Benoît Nihant s’est lancé, depuis 2010, dans la production de son propre chocolat. Mais le chocolatier liégeois dépasse désormais la démarche bean-to-bar. Propriétaire d’une plantation de cacao au Pérou depuis 2015, il entend maîtriser tout le processus de fabrication, du cacaoyer jusqu’à la tablette…

Une nouvelle aventure au Pérou

Il y a quelques jours, nous rencontrions les chocolatiers Anne et Benoît Nihant autour d’un verre de pulpe de cacao dans leur atelier à Awans, où ils sont installés depuis juin 2015. “C’est la première chose que l’on goûte lorsqu’on visite une plantation”, lancent-ils d’une seule voix. Bientôt, cette boisson fraîche délicieusement fruitée et exotique, ils pourront la faire déguster dans leur propre plantation  ! Au Pérou.

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Les Liégeois se lancent en effet dans une nouvelle aventure avec la création d’une plantation de cacao. “Ce n’est pas un truc réfléchi, c’est une aventure sur le très long terme et qui ne sera sûrement pas rentable, concède Benoît Nihant. Un ami d’enfance m’a contacté; il travaille pour une société dont le but est la reforestation, la préservation des écosystèmes et la création de revenus diversifiés pour les agriculteurs.”

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Un projet durable

Cela tombe bien : Anne et Benoît avaient acheté en août 2015 vingt hectares de terres à San José de Sisa, dans la province péruvienne de San Martin, où ils ont planté il y a quelques semaines leurs premiers cacaoyers. “Il y a 4 ans, on ne pouvait pas mettre un pied sur ce territoire à cause des narco-trafiquants, explique Benoît Nihant. La démarche n’est pas seulement de cultiver du cacao – même si nous serons les seuls de la région à cultiver un cacao fin –, c’est de recréer tout un écosystème, en plantant des espèces ligneuses locales et en favorisant le développement d’insectes permettant la pollinisation du cacao ou des bananiers et des goyaviers, lesquels fourniront l’ombre nécessaire aux bébés cacaoyers. Il s’agit aussi d’offrir une autre source de revenus aux familles travaillant à la plantation.”

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La démarche se veut aussi expérimentale. En plantant différemment de ce qui se fait dans la région, il s’agit de convaincre les paysans locaux que l’on peut obtenir un rendement intéressant et qualitatif en cultivant des espèces qui ont du goût, plutôt que l’omniprésent cacaoyer CCN-51… “Cette variété de cacao hybride créée par l’homme représente plus de 70 % de la production de l’Equateur”, explique Nihant. “Le rendement de ces fèves est énorme mais elles n’ont pas de goût… Elles offrent beaucoup moins de problèmes pour les planteurs mais ceux-ci se retrouvent ensuite pieds et poings liés à l’industrie, obligés de vendre leur récolte au cours de bourse, où c’est le poids qui compte et non la qualité…”

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Visite de l’atelier de fabrication

Pour goûter au chocolat Benoît Nihant “Finca Luis de Sisa”, il faudra un peu de patience et attendre encore 4 ou 5 ans pour que les cacaoyers offrent leurs premiers fruits exploitables. Ce sera alors pour le chocolatier liégeois l’aboutissement d’une réflexion entamée en 2010, quand il s’est lancé, comme Marcolini avant lui, dans la fabrication de son propre chocolat. “Il n’est pas nécessaire de fabriquer son propre chocolat. Il y a des chocolatiers que nous adorons et qui ne fabriquent pas leur chocolat. Mais nous, c’est notre plaisir, car nous aimons voyager, rencontrer des gens dans les plantations”, confie Anne Nihant.

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Dans l’atelier de Benoît Nihant, on découvre une vieille concheuse en granit de plusieurs tonnes venue de Grèce…

Les chocolatiers ont d’ailleurs récemment décider d’ouvrir leur atelier aux visiteurs (*) pour expliquer tout le processus de fabrication du chocolat : torréfaction des fèves, concassage, conchage, fabrication des tablettes et des pralines…

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« Depuis peu, nous indiquons la durée du conchage sur nos tablettes. C’est l’étape où on libère les arômes de la fève. Nous sommes fiers de dire que nous sommes des artisans qui prenons le temps de faire les choses. »

ANNE NIHANT

Un artisan qui s’internationalise

Avec cinq boutiques en Belgique (dont une toute nouvelle à Fort-Jaco à Uccle), une série de kiosques au Japon et une présence à Dubaï depuis le 1er octobre, dans une galerie commerçante de luxe, le “cacaofèvier” liégeois ne cache plus ses ambitions ! Un développement lié à sa renommée grandissante (acquise aux Salons du chocolat de Paris et Tokyo) mais aussi à la constante amélioration de ses produits.

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A l’image de ses douze tablettes, dont il a fait évoluer le look vers quelque chose de plus pur, de plus luxueux, de plus moderne aussi. Mais l’intérieur a aussi pas mal changé depuis les débuts, avec des textures plus fines et une complexité aromatique plus intéressante…

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Nihant a ainsi déniché de beaux nouveaux crus, comme ce Mayan Red, une variété unique de cacao aux cabosses d’un rouge profond qui pousse au nord du Honduras. Redécouvert en 2006 au cœur de la jungle, près des ruines Maya de Copán, ce cacao rare offre des arômes intenses de cerises noires et de pruneau. Une vraie découverte !

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Des cacaos fins de plantation

Avant de produire leur propre cacao, la démarche d’Anne et Benoît Nihant consiste d’abord à dénicher les meilleurs cacaos fins au monde, de Cuba à Madagascar, en passant par le Nicaragua ou la République dominicaine. C’est-à-dire des fèves dont les cépages n’ont pas été mélangés à la récolte, qui ont subi une fermentation dans des caisses en bois, un séchage naturel au soleil… Pour maintenir une qualité constante, il faut que ce cahier des charges soit respecté d’année en année.Ce qui est rare a un prix : ces cacaos ne sont pas achetés au cours de bourse mais 5 à 10 fois plus cher et sans intermédiaire. “Cela s’inscrit dans une dimension sociale. Les paysans pourront investir dans le savoir-faire, dans la valorisation de leur produit et, mieux payés, pourront ainsi avoir des logements décents…”, explique Anne.

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Mais le choix de travailler avec telle ou telle plantation est souvent le fruit du hasard, celui d’une rencontre, dans un alon ou lors d’un déplacement sur le terrain, invité par les pays producteurs de cacao. Comme lors de ce séjour en Equateur, dont Nihant pense rentrer bredouille… Deux jours avant son départ, il est pourtant contacté par un planteur, qui lui fait visiter sa plantation, en dehors du programme officiel. “J’ai eu un coup de cœur”, se souvient le chocolatier. “Là, ils ont compris que l’avenir, ce n’est pas le CCN-51 mais des variétés qui donnent du goût ! Et ils sont peut-être même en train de convaincre le gouvernement équatorien, qui vient de leur commander des bébés cacaoyers…”

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(*) Visite de l’atelier d’Awans le lundi de 14h à 16h et le mercredi de 18h30 à 20h30 (38€ par personne).
Inscriptions : 04.227.16.39 ou [email protected].
Rens.: www.benoitnihant.be

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Benoît Nihant, de la fève à la tablette