Si, chez nous, quelques restaurateurs encouragent leurs clients à apporter leurs propres bouteilles au restaurant (demandant alors souvent un droit de bouchon), la pratique est bien installée au Québec, grâce au label: « Apportez votre vin », qui connaît un joli succès.
Un nombre croissant de restaurateurs au Canada misent en effet sur ce label, une façon sympathique d’attirer les étudiants sans le sou en quête de bouteilles bon marché ainsi que les oenologues avertis préférant leur Petrus à la cave du patron.
Le vendredi soir sur les rues Mont-Royal et Prince-Arthur de Montréal, les clients font la queue à l’entrée des boutiques de la Société des alcools du Québec (SAQ, société d’Etat) pour acheter du vin destiné à accompagner leur repas… au restaurant.
Un jeune Beaujolais sans grand caractère se vend une dizaine de dollars canadiens (7 à 9 €) en magasin au Québec, mais près d’une quarantaine au restaurant, d’où l’intérêt pour certains de la formule « apportez votre vin ».
« C’est parfait pour les étudiants aux budgets restreints qui ne veulent pas se limiter sur la qualité du vin », lance Thierry Brien, attablé au restaurant « L’Académie », usine de trois étages où les placiers sont munis de micro pour communiquer avec les serveurs…
« Quand tu as un rendez-vous avec une personne que tu fréquentes depuis peu de temps, c’est super mignon de prendre le temps de choisir ensemble la bouteille que l’on va boire au resto », renchérit Julie Gagnon.
Les premiers restaurants « Apportez votre vin » ont fait leur apparition au début des années 80 dans la métropole québécoise. « C’était des restaurants grecs qui proposaient des menus bon marchés, à base de riz ou de pâtes. Profitant d’un vide juridique, ils permettaient aux gens d’apporter leur vin. C’était souvent du vin de basse qualité, acheté au dépanneur (épicerie) du coin », explique Conrad Morin, professeur à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec.
Depuis, cette pratique s’est légalisée et le label « Apportez votre vin » a le vent en poupe dans la province francophone, plus grande consommatrice par habitant du précieux nectar au Canada, selon les données récentes de l’institut de la statistique.
Entre 1997 et 2006, le nombre de restaurants « apportez votre vin » a doublé au Québec, tandis que ceux offrant du vin a progressé de seulement 7,2%, selon la Régie des alcools. Sur les 11 000 restaurants de la province, 831 n’offrent pas d’alcool. Et la formule a été légalisée l’an dernier dans la province voisine d’Ontario.
Les restaurateurs investissent à fond dans la formule, non pas pour économiser le prix d’une licence d’alcool, qui est le même que celle « Apportez votre vin » (523 dollars, 370 €), mais pour séduire la clientèle.
« C’est clair qu’il y a un intérêt pour la clientèle: les Québécois aiment bien sortir au resto mais n’aiment pas trop mettre la main à la poche », constate François Meunier, porte-parole de l’Association des restaurateurs du Québec.
La formule n’est plus l’apanage des bistrots et des restaurants familiaux, des enseignes offrant une cuisine élaborée en font de plus en plus leurs choux gras.
Avec un intérieur épuré, des tables dressées avec sobriété et élégance, des menus dépassant les cent dollars (70 €) par personne, le restaurant « A l’os » est l’une des figures emblématiques de cette nouvelle vague. « Nos clients possèdent une bonne cave à vin, ils ont des crus de qualité qu’ils ont fait vieillir. Ils souhaitent les déguster autour d’un plat raffiné », explique le propriétaire des lieux, Marc-André Paradis.
Pensant satisfaire sa clientèle branchée, M. Paradis a acheté des carafes et des décanteurs, un investissement qui s’avère souvent inutile. « Les gens apportent leurs verres pour être sûrs qu’ils correspondent au bon vin. Ils apportent aussi leurs décanteurs ou même leurs tire-bouchons et demandent au serveur de ne pas toucher aux bouteilles », remarque-t-il. (AFP)