Il existe de nombreuses spécialités européennes liées aux fêtes d’Halloween, de la Toussaint et du Jour des morts. De quoi commémorer dignement ceux qui sont partis.
Et on ne parle même pas ici du Dia de los muertos mexicain…
En cette fin octobre-début novembre novembre, ce sont pas moins de trois fêtes qui se succèdent. Le 31 octobre, c’est Halloween, une fête d’origine païenne inspirée de la Samain celtique, qui marquait le passage entre l’été et l’hiver, entre le monde des vivants et le monde des morts. Halloween est associée au monde anglo-saxon, où l’on célèbre la légende de Jack à la lanterne (Jack-O’Lantern), condamné à errer entre l’enfer et le paradis jusqu’au Jugement Dernier en s’éclairant d’un tison posé dans un navet qui, de nos jours, a été remplacé par une citrouille. Un personnage qui réapparaît le jour de sa mort, lors de la fête d’Halloween, en fait “All Hallows Eve”, qui signifie “the eve of All Saints’Day” et se traduit par “la veille de la Toussaint”. En effet, le 1er novembre, on célèbre tous les saints, tous les justes qui ont mérité le paradis sans que leur nom soit nous soient connus.
En France, la Toussaint est née grâce à Louis le Pieux en 835, sur les conseils du pape Grégoire IV. L’église voulait alors que le rite de la Toussaint devienne une fête chrétienne et non plus celtique et les saints mis à l’honneur à la place des morts. Cependant, au Xe siècle, l’église se plia à la superstition populaire en introduisant une fête des morts, le 2 novembre. On prie ce jour-là pour qu’ils rejoignent les saints fêtés la veille et qu’ils sortent ainsi du purgatoire, où ils sont peut-être encore en transit.
Lors de toutes ces fêtes associées à la mort, on prépare de nombreuses spécialités gastronomiques, qui varient en fonction des régions. Mais il est parfois difficile de distinguer celles liées à la Toussaint et celles qui concernent le Jour des morts, tant les deux fêtes sont aujourd’hui confondues. C’est par contre plus facile pour Halloween. Si on a l’impression que cette fête a été importée des Etats-Unis, il n’en est rien. C’est au XIXe siècle que cette fête a été introduite en Amérique avec la venue massive d’immigrés irlandais, écossais et gallois. La légende de Jack-O’Lantern est d’ailleurs irlandaise !
Aux Etats-Unis, les spécialités d’Halloween tournent surtout autour de la citrouille, des bonbons et des pommes d’amour. Ces dernières que l’on retrouve également dans les préparations fétiches de la Halloween des Britanniques et des Irlandais.
En Irlande, une tradition vivace est celle du barmbrack, un gâteau levé aux fruits secs qui fait office de jeu divinatoire. En effet, à l’origine, on plaçait dans le gâteau, avant cuisson, un pois sec, un anneau, une pièce… ayant chacun une signification différente pour celui qui les trouvait. Côté salé, il y a aussi le colcannon, une sorte de stoemp mélangeant purée de pomme de terre, chou frisé ou chou vert. On y cache aussi un anneau, un dé à coudre, un bouton et une pièce. L’anneau signifie le mariage dans l’année, l’argent la santé, le dé à coudre et le bouton le célibat.
Au Royaume-Uni, on prépare encore des bonfire toffee, des caramels durs, et très noirs, à base de mélasse et de beurre.
Même si en France on ne fête pas les morts de la même façon que chez les Anglo-Saxons, on peut tout de même y déguster des spécialités liées à la Toussaint et à la Fête des morts. Dans plusieurs régions, on confectionne ainsi des gâteaux anthropomorphes, un rituel un peu cannibale. En Corse, on mange des châtaignes, chaque fruit avalé symbolisant une âme que l’on délivre du purgatoire. Autre tradition datant de l’Antiquité, les habitants de l’île déposent sur le rebord des fenêtres des châtaignes et du lait pour les morts qui reviennent chaque année là où ils ont vécu. Tandis qu’à Bastia, on confectionne également des salviata, des gâteaux sucrés en forme de “S” parfumés à la sauge.
Dans le Roussillon, en pays catalan (et donc aussi en Catalogne espagnole), on consomme également des châtaignes grillées, la castanyada, mais on offre aussi des pannelets, des petits pains de massepain recouverts de pignons. En Bretagne, on dégustait autrefois les “crêpes des trépassés” à base de lait caillé et de cidre. Et en Normandie, dans la région de Dieppe, on trouve toujours des pâtés aux poires préparés avec la récolte saisonnière de poires de Fisée. Soit un feuilleté sucré, confectionné avec cette variété de poires dures que l’on ne consomme que cuites. Enfin, en Seine-et-Marne, et particulièrement à Provins, on confectionne des niflettes.
En Italie, en Sardaigne, on confectionne des papassini, des biscuits à base d’amandes, de saindoux, de raisins secs (papassa), de graines de fenouil, d’amandes et de noix pilées glacés au sucre. En Sicile, la fête est joyeuse, centrée autour des enfants, à qui les morts viennent offrir des cadeaux. A cette occasion, on dévore les ossa dei morti, littéralement les “os des morts”, des biscuits durs à base d’amandes et de sucre en forme de tibia, mais aussi la frutta di Martorana, de la pâte d’amandes façonnée en forme de fruits. Dans les Pouilles, on cuisine la colva, un étrange mélange de blé cuit, de graines de grenade, de figues séchées, d’amandes et de cannelle. De nombreuses autres spécialités sont réalisées dans toute l’Italie mais un article ne suffirait pas à les détailler…
En Espagne, et particulièrement en Aragon, on mange des châtaignes – produit de saison que l’on retrouve dans toutes les traditions méditerranéennes des fêtes de la Toussaint – bouillies avec des graines d’anis. Sur l’île de Minorque, aux Baléares, la veille de la Toussaint, on mange des bunyols de tots sants, beignets à base de fromage de Maó jeune. Il s’agit d’un fromage à pâte dure d’Appellation d’origine protégée élaboré avec du lait cru de vache. Au centre de l’Espagne, en Castille, on mange des huesos de santo (os de saint), des petits cylindres de massepain farcis d’un mélange de jaunes d’œufs et de sucre.
Au Portugal, à la Toussaint, on prépare aussi des gâteaux traditionnels, comme les broas dos santos (“gâteau des saints”), de gros pains à la cannelle.
Enfin, la Belgique aussi a ses traditions de la Toussaint. Et c’est plutôt les betteraves que l’on évidait pour en faire des lanternes! Dans la région liégeoise, on prépare encore traditionnellement des gaufres au saindoux garnies généreusement d’un mélange de cassonade et de beurre. En Ardenne, c’est le goseau aux pommes, un chausson dont la pâte est dorée à l’œuf. Mais aussi le rouyo ou “gâteau d’enterrement”, sorte de brioche torsadée aux raisins et au sucre perlé – un peu comme un cramique – dont la forme rappelle une couronne mortuaire. Anciennement, il pesait de 2 à 3 kg et on le servait en tranches avec du bon beurre ardennais.
Ce tour d’horizon des spécialités d’Halloween, de la Toussaint et du Jour des morts est loin d’être exhaustif mais prouve la richesse de notre terroir européen !
Bibliographie
Nous avons notamment utilisé pour préparer cet article « La cuisine du Bon Dieu », publié aux Presses de la Renaissance par Isabelle Garnier et Hélène Renard (223 pp., env. 18€), et le « Dictionnaire de la gourmandise » d’Annie Perrier-Robert chez Robert Laffont (1283 pp., env. 32€).