Il y a quelques semaines, Christophe Hardiquest faisait partie des promus du Michelin 2014, décrochant enfin cette 2e étoile qu’on lui promettait depuis quelques années déjà. Depuis le déménagement de “Bon Bon” avenue de Tervueren, le chef a gagné en espace, en salle comme en cuisine, entièrement ouverte sur la salle. Désormais à la tête d’un bel “atelier d’artisan cuisinier” d’où sortent des plats d’un grand raffinement, le chef impose une patte affirmée dans son exploration de la modernité gastronomique.
Christophe Hardiquest a une imagination débordante…
Ici avec sa Cona, en train de préparer un bouillon minute.
La première chose qui surprend quand on prend place au comptoir pour assister au ballet des mises en place et du dressage de chaque assiette, c’est l’ambiance zen qui règne dans la brigade; on dit “s’il vous plaît monsieur ou mademoiselle”, on se vouvoie… Tout semble se passer de façon harmonieuse, la moindre tension étant rapidement estompée par une parole attentive du chef. Qui laisse qui plus est, on le sent bien, s’exprimer la jeunesse.
La jeune brigade en action
Carte et menus – lunch à 50 € (72 € avec les vins), menus 3, 5 et 7 serf. à 80 €, 135 € et 155 € (113€, 190 € et 232 € avec les vins) – ne comportent aucun intitulé, juste l’indication d’ingrédients principaux de choix (on ne fait chez “Bon Bon aucune concession sur la qualité), que le chef travaillera selon l’inspiration du moment et le marché. Ce soir, beaucoup de produits de la mer au menu : langoustines bretonnes, caviar Per Se, maquereau de Noirmoutier, couteaux géants du Mont-Saint-Michel, oursins d’Islande, plie de la mer du Nord, bar de ligne breton… Mais aussi du lapin du Poitou, de la poularde de Bresse, du chevreuil des Ardennes… Hardiquest est toujours à la recherche des meilleurs produits disponibles, avec un ancrage locavore Slow Food. La majorité de ses légumes sont ainsi cultivés en bio par son beau-frère dans le Hainaut.
Le repas débute par une par une série de mises en bouche savoureuses et très travaillée s : petit toast de purée de racine de persil, billes de persil à la chartreuse, subtil œuf de perdrix sur un condiment d’anguille (une façon amusante de revisiter l’œuf à la russe), tourteau et condiment passion ou encore une espuma de reblochon, noix de pécan, lard, croûtons et oignon. Toutes les saveurs de la tartiflette réunies dans une verrine mais tout en légèreté. Tandis que le chef trompe nos yeux avec une fausse cacahuète glacée au dashi.
Le repas débute par un formidable carpaccio de St-Jacques et gaspacho d’huîtres, un classique de la maison aux parfums marins subtils. Accompagné par un Leirana Albariño 2012, un blanc galicien.
Suit une seconde entrée géniale, où l’oursin se décline dans sa coque avec un sabayon de pomme de terre et livèche, sur une fine tranche de langoustine crue avec une pointe de ponzu ou tout simplement sur une tartine beurrée. A savourer avec un excellent riesling 2009 de chez Jean et Jean-Louis Trapet à Riquewihr.
On reste en bord de mer avec d’exceptionnels couteaux géants de la baie du Mont-Saint-Michel, servis dans leur coquille avec un petit risotto à la blanche du Hainaut, des chips de seiche et de la chiconette. Une proposition qui démontre tout le talent d’Hardiquest, qui déjoue une apparente simplicité par la précision des accords de goûts et des assaisonnements. Ici dans un registre doux-amer.
Christophe Hardiquest nous propose alors de tester une recette en cours de création, un amusant « Gin & Tonic ». Soit un tartare de langoustines bretonnes et d’huîtres perle blanche servi avec du caviar osciètre, une délicate eau de concombre, une touche d’huile de géranium et un granité de tonic. Pas mal même si ce dernier est sans doute encore un peu trop présent. A déguster avec un excellent London n°1 Blue gin!
Très curieux de techniques anciennes et modernes, formé à la cueillette sauvage par François Couplan, le chef ne renie pas l’héritage de la cuisine moléculaire. Ainsi, sert-il sa composition “Après une grosse pluie en Forêt de Soignes” avec force fumée synthétique. Soit une crème de lentilles, un terreau végétal, de petits champignons enoki et des fritons de porc servis arrosés d’un bouillon minute préparé dans une cafetière à dépression Cona.
Effet garanti : le mangeur assiste à l’infusion de cèpes, oignons des Cévennes, citron bio et thé Lapsang souchong qui terminera dans son assiette. L’entrée sans aucun doute la plus tape-à-l’œil mais pas la plus convaincante au niveau des accords de goûts. On apprécie cependant l’intelligence du sommelier, qui sort de son chapeau pour cette composition forestière les notes cuivrées d’un madère portugais Barbeito Reserva 5 ans.
On s’envole ensuite pour la Cachapoal Valley au Chili avec le “Clos des fous” 2011 du Terroir de Los Andes, un chardonnay d’altitude travaillé à la bourguignonne, très sec malgré ses 14°! Une jolie découverte pour mettre en valeur le plat de lotte de Saint Guénolé, proposée avec un poulpe de Cantabrie parfaitement tendre, du chou vert, de l’oignon doux des Cévennes, une huile de laurier et une émulsion de beurre au feu de bois. A nouveau un très grand plat car il magnifie le produit sans le dénaturer et n’a besoin d’aucune mise en scène.
Snacké et passé au four, le lapin du Poitou, très tendre, épate avec son accompagnement de chanterelles, de dés d’Etivaz et sa jolie sauce au vin jaune du Jura et au galanga, dont l’acidité rafraîchit l’ensemble.
Dans le verre, un montagne-saint-emilion Château Moulin des Tours 1990 de grande classe. Qui tranche avec le Mas D’Agalis proposé avec la viande rouge. Ce “Yo No puedo mas” 2011 (assemblage de carignan, mourvèdre et grenache) supporte parfaitement le paleron de bœuf longuement braisé à l’Orval, proposé avec une gelée de moutarde, et un croustillant de pain, qui cache une mousse de céleri-rave et une sphérification de jus de betterave. Accords de saison au menu de ces carbonnades revisitées avec malice.
Ce repas d’exception se termine sur deux desserts légers. Le premier autour de la clémentine, du café et du spéculoos, le second, étonnamment savoureux, autour du chocolat blanc ivoire Valrhona. Travaillé en plusieurs façons, celui-ci est servi avec un crémeux de sapin baumier, une gelée au yuzu et un sorbet à la meringue.
A nouveau, le génial Michel de Muynck sort de son chapeau des vins doux inattendus : un Kracher 2008 autrichien et un Massandra 2005 de Crimée en Ukraine, qui clôturent une sélection sans faute ! Rien à dire, l’ancien sommelier de “L’essentiel” à Temploux (et père du tout aussi génial Maxim De Muynck de “L’air du temps”) colle chaque fois au plus juste à la cuisine inventive et spontanée d’Hardiquest. Un chef capable de créer des plats modernes mais intemporels.
Envie d’y goûter?
- Cote: 9/10.
- Cuisine: moderniste.
- Cave: sommelier exceptionnel.
- Cadre: contemporain.
- Terrasse: oui.
- Parking: non.
- Adresse: 453 avenue de Tervueren 1150 Bruxelles.
- Rens.: www.bon-bon.be ou 02.346.66.15.
- Ouverture: fermé samedi et dimanche.
La fille: « Aimer la cuisine de Christophe Hardiquest c’est avant tout aimer une personnalité. Une personnalité à la créativité débordante, modeste, qui reste toutefois difficile à cerner. Il sort des plats comme on sort des mots, avec une facilité déconcertante et souvent, on est immédiatement séduit par l’évidence de certains plats. »
Le garçon: « Cela fait quelques années qu’on suit Christophe Hardiquest. Et franchement, à chaque fois, l’impression est meilleure. La cuisine s’affine, se simplifie, se fait de plus en plus axée sur la pureté des produits, la technicité se mettant ici au service de l’expression d’ingrédients de grande qualité. »
Un menu de fêtes étoilé
Pour les lecteurs de « La Libre », Christophe Hardiquest a accepté de jouer le jeu en proposant un menu pour les fêtes qui porte sa patte mais réalisable à la maison. Le voici:
Quel régal pour les yeux, mais sans aucun doute aussi pour le palais, merci et à bientôt j’espère
Je reste dubitatif quant à mon expérience chez Bon Bon. Devant cette démarche tellement spontanée, j’eu l’impression de découvrir la cuisine d’un chef empreinte d’une certaine morosité peut-être liée au métier lui-même. À ce niveau de prix, on attend l’émotion. Que notre fourchette nous touche en plein cœur. La fulgurante sensation provoqué par le plaisir, le souvenir ou la découverte. Alors oui ces sensations sont quand même arrivées au cours du repas. Le meilleur pain de ma vie, un concassé d’olives de kalamata qui paradoxalement m’envoie à l’arrière d’un camion vingt ans en arrière en..Tunisie et enfin le mariage transcendant d’une huile de géranium avec du raisin muscat. Et puis voilà. Une succession de plats très, voir trop simples. Des compositions à trois éléments, des visuels simplifiés, des redondances dans les techniques et finalement du tellement déjà vu ailleurs.
Maintenant et attention. À la question : Est-ce que pour moi M. Hardiquest mérite ses deux étoiles et son addition à 300€ le couvert? Je réponds oui sans hésitation. Ce qui a de fascinant dans les deux étoiles, c’est que contrairement à leurs petits frères, l’établissent garanti un sans faute. Le chef ne fait aucune concession sur le choix de ses produits et leur fraîcheur. L’assiette est soignée, les températures et la justesse des cuissons sont souvent respectées. Et le niveau de qualification du service parachève l’ensemble. Au final, même si le chef à un avenir certain, le grand souvenir de cette soirée est pour moi le pain d’Yves Guns devant lequel je me mettrai à genoux un jour.