Lancé il y a un quart de siècle, Bombay Sapphire a montré la voie a beaucoup de gins actuels…

Reportage photo: Johan Van Droogenbroeck pour Bombay.

Avec sa couleur bleue caractéristique, difficile de ne pas reconnaître une bouteille de Bombay Sapphire. En 25 ans, la marque, introduite en Belgique à la fin des années 90, a réussi à s’imposer dans l’univers de plus en plus concurrentiel du gin. Une réussite qui tient à la fois à son histoire et à la puissance marketing du groupe familial Bacardi, qui a racheté la marque en 1998 pour la placer aux côtés de ses fleurons: les rhums Bacardi, les vermouths Martini ou encore les vodkas Grey Goose et Eristoff.

Dès ses débuts, Bombay a joué sur l’image. Son étiquette, frappée d’un portrait de la reine Victoria, rappelle la grandeur de l’empire britannique et l’Inde en particulier, où le gin-tonic, avec sa dose de quinine, était presque considéré comme un remède médicinal contre la malaria ou le scorbut. Tandis que « Sapphire » et la couleur de la bouteille font référence au Star of Bombay, l’un des plus célèbres saphirs, une pierre de 182 carats offerte par Douglas Fairbanks à sa femme Mary Pickford, connue pour ses talents d’actrice mais aussi pour son amour des cocktails… 

Comme son étymologie le laisse deviner, le gin est un dérivé du genièvre. Les soldats britanniques l’ont découvert aux côtés des Hollandais durant la guerre de Quatre-Vingts ans (1568-1648). Avant de monter sur le champ de bataille, leurs alliés hollandais prenaient en effet une rasade de cette eau-de-vie remontant au Moyen Age, d’où son surnom de « Dutch Courage ».

La guerre terminée, les Britanniques se sont mis à produire en masse un semblant de genièvre, d’abord en Ecosse dès la fin du XVIIe siècle, puis dans toute l’île. A Londres, la Gin Lane accueillait ainsi des dizaines de débits de gin de piètre qualité. Au point que les autorités durent intervenir contre ce mother’s ruin, certaines mères étant prêtes à vendre leur enfant en échange d’une simple bouteille! Pour mettre fin à cette période (Gin Craze), le Parlement adopte en 1751 le célèbre Gin Act, qui provoque une disparition des échoppes de gin et le développement des grandes distilleries.

La Gin Lane Selon William Hogarth en 1751…

Dix ans plus tard, Thomas Dakin, 24 ans, se lance dans la production d’un gin de qualité à Warrington, petite ville stratégiquement située le long du canal Liverpool-Manchester. Pour mettre au point sa recette, il travaille avec le botaniste de Thomas Cook. Ensemble, ils choisissent 8 herbes médicinales exotiques. En 1761, leur premier breuvage est distillé. Depuis, la production ne s’est jamais arrêtée…

Deux siècles plus tard, l’Américain Allan Subin, grossiste en alcool, cherche à commercialiser un gin aux Etats-Unis. Pour ce faire, il rachète en 1959 la distillerie de Warrington et en revient à la recette de 1761, en remplaçant l’alcool de mélasse par un alcool pur de blé, produit en Ecosse. Destiné uniquement au marché américain, le Bombay Dry Gin est lancé en 1960. Mais il faudra attendre 1987 et le sens marketing de Michel Roux (déjà responsable du lancement de la vodka Absolut en 1979) pour que Bombay s’impose définitivement. Son coup de génie? Imaginer une bouteille bleue pour le nouveau gin de la marque: le Bombay Sapphire, lancé aux Etats-Unis puis en Europe.

Alors que le Bombay Dry Gin (qui a rejoint l’année dernière seulement son petit frère sur les étals de Grande-Bretagne et de Belgique) est toujours distillé à partir des 8 plantes originelles, la bouteille de Sapphire affiche fièrement dix composants. On y retrouve évidemment les ingrédients classiques du gin, à commencer par les baies de genévrier (photo), récoltées en Toscane, des graines de coriandre marocaines (photo), pour le côté acidulé, de la racine de réglisse chinoise, très sucrée et parfumée, et de l’angélique allemande, pour son odeur musquée de sous-bois.

S’y ajoutent des pelures de citrons espagnols bio – Bombay aspire d’ailleurs à ce que son gin soit prochainement 100% bio –, cueillis et épluchés à la main, de la racine d’iris de Toscane (photo) réduite en poudre, pour le côté floral, de la cannelle indochinoise et enfin de la poudre d’amandes amères espagnoles (photo), qui apporte sa texture au gin. 

Après de nombreux essais, ont finalement été retenus, pour le Sapphire, deux aromates supplémentaires, plus rares et plus chers: des baies de cubèbe, un poivre à queue noir (photo) qui pousse à l’ombre des caféiers de Java, et de la maniguette. Originaire d’Afrique de l’Ouest, ce faux poivre, appelé aussi poivre du paradis, étonne par ses notes chocolatées, poivrées et orangées!

Outre leur complexité aromatique, la spécificité des gins Bombay est la distillation à la vapeur. Au lieu de mettre directement les plantes et les épices avec l’alcool pur dans les cuves de distillation, ils sont placés dans des paniers en cuivre (photo), traversés par les vapeurs de distillation. Sans faire bouillir les plantes, on conserve ainsi mieux huiles essentielles et parfums. L’alcool obtenu est ensuite coupé avec de l’eau du lac Vyrnwy au Pays de Galles. Laquelle a son importance puisque l’eau constitue jusqu’à 60% du produit final, le gin Bombay titrant à 40° ou 47°, selon les pays. Le gin est enfin prêt à être consommé car, comme la vodka, il ne subit aucun vieillissement.

Chaque année, Bombay écoule quelque 27,6 millions de bouteilles, de quoi en faire un acteur important dans un marché du gin de plus en plus compétitif mais largement derrière son principal concurrent en Belgique, le Gordon’s. Un concurrent moins haut de gamme que le Bombay Sapphire, où chaque épice, chaque plante, est sélectionnée avec soin par Ivano Tonutti, maître herboriste du groupe Bacardi. Avec le maître distillateur, il est le seul au monde à connaître la recette exacte des gins Bombay…