L’édition 2008 du guide Lemaire lance la saison belge des guides gastronomiques. Le premier arrivé fait cette année peau neuve et ramène ses cotation sur 100 à des notes sur 10!
Cela fait quelques années que le Guide Lemaire vit une véritable crise d’identité. Pour rappel, l’édition 2006 avait déjà été très agitée, suite au départ du truculent Jean-Léon Wauters, viré et remplacé par Philippe Fievet ainsi qu’une toute nouvelle équipe de rédacteurs. Pendant deux ans, ils ont assuré la transition sans grande révolution formelle. Les lecteurs peu attentifs auraient même pu ne pas remarquer la différence…
La polémique
Cette année, impossible de ne pas voir qu’une page est définitivement tournée. Car il ne reste plus grand-chose – sinon la « marque » – du guide imaginé il y a plus de 30 ans par Henry Lemaire, même si la direction continue à célébrer sa mémoire. Pour préparer cette nouvelle édition, un nouveau clash a eu lieu. Le rédac’ chef Philippe Fievet et son équipe, « refusant unanimement de se laisser entraîner dans des dérives purement mercantiles initiées par la nouvelle direction sous la responsabilité d’Aldo Mungo ». On le voit, le climat était tendu… « C’est avec conviction qu’il refuse de cautionner un guide de complaisance dont la seule finalité serait de faire payer, en tout ou en partie, les restaurateurs présents dans ses pages », continuait le communiqué en février dernier !
De son côté, la direction du Lemaire estimait avoir dû se séparer d’une équipe rédactionnelle « qui pour l’élaboration du dernier guide n’a pu, entre autres, écarter un nombre important d’erreurs ou de faiblesses ». Elle a donc mis sur pied deux nouvelles rédactions, l’une francophone, l’autre néerlandophone.
Un guide plus réduit
Huit mois plus tard, le guide 2008 est arrivé… Ce qui frappe, c’est d’abord sa taille, beaucoup plus réduite. Mais, c’est toute la présentation qui a été repensée, ainsi que son identité… Ainsi – par manque de personnel, de temps? –, on est passé de 1217 adresses en 2007 à seulement 732 aujourd’hui et la partie Grand-Duché du Luxembourg a complètement disparu…
La cotation, sur 100, a elle aussi disparu, les notes allant cette année de 6,5 (bon repas simple ou rapide) à 9,5 (première marche du podium). Forcément, on perd en finesse. Ainsi, en 2008, 22 restaurants sont considérés comme les meilleures tables de Belgique. Par comparaison, en 2007, le Michelin ne décernait que deux 3 étoiles (« Hof van Cleve » et « De Karmeliet ») et le GaultMillau un 19,5/20 (« Hof van Cleve ») et deux 19 (« Comme chez soi » et « Sea Grill »). Si la vingtaines de restaurants primés (cf. ci-dessous) sont effectivement d’excellentes maisons, difficile néanmoins de mettre sur le même pied la perfection atteinte par Peter Goossens au « Hof van Cleve » avec les tables de « Bon-Bon » à Uccle ou de « Lemmonier » à Lavaux-Sainte-Anne par exemple, même si la cuisine de Christophe Hardiquest et d’Eric Martin valent réellement le détour…
Un guide dénaturé
On comprend mal par ailleurs, sur quel critère repose la différence de traitement offerte à certains restaurants, qui bénéficient d’une page complète et d’une traduction en anglais (« à la demande des restaurateurs », selon le guide).
Plus grave est la rédaction des commentaires. Alors que le Lemaire s’était fait une spécialité des avis tranchés, bourrés de mauvaise fois et de piques assassines (avec une tendance à en réserver la compréhension aux initiés…), cette année, ils sont d’une platitude parfaite. Ainsi, voici ce que dit le nouveau « Lemaire » du « Karmeliet » de Geert Van Hecke : « Plusieurs pièces forment le grand restaurant De Karmeliet. Avantage ou inconvénient: dans chaque salle, on se retrouve en relative intimité avec deux ou trois autres tables; Dans l’assiette, on ne trouve que les meilleurs produits, magnifiés par le savoir-faire du chef Geert Van Hecke. » Un peu court quand même quand on décrit l’une des meilleures tables du pays… Ne transparaît aucune passion de ces avis sans âme qui ne mettent guère en appétit.
Si l’on retrouve bien un peu d’esprit polémique, c’est pour fustiger « d’autres guides » qui offrent leurs pages à des restos non encore ouverts… Mais l’arme pourrait être retournée contre le Lemaire…
Lequel a en effet conclu une série d’accord avec certains restaurants, membres du « Club Henry Lemaire » (dont la liste se trouve sur le site du guide). Sans accuser les enquêteurs de favoriser ces adresses, difficile à imaginer qu’elles n’ont pas bénéficier d’un traitement… différent. « Pour seulement 200 € par an vous pouvez adhérer au Club Henry Lemaire », qui offre des réductions… Seulement ?
Si l’on a jamais été grand amateur du Lemaire, il faut reconnaître que, cette fois, il a définitivement perdu son âme…