Le lundi 9 juin 2014, était dévoilé à Bruxelles le palmarès de la 3e édition du Top 100 des meilleurs restaurants européens, qui couronne Kobe Desramaults du restaurant “In de Wulf” à Dranouter. 

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Desramaults savoure son succès 

En ce lundi de Pentecôte, c’est un ciel apocalyptique qui s’avance sur Bruxelles, une mer de nuages mimant des vagues déchaînées. Juste avant que n’éclate l’orage, vers 18h, Steve Plotnicki, créateur du blog “Opinionated About Dining” (OAD), prend la parole devant la “Bozar Brasserie” pour annoncer les résultats du 3e Top 100 des restaurants européens. Jolie surprise : c’est une table belge qui s’impose ! A 33 ans, Kobe Desramaults voit son travail de réinvention du terroir flamand au “In de wulf” enfin payer (cf. ci-contre). Il succède en tête du classement à l’Espagnol Quique Dacosta, rétrogradé à la 3e place, juste derrière un classique français, la maison “Troisgros” à Roanne. 

Créé aux Etats-Unis en 2007, le classement OAD entend bien détrôner le fameux “Top 50 des meilleurs restaurants du monde” de San pellegrino. Ancien producteur de musique (notamment du groupe Run-DMC, connu notamment pour sa version rap de “Walk this Way” d’Aerosmith), Steve Plotnicki met en avant sa totale indépendance vis-à-vis de tout sponsor. Ouvert à tous via un formulaire à remplir en ligne sur le site d’OAD, son classement fonctionne par accumulation d’avis, ensuite traités de manière statistique, comme la plupart des sites collaboratifs d’aujourd’hui, du Zagat à Yelp. Plotnicki affirme pouvoir désormais compter sur 4300 contributeurs à travers le monde, dont des Belges, comme Laurent Vanparys, agent de chefs et personnalité influente de la gastronomie mondiale.

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« Quelque chose se passe ici en Belgique »

L’année dernière, OAD avait choisi “L’Arpège” à Paris pour annoncer son palmarès. Cette année, c’est à Bruxelles que Steve Plotnicki a posé ses valises. Pour des raisons pratico-pratiques : situation centrale en Europe, destination abordable… Peut-être aussi parce que, grâce à un travail de lobbying à l’international mené tant au nord qu’au sud du pays, la Belgique commence à s’imposer comme une destination gastronomique pour les foodies du monde entier. “Quelque chose se passe ici en Belgique même si je ne peux pas y mettre le doigt. D’autant que le pays est si divisé entre la Flandre, la Wallonie et Bruxelles”, explique Plotnicki.

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Kobe Desramaults, entouré des 11 chefs qui ont cuisiné en son honneur,
lundi soir à la « Bozar Brasserie ».

Pour célébrer la victoire de Kobe Desramaults et tenter de faire connaître son classement en Europe, Plotnicki avait vu les choses en grand en organisant à la “Bozar Brasserie” de David Martin un grand dîner de gala. Malgré le prix prohibitif du ticket d’entrée (250 € le couvert), la salle était archi-comble ! “Ici, les gens aiment manger !”, s’enthousiasme l’Américain. Il faut dire que l’affiche était alléchante : pas moins de 11 grands chefs européens se succédaient aux fourneaux pour proposer aux chanceux mangeurs pas moins de 15 plats, tout en assurant tous ensemble le service à table !

Du côté belge, Gert de Mangeleer (“Hertog Jan”*** à Bruges), 27e au classement OAD, jouait la carte de la simplicité avec son avocat à la poudre de tomate ou avec un poivron rouge reconstitué, au fromage de chèvre, olives et anchois, mêlant douceur et saveurs explosives. Tout en délicatesse, le dessert de Sang-hoon Degeimbre (“L’air du temps”**, 24e) était une délicate tartelette à la rhubarbe, aux fraises et aux fleurs de sureau et de robiana. Julien Burlat (“Dôme”* à Anvers, 127e), David Martin (“La Paix”* à Bruxelles, 99e), Michaël Vrijmoed (“Vrijmoed”* à Gand), Matthieu Beudaert, (“La Table d’amis”* à Courtrai) et Damien Bouchery (“Bouchery”, 132e) étaient également de la partie.

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Steve Plotnicki, nouveau gourou de la gastronomie mondiale…

Un dîner de gala multiétoilé

On retrouvait également en cuisines quelques grosses pointures de la gastronomie mondiale, comme le Néerlandais Sergio Herman (absent du classement cette année puisqu’il a fermé son trois étoiles “Oud Sluis” à Sluis pour ouvrir “The Jane” à Anvers), le trois étoiles espagnol Quique Dacosta, le Berlinois Tim Raue (deux macarons) ou encore le Norvégien Esben Holmboe Bang, deux étoiles au restaurant “Maaemo” à Oslo. Ce dernier épatait par la fraîcheur de son jus vert aux huîtres de Bomlo et aneth ou encore par son maquereau vinaigré, proposé dans un jus à la confiture de pommes vertes. Une composition dans l’air du temps qui illustre à merveille la créativité scandinave contemporaine.

D’ailleurs, Steve Plotnicki est convaincu que c’est du côté du Nord de l’Europe que se trouve actuellement le plus grand talent. Il en est convaincu : si son restaurant “Fäviken” n’était pas situé dans une région aussi reculée de Suède, c’est sans doute le costaud Magnus Nilsson qui serait en tête de son classement (Il n’est que 17e actuellement)… “Pour moi, il y a trois gars qui sont vraiment en train de faire boucher les choses, poussant toujours plus loin leurs recherches : Kobe Desramaults au “In de Wulf”, Magnus Nilsson au “Faviken” et Alexandre Gauthier à “La grenouillère”, tout près d’ici…”

 


Les 15 plats servis par les chefs

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L’un des plats fétiches de Gert De Mangeleer: avocat à la poudre de tomate et huile d’olive.
Excellent et simple 

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Esben Holmboe Bang: huîtres de Bomlo aneth et moule dans un jus vert.
Une entrée tout en délicatesse.

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David Martin: jeune concombre grillé au jasper, tartare de seiche crue, bouillon de langoustines et œufs de saumon. Dommage que le concombre soit un peu trop fumé et qu’il y ait tant de goûts dans l’assiette…

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Sergio Herman plus flamand que jamais mêlait intelligemment rouge des Flandre et anguille fumée du Nord de l’Escaut, avec de la betterave. Un régla!

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Quique Daquosta: gaspacho de cerises et gambas de Denia confite. Très joli plat mais un peu compliqué (tout en billes et sphérifications) et un poil trop sucré.

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Esben Holmboe Bang: maquereau vinaigré et sauce à la confiture de pommes. Une fois encore le Norvégien joue sur la délicatesse, la fraîcheur et l’acidité même s’il y a un peu trop de jeu de textures.

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Maquereau à nouveau pour David Martin maquereau dans une composition japonisante (sakekazu et dashi) qui manquait cruellement de pers.

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Très jolie composition de Gert de Mangeleer: un poivron doux reconstitué, farci au fromage de chèvre, olives et anchois et servi avec une huile clarifiée de piment. Viva Espagna!

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Tim Raue revisitait un plat traditionnel cantonnais en remplaçant les crevettes par de délicates langoustines, servies frites dans une crème de wasabi. Un plat aux saveurs affirmés! 

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Tim Raue jouait à nouveau la carte des épices dans le plat le plus surprenant de la soirée, mêlant coeur de canard, vin de riz chinois, céleri rôti et raisins.

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Sergio Herman en mode japonais avec son cou de porc Iberico Neck, servi avec une poudre d’aubergine, du miso, du daikon et du sésame… Un peu caricatural mais très bien fait. 

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Les « Ashes » de Quique Dacosta, soit une sorte de risotto japonisant aux algues et riz fumé. Sans intérêt…

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Michael Vreimoed et Matthieu Beudaert unissaient leurs forces pour proposer un très joli dessert: flan au lait de soja et Vieux Rypenaer au miso, caramel et pommes de terre soufflées.

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Le 2e duo de la soirée, composé de Julien Burlat et de Damien Bouchery, offraient une composition autour de la cerise et de la kriek de la Brasserie de la Boon, avec une meringue au poivre.

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Sang-hoon Degeimbre clôturait ce très long repas sur une note de fraîcheur avec sa jolie tartelette aux fleurs de sureau et robiana (faux acacia), fraises et rhubarbe

 


Kobe Desramaults, l’étoile montante

Le Michelin ne lui accorde toujours qu’un seul macaron (depuis 2005). C’est pourtant chez lui que se précipitent les foodies du monde entier. Depuis quelques années en effet, l’étoile de Kobe Desramaults de cesse de grandir. Installé dans une belle ferme de la campagne de Dranouter, le jeune chef flamand de 33 ans a vite compris qu’il lui fallait non seulement être bon en cuisine mais aussi en communication pour s’imposer. Associé au mouvement des Flemish Foodies, il se lançait également dès 2009 à la recherche de l’identité culinaire flamande, en travaillant avec Filip Claeys (deux étoiles au “Jonkman” à Bruges) mais aussi avec le Français Alexandre Gauthier, autre chouchou des passionnés de gastronomie. Le chef de “La grenouillère”, à La Madelaine-sous-Montreuil, figure d’ailleurs lui aussi dans le Top 100 AOD, à la 41e place.

Réinventer le terroir flamand

Elu chef de l’année par le guide GaultMillau en 2012, Desramaults impressionne par sa capacité à mettre en valeur son terroir local – il travaille notamment l’excellente Rouge des Flandres, une race bovine autochtone – en s’inspirant des techniques les plus en vogue, notamment venues de Scandinavie.

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“Ce que recherchent les foodies, ce sont de nouvelles histoires, commente Steve Plotnicki, fondateur d’Opinionated About Dining. La cuisine moléculaire, qu’on l’aime ou non, avait au moins une ligne narrative claire. Kobe a également une ligne très précise. Il a un petit peu importé ici ce que faisait René (Redzepi, du “Noma”, NdlR) au Danemark. Il sert du bœuf issu d’un troupeau de 50 têtes de bétail qui se perpétue depuis 400 ans… Kobe est très attaché à cette histoire. Il commence à obtenir une certaine reconnaissance, qu’on espère bientôt internationale.”

Une cuisine très inventive

Invité du très trendy salon Omnivore à Bruxelles en mars 2012, le jeune chef donnait un bel exemple de ses explorations culinaires. Il dévoilait la création de l’un de ses plats phares  : une boule de céleri-rave considérablement réduite après plusieurs heures passées dans une cheminée. Le résultat, un légume délicatement confit, servi avec du pain au levain et un fromage aux parures de céleri maison.

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Toujours soucieux de surprendre, le chef peut également sortir de son chapeau un dessert improbable mais parfaitement réussi: une étonnante sphère de meringue glacée à la bière Pannepot de Vleteren et au craquelin de porc!

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Si l’on n’a pas les moyens de s’offrir un repas au “In de Wulf” (125 ou 145 € le menu dégustation, sans les vins) pour découvrir cette cuisine qui allie simplicité et engagement – que certains de ses détracteurs qualifient d’“hallucination collective” –, on pourra se rabattre sur “De Vitrine”, l’excellent bistrot de Desramaults à Gand

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Le magnifique décor du « Vitrine » à Gand…

Evnie d’y goûter?

  • “In de Wulf”. Wulvestraat 1, 8950 Heuvelland.
    Fermé lundi, mardi, mercredi midi et samedi midi.
    Rens. : www.indewulf.be ou 057.44.55.67.
  • “De Vitrine”. Brabantdam 134, 9000 Gand.
    Prix : menu 4 serv. 45€.
    Fermé samedi midi, dimanche et lundi.
    Rens. : www.de-vitrine.be ou 09.336.28.08.
    Notre critique…