Le “bean to bar” est la dernière tendance chez les artisans chocolatiers. A Liège, Benoît Nihant vient de se lancer dans l’aventure en fabriquant son propre chocolat à partir de fèves de cacao.

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Depuis un an, Benoît Nihant a déménagé son atelier d’Embourg, sur les hauteurs de Liège, à Trooz, près de Chaudfontaine. C’est que, le succès aidant – il est désormais le chocolatier star de Rob à Bruxelles (cf. ci-dessous) –, l’autodidacte liégeois avait besoin de plus d’espace pour préparer ses formidables palets de chocolat; il n’aime pas, en effet, le terme de “pralines”, trop connoté “belge”. Dans son grand atelier de 450 m², il prépare ainsi ces jours-ci d’excellents palets fourrés de pralinés maison, aux noisettes du Piémont et aux amandes provençales.

Malgré le succès, Benoît Nihant et son épouse Anne n’ont pas de rêve de grandeur. “Nous ne nous fixons pas d’objectifs à atteindre. Nous n’avons pas d’ambition démesurée. On a fait tout ceci pour se faire plaisir. On a toujours dit qu’on ne voulait pas devenir les employés de notre entreprise”, explique le chocolatier. Suivez son regard : Pierre Marcolini qui, dès 2007, s’est lui aussi lancé dans la fabrication de son propre chocolat et dont Nestlé possède désormais 29 % des parts. De quoi tout de même permettre au Bruxellois de vendre ses chocolats dans le monde entier ! Pas question d’en arriver là pour Nihant qui ne songe pas à devenir l’un des rois du chocolat mondial, ni à explorer d’autres domaines que la chocolaterie.

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Pour celui qui a fait de l’exigence une marque de fabrique, faire son propre chocolat apparaît comme un aboutissement logique. Après un an de travail, c’est chose faite. “Faire notre chocolat était un vrai rêve”, s’enthousiasme Nihant. Pour l’instant, il s’agit seulement de quelques tablettes. Mais, pourquoi pas un jour imaginer fabriquer l’ensemble du chocolat utilisé dans l’atelier, notamment pour les pralines ? On n’en est pas là. Nihant cherchera d’abord à diversifier les origines de ses fèves.

Le chocolatier s’inscrit dans la vogue du bean to bar, venue du monde anglo-saxon. Un concept parfois récupéré par les industriels qui ne sont désormais plus les seuls à fabriquer du chocolat. Ils seraient ainsi une quinzaine d’artisans dans le monde à produire leur chocolat à partir de fèves sélectionnées dans de petites plantations. “La mouvance est venue des Etats-Unis, où de jeunes chocolatiers ont décidé de repartir à zéro. C’est d’autant plus facile pour eux qu’ils sont proches du Mexique… Il s’agit de rechercher l’authenticité, d’avoir un contact direct avec la plantation. Il n’y a pas de triche, pas de secret. Entre toutes ces microchocolateries, il n’y a d’ailleurs pas de concurrence.”

 

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Premier problème pour le Liégeois : “Trouver des machines à échelle artisanale.” Ce qui s’est révélé impossible. “Il a fallu tout redessiner à partir des principes de base mexicains. On a travaillé avec un atelier de mécanique local pour créer les machines.” Dans une pièce aux dimensions réduites, on découvre, en effet, des appareils réellement artisanaux, actionnés par de simples petits moteurs. Ici, on torréfie les fèves, on les broie, on sépare la matière utile de l’enveloppe, et l’on conche. Pour cette dernière opération de conchage-raffinage, deux meules en pierre tournent dans de petites cuves, sous des lampes chauffantes. Les fèves broyées sont mélangées jusqu’à 72 heures pour laisser le temps aux arômes de se libérer. On y ajoutera le sucre, le beurre de cacao, la poudre de lait dans le cas du chocolat au lait, éventuellement du gruau, de la fleur de sel…

Avant d’en arriver à commercialiser ses premières tablettes, depuis la rentrée, Benoît Nihant a travaillé intensivement durant trois mois cet été pour trouver le temps idéal de torréfaction et de conchage, pour mettre au point les différentes recettes, le tout variant en fonction des fèves utilisées. Celles-ci sont achetées en direct à la plantation; leur prix ne dépend donc pas des cours mondiaux du cacao. Et c’est bien là l’autre principale difficulté : parvenir à trouver de petits lots de fèves. Pour ces premiers essais, on parle, en effet, de 6 sacs de 70 kg en provenance de Madagascar et de 6 autres venus de Bali. “Nous avons aussi un lot du Brésil, tandis qu’on a des contacts en Bolivie pour acheter des petites fèves sauvages. Elles sont trop petites pour les machines industrielles. Pour pouvoir les travailler, le chocolatier suisse Felchlin a ainsi dû adapter ses installations…”

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Le but de Nihant avec cette nouvelle gamme “bean to bar” est d’offrir un “chocolat pur, l’expression de la fève”, sans lécithine de soja. Et la dégustation est intéressante. Préparé avec des fèves criollo de la plantation Somia, dans la vallée de Sambirano, le Madagascar 72 % est ainsi un chocolat noir surprenant, avec beaucoup d’acidité et de notes de fruits rouges, avant de laisser une agréable amertume en fin de bouche. Le Bali 72 % est totalement différent ! Les fèves trinitario de la Sukrama Brother’s Farm étant trop petites pour les industriels, peu sont ceux à les utiliser. Avec un chocolatier danois, Nihant est ainsi le seul à les travailler en Europe, et le résultat est surprenant, très doux, avec de belles notes de miel ! Tandis que le chocolat au lait 55 % se distingue par son profond goût de caramel. “On utilise ici du sucre de fleur de cocotier, un produit rare et cher qui provient de la même plantation que les fèves. Il a un pouvoir sucrant égal au sucre classique, mais avec un indice glycémique trois fois inférieur.”

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Chaque tablette est conçue comme une invitation à la découverte. Sobre, le packaging indique ainsi le nom de la plantation, le type de fèves, le temps de conchage, donne quelques notes de dégustation. Un tel luxe a un prix : à 6,80 € la tablette de 50 g… Le prix de la découverte d’un produit d’exception !

 

Envie d’y goûter?

  • Le succès du chocolatier liégeois Benoît Nihant ne se dément pas. Celui-ci a non seulement déménagé son atelier dans des bâtiments plus grands à Trooz, mais il possède également trois boutiques, à Embourg, Liège et à Maastricht aux Pays-Bas.
    Rens. : www.benoitnihant.be.

  • Grande nouveauté de la rentrée, Benoît Nihant est désormais le chocolatier vedette de Rob, où il a pris la place de Pierre Marcolini. Le supermarché gourmet proposera toute sa gamme, dont les tablettes bean to bar.
    Rob. 28 bd de la Woluwe 1150 Bruxelles.
    Rens. : 02.771 20 60 ou www.rob-brussels.be.

La collection « bean to bar »

  • Les six nouvelles tablettes de Benoît Nihant sont fabriquées avec des fèves provenant de deux plantations bio. Bali : chocolat noir 72 %, chocolat noir au lait 50 % et chocolat au lait au sucre de fleur de cocotier. Madagascar : chocolat noir 72 %, chocolat noir 72 % avec grué de cacao et chocolat au lait 50 % à la fleur de sel.

Une vogue américaine

  • La tendance du bean to bar vient des Etats-Unis, où de nombreux chocolatiers artisanaux se sont lancés dans l’aventure. On peut citer Jacques Torres à Manhattan, les Mast Brothers à Brooklyn, Taza à Somerville (Massachusetts), Patric à Columbia (Missouri), Theo à Seattle ou encore Amano à Orem (Utah).