a été fondé le mouvement en 1986, reste le principal foyer, les Etats-Unis, où le Slow Food est une idée très neuve, sont déjà le 2e pays le plus actif.

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Carlo Petrini, pape et prêcheur de la bonne parole Slow Food.

Pour tous les membres du Slow Food, Turin représente un peu La Mecque. Cette année, en parallèle au très grand public Salon du goût, était organisée la deuxième rencontre Terra Madre. Née en 2004, cette annexe du Slow Food en est un peu sa bonne conscience. Ce réseau mondial de coopération au développement vient concrètement en aide à des collectivités locales d’agriculteurs ou d’artisans. Fermé au public, Terra Madre a vu se rencontrer 5 000 “délégués” venus des quatre coins du monde pour échanger leurs idées sur une agriculture et une alimentation plus durables. Ainsi, deux membres du Convivium de Silly étaient-elles invitées à parler du réseau de cantines scolaires européennes mis en place par Slow Food International et auquel participe la petite ville du Brabant wallon. L’occasion aussi pour Sabine Storme, présidente de ce Convivium très actif, de se “ressourcer” et de reprendre de l’énergie avant de revenir transmettre la bonne parole sur ses terres.

Entre deux conférences, paysans mexicains et accompagnateurs italiens se prennent en photos, échangent des produits… Plus loin, un stand défend la biodiversité en présentant des dizaines de variétés de pommes. Un autre montre la richesses des différents sols de la Terre, tandis qu’un troisième expose des exemples concrets d’emballages écologiques utilisés par les producteurs liés au Slow Food.

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A Terra Madre, chacun était invité à indiquer une spécialité de son pays…

Ces emballages ont les retrouve un peu plus loin au Salon du goût proprement dit. De Terra Madre, il faut passer une sorte de sas, une petite place dédiée à la cuisine de rue qui montre la richesse des traditions locales. Entre la farinata di La Spezia, sorte de crêpe à la farine de bois chiches, la foccacia col formaggio di Recco, les olive acolane de Migliori et l’excellent minestrone di faro della Garfagnana, une spécialité des Pouilles tire son épingle du jeu. Venue avec des T-Shirt “Oui au cholestérol !” et leur barbecue géant, une délégation d’Alberobello fait fureur avec ses cornets de bombette. Il faut dire que le parfum est ennivrant et que ces petites bouchées de pancetta et de fromage font l’effet d’une bombe en bouche !


Quand on entre dans les trois halls géants du Lingotto qui accueillent le Salon proprement dit, on est souflé. Non seulement par la quantité et la qualité des produits à découvrir, des centaines venus de toute l’Italie et du monde. Mais aussi par la foule, venue en masse malgré les 20 € du prix d’entrée. Devant chaque stand, on se bouscule pour goûter à tel fromage piémontais, à telle saucisse toscane ou à ces étranges petites aubergines en forme de tomates. Plus ou moins gratuites, ces dégustations forment le cœur du Salon du goût. Tandis qu’avec un supplément de 6 € et une participation à chaque verre, on peut goûter, dans l’immense Enoteca, à quelque 1 700 bouteilles, essentiellement italiennes, répertoriées par le tout nouveau Guide du vin Slow Food !

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1700 bouteilles à déguster! Un rêve exaucé à l’Enoteca du Salon du goût.

Si l’on sent bien que les milliers de curieux venus découvrir ici les richesses de l’Italie ne sont pas tous conscientisés par les idées du Slow Food, ils en découvrent néanmoins les réalisations concrètes enregistrées depuis plus de 20 ans en Italie. Car bien des produits qu’ils dégustent ont été remis à l’honneur par le Slow Food. Car si l’organisation prône le respect de l’environnement – et joint le geste à la parole en réduisant d’édition en édition le bilan carbone de la manifestation –, l’approvisionnement local et la défense de la biodiversité, elle s’est également attelée à sauvegarder, grâce aux “Arches du goût”, des traditions culinaires en voie de disparition ! En créant sa propre appellation, les Presidi Slow Food. Moins contrôlés qu’une DOP ou une IGP, ils ont néanmoins permis de lister et de sauver des centaines de spécialités locales en aidant les artisans à en poursuivre la production.

Colatura tradizionale di alici di Cetara de la Côte amalfitaine, saucisse Susianella di Viterbo du Latium, haricots du lac Trasimène de Ombrie, poires cocomerina d’Emilie-Romagne… En 2010, le catalogue italien compte déjà 193 Presidi Slow Food, répartis dans toutes les régions ! Des produits que s’engagent à mettre en avant 250 restaurants et osterie étiquetés Slow Food et répertoriés dans un très chouette guide “Osterie d’Italia”, best-seller publié par Slow Food Editore… A mesure que Slow Food s’internationalise, les Presidi gagnent l’ensemble de la planète (sauf la Belgique) : porc noir de Bigorre en France, vanille de Mananara à Madagascar, anchois salés et fumés de Sunnmore en Norvège… La liste s’allonge chaque année.

En parvenant à rendre au plaisir gastronomique un sens, le Slow Food réussit en tout cas son pari. Car au-delà de l’aspect foire commerciale, Batibouw culinaire, le Salon du goût permet de réfléchir à une autre alimentation, plus en phases avec les contraintes environnementales. “Ateliers du goût” sur les tequilas mexicaines, “Théâtre du goût” où un chef islandais fait partager sa cuisine recentrée sur les produits locaux suite à la crise financière, “Rencontres à table” dans des demeures historiques de la région de Turin – Alain Ducasse, Michel Bras, Gennaro Esposito ou Nadia Santini étaient par exemple de la partie cette année –, toutes les activités affichaient en tout cas complet!

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Ambiance gourmande dans les allées du Lingotto.