7456ff5394011ed6561fb2401e427440.jpgA travers un nouvel ouvrage hors norme, les éditions Homarus rendent hommage à un génie méconnu, le chef flamand Willy Slawinski.

Article paru dans « La Libre » du 9 juin

Willy Slawinski, voilà un nom qui ne dit sans doute pas grand-chose à la grande majorité des gourmets. Pourtant, parmi les chefs, il sonne comme un sésame, réveillant le souvenir d’un homme qui a révolutionné la cuisine… C’est à ce personnage oublié de notre patrimoine gourmand que rendent hommage les éditions Homarus dans leur dernier ouvrage, simplement intitulé “Willy Slawinski”.

Après s’être tourné vers le futur dans “Sergio”, présentant les créations modernistes du Hollandais Sergio Herman, les Belges Filip Verheyden et Tony Leduc s’intéressent donc cette fois au passé. Mais dans la même optique que leur trilogie à succès “La base”- “Le produit”- “Le plat”, axée sur l’idée qu’il fallait d’abord se familiariser avec les classiques avant se lancer dans la cuisine moderne. Une démarche qui correspond exactement au parcours de Slawinski…

 

Une étoile filante

40b1347c48b320195a06d02762b13c19.jpgNé en 1948 à Waasmunster d’un père juif polonais et d’une mère flamande, le bonhomme est un véritable autodidacte. S’il se destinait à l’architecture, c’est finalement son talent aux fourneaux qui a décidé pour lui. Commis de cuisine dès 14 ans, il impose rapidement une personnalité pas banale. Ses débuts dans les années 70, il les fait dans les cuisines de la “Villa Lorraine”, alors le plus grand restaurant de Belgique. Le jour où le chef Camille Lurquin manque à l’appel, il est bombardé, à 27 ans, chef de cuisine. Il est alors, pendant trois mois de 1978, le plus jeune chef à la barre d’un trois étoiles… Cette formation classique, il la parachève lors de stages à l’étranger. Son palmarès laisse rêveur : Marcel Kreusch, patron de la “Villa” l’envoie en France chez les frères Troisgros, Alain Senderens, Alain Chapel, les frères Haeberlin, Michel Guérard puis Fredy Girardet en Suisse. Il est de retour en Belgique au début de l’année 1980 pour ouvrir son propre restaurant, avenue Léopold II à Gand : l’“Apicius”.

Jusqu’à son décès prématuré en 1992, il va y développer une cuisine personnelle, basée sur la recherche, l’expérimentation osant les mariages les plus explosifs, toujours à la recherche de produits inédits. Vingt ans avant tout le monde, Slawinski aura anticipé les modes actuelles, privilégiant poissons et légumes cuits à la vapeur, réduisant l’utilisation du sel, mettant en avant les herbes fraîches, s’intéressant à la vaisselle, à la construction de l’assiette… On ne s’étonnera pas qu’il ait été l’ami de Pierre Gagnaire et de Michel Bras. Si la mort ne l’avait pas emporté si vite, il serait sans doute aujourd’hui leur égal…

 

Révolutionner le livre de cuisine

bbd99c9b18a66613dd14996877ec63d7.jpgGrands défenseurs de la modernité, Vereyden et Leduc ne pouvaient que se passionner pour Slawinski. Et comme ces messieurs ne font jamais rien comme les autres, leur recueil est à nouveau un ovni dans le monde de l’édition culinaire. Si leur “Sergio” se voulait livre d’art, leur nouvel opus se veut fidèle à l’esprit quasi scientifique de leur sujet…

D’où la présentation de l’ouvrage sous la forme d’une élégante farde à rabats, dans laquelle se cachent les six parties du livre – une fois encore, la décomposition est ici de mise. Le tout s’ouvre par un livret qui reprend le travail de Slawinski là où il s’était arrêté… Malade, le chef préparait en effet un livre de recettes résumant sa philosophie. On retrouve, en fac-similé, l’ébauche de ce travail, ainsi qu’une série de documents (articles, photos…) une analyse de sa cusiine ou une ligne du temps. Ludique, l’ouvrage propose encore un cahier de recettes aux photos d’époque, deux cartes de ses restaurants, un livre de témoignages, de ses clients à son plongeur en passant par ses collègues chefs (Gagnaire, Bras, Vandecasserie…). Mais, c’est dans le souci du détail que naît l’émotion. Dans une enveloppe scellée, on découvre en effet une série de témoignages du passage sur Terre du chef : commentaires de clients, bon de commande de ses vins, jusqu’au plan de son jardin aromatique.

d3e32f71d62bbb9f496ecb0ad877651a.jpgOu quand on rentre dans l’intimité d’un chef incompris à son époque car beaucoup trop en avance sur son temps…

  

Envie de lecture ?

“Willy Slawinski”, publié chez Homarus. Edition limitée (2?000 exemplaires, 160 €). Liste des libraires et achat en ligne sur www.homarus.be.

Envie d’y goûter?

A l’occasion de cette publication, Homarus s’est associé à 25 chefs belges (de Freddy Vandecasserie à la “Villa” bien sûr à Alain Deluc au “Barbizon”, en passant par Peter Goossens au “Hof van Cleve”), qui proposent, jusqu’à la fin juin, un menu Slawinski. L’occasion de goûter à l’incroyable modernité du chef flamand. Liste complète sur www.homarus.be.

Une recette?

Le « tartare de saumon au yaourt de brebis » selon Slawinwki.