Quand on parle cuisine moléculaire en Belgique, impossible de passer à côté de Sang-Hoon Degeimbre, l’un de ses principaux représentants à “L’air du temps” à Noville-sur-Mehaigne. Le chef, autodidacte, y propose une cuisine personnelle qui, par petites touches, a recours aux nouvelles techniques moléculaires pour se jouer des textures et des goûts. Cependant, Degeimbre ne propose pas une cuisine entièrement moléculaire, comme on peut la trouver à “El bulli” ou chez Heston Blumenthal…
A l’heure où le livre de Jörg Zipprick « Les dessous peu appétissants de la cuisine moléculaire » jette le trouble, le jeune chef francophone a accepté de répondre à cette critique et continue de défendre les possibilités nouvelles offertes par la gastronomie moléculaire et les additifs alimentaires.
“Je ne suis pas cuisinier de formation mais sommelier. En tant que chef, je devais créer mon propre bagage. Je n’avais pas envie de me contenter de reproduire des recettes, je voulais créer mes propres plats. Pour cela, j’avais besoin de comprendre comment ça fonctionne. La cuisine moléculaire m’a apporté cela, elle a permis de répondre à mes questions”, explique le chef doublement étoilé. Lequel a d’abord dévoré les ouvrages d’Hervé This pour, par exemple, comprendre le fonctionnement d’une émulsion pour ainsi parvenir à créer une mayonnaise de foie gras à l’orange. “La cuisine moléculaire m’a aidé en tant que chef à transmettre ma sensibilité, à jouer avec toutes les couleurs de la palette gustative”, s’enthousiasme-t-il.
La question est plus délicate quand on aborde les additifs alimentaires. Dans son bel ouvrage “L’air du temps”, publié avec Jean-Pierre Gabriel chez Françoise Blouard en 2007, Degeimbre a ainsi recours aux gommes, aux carraghénanes, au méthylcellulose… Bref à tous les artifices offerts par l’industrie chimique. “Je n’ai aucun problème par rapport à cela, explique-t-il. Les additifs que l’on utilise sont d’origine végétale. Ce que l’on cherche, ce sont des textures différentes, impossibles à obtenir autrement. Mais le point d’orgue, cela reste l’obtention d’un goût. Chez moi, la technique ne transparaît pas, elle est au service du produit.”

L’une des dernières créations de Sang-Hoon Degeimbre
Et quand on lui demande si, en utilisant les mêmes produits que l’industrie agroalimentaire, les chefs moléculaires ne se présentent pas comme une vitrine de l’industrie chimique, Degeimbre tique un peu. “En Belgique, on est dans un pays relativement modéré, on peut faire la part des choses. Tant qu’il s’agit de créer de nouvelles textures, c’est O.-K., mais si l’on en vient à une forme de lobbying, cela devient pervers. Je ne valide pas. Je pense qu’effectivement l’industrie a peut-être trouvé là une façon d’apparaître plus populaire…”
Pour autant, le chef n’est pas prêt à afficher à son menu les additifs utilisés dans sa cuisine. “A ce moment-là, il faut tout signaler. Une morille crue peut aussi vous envoyer à l’hôpital… J’utilise des produits bio, locaux, cela ne me semble pas incompatible avec la cuisine moléculaire. Mais je ne suis pas un extrémiste de l’additif…”
Envie d’y goûter?
- Sang-Hoon Degeimbre propose une cuisine personnelle raffinée qui n’utilise que par petites touches les additifs alimentaires.
L’air du temps. 181 ch. de Louvain 5310 Noville-sur-Mehaigne. Rens. : 081.80.30.48 ou www.airdutemps.be.
Jolie photo. Mais de quoi s’agit-il?
Bonjour Sang-Hoon,
Ton article est vraiment très intéressant et très bien écrit. Je te conseille de lire un autre article sur le blog d’Atrapalo qui sûrement t’intéressera :
http://blog.atrapalo.fr/dans-votre-assiette-pour-les-fetes-gastronomie-francaise-ou-azote-liquide.html
J’aimerai bien avoir ton avis! J’ai lu cet article et j’avoue que je n’étais pas très au courant de toute cette cuisine moléculaire!
à bientôt ! Valérie
Bonjour Valérie,
Petite précision, ce n’est pas le blog de Sang-Hoon Degeimbre ici… Nous publions simplement son interview.
Si la cuisine moléculaire vous intéresse, je vous conseille de cliquer ici (http://lacuisineaquatremains.blogs.lalibre.be/archive/2009/11/20/les-pieds-dans-le-plat-moleculaire.html) pour une recension du livre de Jörg Zipprick, qui s’en prend violemment à cette cuisine techno-émotionnelle comme elle aime se faire appeler désormais.
VOus l’aurez compris, pour nous, à Noël, ce sera donc plutôt foie gras qu’azote liquide…
Bien à vous
Pourquoi il n’est pas prêt à afficher à son menu les additifs utilisés dans sa cuisine ? La carte est là pour aider aux clients de choisir, non ? Avant, on se moquait des restaurants qui cachait leur plats derrière des appellations comme « Côtes d’agneau Choisy » ou « poulet Prince Orloff » – sauf pour les sauces et les carottes Vichy. Aujourd’hui. on applaudit au chef quand il baptise un plat « The soup » ou « noir absolu ». Des mots qui ne veulent rien dire. Justement, il faut tout dire au client, les morilles crus dans mon plat, ça m’interesse aussi.
Tout à fait d’accord avec vous Cassandra. Un chef peut tout à fait dire ce que contient ces plats. Il faut dire que c’est sans doute un peu contraignant pour lui mais quand on paye un certain prix on est tout à fait en droit de s’attendre à ce service!
Un menu n’est pas une liste d’ingrédients mais plutôt une invitation au voyage. La cuisine moléculaire, pour ce que j’en ai compris, ne renie pas la cuisine traditionnelle mais cherche à aller plus loin… à réinventer cette cuisine – cfr le Tabula Rasa de Descartes!
L’exemple des boulettes sauce tomates en est un exemple parfait!
En lisant l’article et les commentaires, c’est amusant mais j’ai l’impression de suivre un débat sur l’art contemporain entre amateurs d’art classique qui n’y voient aucun intérêt parce qu’il n’y comprennent rien. L’éternelle incompréhension entre conservateurs et progressistes, entre académiciens et innovateurs. On a longtemps décrié le jazz et le rock comme étant des musiques barbares par rapport au classique. Ce qui ne veut pas dire que le classique n’est pas bien, mais qu’il y a aussi d’autre voies à explorer…
Et ramener la cuisine moléculaire à l’azote liquide est un coup bas malhonnète qui prouve mon propos : vous n’avez rien compris.
La critique est aisée…
All hail to Lord Ickam!
d’abord bravo pour le pseudo, s’anoblir avant de commenter, c’est très beau. La critique est aisée, dire que personne n’a rien compris sans avancer le moindre argument l’est encore plus. J’aime le jazz, le rock et la musique classique, j’aime Monet et Jackson Pollock. Mais mon estomac ne digère ni le rock, ni la musique classique. Et ni Monet, ni Pollock passent par mes intestins. Faire la cuisine, c’est nourrir l’autre. Se nourrir, c’est incorperer. Devant la panoplie d’additifs utilisés dans le moléculaire, je réclame une information sur les substances qu’on me fait ingurgiter. Je dois la réclamer, car j’ai une réaction physique à certains additifs. Cet information est disponible sur n’importe lequel aliment vendu en supermarché, lieu ou se trouve d’ailleurs la meilleure cuisine moléculaire – à un prix défiant toute concurrence. Oh, Mylord, un humble sujet vous implore: Ne nous forcez pas d’avaler les « invitations aux voyages » qui résulte bien souvent en « permis de tricher » avec le client. Tout ceci existe bien evidemment aussi dans des restaurants fort classiques, ou « l’assiette de la mer » se compose de … « restes du jour »
Merci Cassandra d’avoir si justement répondu pour nous!
Je tiens juste à ajouter que je ne suis pas contre la cuisine moléculaire mais je suis pour une utilisation raisonnée de celle-ci, certains additifs n’étant pas digérables…
Je pense qu’effectivement, avant de parler, il faut connaître. Et c’est notre cas puisque nous avons déjà à plusieurs reprises essayé de faire les sphérifications par exemple. Tandis qu’on a gôuté de nombreuse fois cette cuisine qui, bien souvent, nous a déçus! Beaucoup d’esbrouffe souvent pour rien. Lorsque nous mangeons, c’est avant tout le goût qui prime et, malheureusement, le goût n’est pas toujours une priorité pour les chefs qui usent de ces artifices. Nous avons cependant très bien mangé chez Sang-Hoon ou chez Pierre Gagnaire par exemple, qui maîtrisent parfaitement ces nouvelles techniques qui, chez eux, n’envahissent pas toute l’assiette…
Excusez moi, mais lorsque je lis « vous n’avez rien compris », c’est plutôt moi qui vous trouve conservateur et qu’avec de tels arguments toute discussion est impossible… Je vous signale au passage que je suis historienne de l’art. Aussi, je trouve un peu ridicule le parallélisme entre art contemporain et art classique car j’ai appris à aimer les deux. Si vous êtes un tant soit peu féru d’art, vous devriez savoir que même le plus grand artiste contemporain copie les vieux maîtres avant de trouver son style personnel. Prenons Picasso par exemple.. Pour moi, seul un chef ayant une base classique solide peut perdurer dans le temps et envisager de déborder des lignes.
Lorsque Le garçon dit « Vous l’aurez compris, pour nous, à Noël, ce sera donc plutôt foie gras qu’azote liquide… », vous m’excuserez mais si vous n’êtes pas à même d’apprécier la caricature… Vous ne semblez en effet pas avoir bien lu l’article ci-dessus, qui est loin de ne parler que d’azote liquide. La vraie question concerne plutôt les additifs alimentaires, dont certains ne sont pas assimilables par le corps humain. Si ça ne vous inquiète pas de manger n’importe quoi, nous si!
Mais votre opinion est de toute façon la bienvenue car ce genre d’article est justement fait pour provoquer un débat, une prise de conscience. Il ne s’agit pas de se prononcer pour ou contre, mais bien d’abord d’être bien conscient de ce qu’on a dans notre assiette…
Merci à LeGarçon et à Cassandra. Lien très justifié et intéressant : http://lacuisineaquatremains.blogs.lalibre.be/archive/2009/11/20/les-pieds-dans-le-plat-moleculaire.html
Bonne semaine et bonne cuisine à tous.
Je suis allé manger à l’Air du temps… Un superbe menu décliné en plus d’une douzaine de plats.
Et, à part le homard cuit par le froid, j’ai tout aimé… Avec de nombreuses bonnes surprises…
Sang Hoon Degeimbre n’abuse pas des additifs, perles d’alginate, gels de toutes sortes,… Mais il surprend parfois avec des aliments d’origine inhabituelle ou des associations surprenantes. Le plat qui m’a le mieux plu était une viande cuite au foin accompagné de quelques légumes et de pommes de terres fumées au bois de hêtre. Il n’était pas question d’additifs dans ce plat…
Avant d’aller à l’Air du temps, je n’avais pas eu l’occasion de manger des fleurs, du homard au coulis de fraise ou encore de feuille de pain (imaginez une feuille faite de croute de pain).
Une expérience inoubliable et que je renouvellerai certainement…
Concernant les additifs, je dirais que la frontière entre additif et ingrédient est faible… Dans les pays du Magreb et en Asie, on utilise l’Agar Agar comme on utilise la gelatine par ici. Le bicarbonate de soude est utilisé dans notre cuisine bien avant qu’on ne parle de cuisine moléculaire. On trouve la lécithine de soja dans les super marchés au rayon produits bio et régime, l’acide acétique est celui que l’on trouve dans le vinaigre, l’acide citrique dans le citron, …
Et puis, il ne met pas les additifs qu’il utilise dans son menu… mais il a publié un bon nombre de ses recettes dans son livre « l’Air du temps » où tout se trouve, y compris les additifs utilisé dans les recettes en question (et leur quantité)
Mais nous sommes tout à fait d’accord sur la cuisine de Sang, même si les plats que nous avons préférés étaient sans doute les moins moléculaires. Mais il est vrai que lorsqu’il fait un gel, il maîtrise parfaitement la technique et ce n’est pas gadget comme dans de nombreux restaurants proposant de la cuisine moléculaire non maîtrisée.
Nous avons sans doute mangé plus ou moins la même chose lors de notre passage à « L’air du temps »:
http://lacuisineaquatremains.blogs.lalibre.be/archive/2010/07/09/sang-hoon-degeimbre-un-createur-de-gouts.html.
Nous restons cependant convaincus, que la cuisine moléculaire n’est cependant déjà plus dans l’air du temps!
C’est bien de présenter les recettes dans un livre. Mais je souhaite l’information sur les additifs sur la carte, un peu comme au supermarché. Quand aux autres apôtres de cette cuisine, ils refusent de donner les noms des produits utilisés. Achetez une boîte de « Texturas Ferran Adrià » et vous allez voir que l’E 407 (Carraghene) se transforme en Iota et Kappa et que l’E463 devient Sucro… C’est mignon comme nom, non? J’aimerais que tout ceux qui croient dans l’avenir de la cuisine High-Tech regardent ce lien poour voir ce qu’on nous prépare:
http://www.sciencesetgastronomie.com/cuisinenoteanote/repasnoteanote.htm
La cuisine « note à note » (ça aussi sonne mieux que « post nucléaire ») à base de polyphenols, fructose, glucose, amylose, ethanol. Les chefs peuvent stocker ces « ingrédients » à l’infini, il y a juste le DLV maximum légal. Bon appétit !