Rencontre avec Michel Tondeur, l’un des producteurs du miel de Bruxelles. L’occasion d’en savoir un peu plus sur le monde mystérieux des abeilles…

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Et vous, vous voyez où est la reine?

Il fait beau en cette fin mai. Le soleil brille sur la rue Gatti de Gamond à Uccle. Une fois la porte d’une belle maison bourgeoise passée, on découvre un secret bien caché. En pleine ville, Jacqueline Merlin et son mari cultivent un grand jardin, ou plus exactement une pépinière baptisée “Hortus”. Sur les innombrables fleurs, butinent bourdons et autres abeilles. Tandis qu’un peu à l’écart, on trouve cinq ruches, celles de Michel Tondeur. A 69 ans, cet ancien zootechnicien ayant fait toute sa carrière en Afrique dans les grands élevages de bœufs est un passionné de nature et du mystère des abeilles. Passion qu’il a découverte sur le tard, lors de son retour en Belgique pour y passer sa retraite.

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Installé dans la maison de ses parents à Grez-Doiceau, M. Tondeur décide de s’occuper du verger familial en faisant polliniser ses arbres. Mais aucun apiculteur dans le coin… Il fait donc appel au Centre apicole de recherches et d’informations de Louvain-la-Neuve, qui, sur demande, déplace des ruches pendant la période de pollinisation. Le jeune retraité reçoit donc quatre ruches et les bons conseils d’un apiculteur. Cela suffit pour que le virus de l’apiculture le pique. En 2002, il achète 10 ruches  ! Aujourd’hui, il en possède une quinzaine, réparties entre Grez-Doiceau et deux jardins privés à Uccle et à Jette. Des ruches dont il s’occupe avec grand soin  : “J’y consacre un temps qu’un apiculteur professionnel, qui possède 200 à 300, ruches ne pourrait jamais y consacrer…”

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Michel Tondeur  : “On ne s’improvise pas apiculteur. C’est un métier qui demande un certain savoir-faire et j’apprends tous les jours.”

Comme l’explique M. Tondeur, qui a aujourd’hui gagné assez de confiance pour ouvrir et manipuler ses ruches sans aucune protection ou enfumage (sinon sa clope au bec), chaque ruche se compose de deux zones. Dans la partie basse, cubique, on trouve une série de cadres en bois, sur lesquels les abeilles construisent les alvéoles hexagonales en cire destinées à accueillir les larves – de l’hiver à l’été, la population d’abeilles peut ainsi passer de 20 000 à 70 000 – et le miel. C’est le royaume de la reine, qui a un rôle fédérateur et de reproductrice. Dans cette partie, le miel fabriqué par les abeilles n’est pas prélevé par l’apiculteur; il s’agit de leur réserve pour l’hiver Car les abeilles hivernent mais n’hibernent pas… La partie haute, “les hausses”, est constituée de divers ajouts successifs de cadres. Mais, grâce à une grille fine, la reine (un peu plus grande qu’une abeille normale), ne peut y pénétrer. C’est dans cette zone, non destinée à la reproduction, que le miel peut être récolté.

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Chaque abeille ouvrière a un rôle particulier mais elle passe par tous les métiers en fonction de son âge, sauf la reine, qui ne fait que pondre, jusqu’à 2000 œufs par jour  ! On trouve par exemple les cirières, qui sécrètent la cire nécessaire à réaliser les alvéoles; les nettoyeuses, qui dépoussièrent et préparent les alvéoles pour la reine; les nourrices qui, par trophallaxie (échange de nourriture), nourrissent les larves; les gardiennes, qui défendent la ruche; les ventileuses, chargées d’assécher le nectar de leur battement d’ailes qui contribuent à maintenir la température de la ruche à environ 35°C; les porteuses d’eau, qui amènent l’humidité nécessaire pour éviter que les larves ne dessèchent.

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Et il y a bien entendu, les butineuses, qui incarnent cette interrelation intime entre fleurs et abeilles, apparues en même temps, il y a dix millions d’années ! Les butineuses volent de fleur en fleur pour récolter le nectar – chaque fleur mellifère a en effet du sucre dans sa corolle pour attirer les insectes pollinisateurs – mais aussi le pollen, dont se nourrissent les larves, qui deviendront nymphes puis abeilles. De retour à la ruche, les abeilles déglutissent le nectar dont elles ont gorgé leur jabot dans les alvéoles en cire. A ce stade, il ne s’agit pas encore de miel, plutôt d’un liquide sucré très chargé en humidité. Mais, par le phénomène de trophallaxie et grâce au travail des ventileuses, le nectar va s’assécher et se transformer en miel, c’est-à-dire lorsque le taux d’humidité devient inférieur à 20  %. Celui-ci peut alors être operculé par les abeilles avec de la cire…

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Mais quel est le rôle de l’apiculteur sur la fabrication du miel, chef-d’œuvre technologique naturel  ? Son intervention est en fait essentielle. Sa technicité et son savoir vont en effet influer sur la qualité et le goût du miel. Il doit surveiller le rucher, récolter les hausses, vérifier qu’il n’y a pas de colonies bourdonneuses (ruches sans reine), préparer l’éventuelle transhumance. Il peut aussi intervenir sur le taux d’humidité du miel et, une fois celui-ci récolté, sur sa cristallisation et sa maturation avant la mise en pot.

Depuis quelques années, le miel urbain est devenu une mode. On en produit sur les toits de Paris ou de New York, où il est notamment vendu au célèbre marché d’Union Square. Mais le phénomène est beaucoup plus ancien. Pour preuve, la société Royale d’apiculture de Bruxelles et ses environs (SRABE) existe depuis plus d’un siècle, tandis que de nombreuses asbl se sont créées autour du miel. Ainsi, Apis Bruoc Sella favorise le recours à l’abeille noire indigène (Apis mellifera mellifera) et milite pour une meilleure prise en considération des pollinisateurs sauvages, notamment les nombreuses espèces d’abeilles sauvages présentes dans la région de Bruxelles-Capitale. L’association a même lancé un label privé “Miel de Bruxelles”, ouvert à tous les producteurs de la région.

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En l’absence d’appellation officielle, le miel de Bruxelles n’est pas vraiment protégé contre les mauvaises pratiques. Il serait d’ailleurs assez difficilement définissable, estime Michel Tondeur. D’un point de vue gustatif, le miel de Bruxelles n’a en effet pas vraiment de spécificité. Pas plus que les autres miels “toutes fleurs”. Même si certains considèrent qu’il y a une plus grande variété de fleurs en ville grâce aux nombreux espaces verts ! A Jette par exemple, le miel de Michel Tondeur a une dominante de saule, un des premiers arbres à fleurir au Laarbeek. A Uccle, c’est plutôt le camélia ou les bruyères. Mais les abeilles s’intéressent aussi à d’autres fleurs comme les ancolies ou celles, invisibles, d’une variété de chèvrefeuille. Les butineuses se déplacent en effet jusqu’à trois kilomètres à la ronde et même 5 km en cas de disette.

Michel Tondeur regrette l’absence de protection réelle du miel qui, pour mériter cette appellation, doit normalement être un produit 100 % naturel, sans aucune adjonction. “Dans les supermarchés, les produits d’entrée de gamme, ce n’est parfois même pas du miel. Le marché du miel est dans les mains des producteurs mais aussi des conditionneurs de miel. Ceux-ci achètent du miel sur les marchés internationaux (Argentine, Mexique, Australie, Chine…) en grandes quantités, qu’ils font voyager par bateaux dans des fûts de 300-400 kg, un miel qui subit des variations de chaleur et dont on prive les populations locales, dont c’est parfois l’unique “bonbon”. Le miel est chauffé, refondu pour être mis en pot et lui donner une nouvelle texture, un parfum… Il perd ainsi toutes ses propriétés, il ne reste plus rien. Que du sirop…”

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Les dangers qui pèsent sur les abeilles…

Deux recettes au miel de Bruxelles

Envie d’y goûter?

Le miel de Bruxelles de Michel Tondeur est vendu sur demande (7€) en appelant directement l’apiculteur au 0477.62.40.16. Mais la production 2012 est épuisée et celle de 2013 ne s’annonce pas très bonne au vu du printemps catastrophique…

A Bruxelles, on le trouve également, ainsi que d’autres de ses miels, dans l’excellente boulangerie-pâtisserie Le Saint Aulaye (10 €) ou chez Gaudron place Brugmann (15€!).

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D’autres miels de Bruxelles

M.Tondeur n’est pas le seul apiculteur à faire du miel à Bruxelles. Chez “Mmmmh!”, on trouve ainsi le miel de Bruxelles de l’asbl Apis Bruoc Sella (7,50€). Tandis que Karikol, le convivium Slow Food bruxellois, met, lui, en valeur le miel de Xavier Renotte (www.nectar-co.com), basé à Fernelmont et qui propose notamment une gamme de miel monofloraux bio (vendus notamment à la boulangerie “Vatel”, place Jourdan à Etterbeek).

L’apiculture bruxelloise

En 2011, la Société royale d’apiculture de Bruxelles et ses environs (SRABE asbl), fondée en 1893, a recensé quelque 273 ruches réparties dans toute la capitale.

Un produit peu protégé

Aucun signe de qualité européen (AOP, IGP, CC) n’est en place pour le miel en Belgique. Par contre, un label privé “Perle du Terroir” regroupe une vingtaine d’apiculteurs. Ceux-ci doivent répondre à un cahier des charges spécifique et leurs miels font l’objet d’une analyse complète qui prouve qu’ils répondent à des critères de qualité plus stricts que la législation. Un étiquetage spécifique pour les miels contenant moins de 18 % d’humidité et produits en Wallonie est suivi par l’APAQ-W. Ces miels disposent d’une bande de scellement “Miel de Wallonie”.

Les bienfaits des abeilles

Le miel est non seulement un édulcorant naturel au pouvoir sucrant deux fois supérieur au sucre ordinaire, il est aussi moins calorique. Il possède également un fort pouvoir cicatrisant, utilisé dans de nombreuses cultures traditionnelles mais aussi dans certains hôpitaux. Tandis qu’on utilise la propolis pour soigner la gorge.