Ouverte depuis quelques semaines seulement, « Einsunternull » s’inspire de la nouvelle cuisine nordique – avec le « Noma » comme influence revendiquée – pour donner un coup de fouet à la scène gastronomique berlinoise. Une une table promise à un bel avenir!
Un resto speakeasy
« Einsunternull ». Le nom est imprononçable… Le restaurant est qui plus est difficile à dénicher, à deux pas de la station Oranienburger Tor, à Mitte — l’esprit speakeasy est en effet la mode à Berlin, et pas seulement pour les bars… Mais voilà une adresse à ne surtout pas manquer!
Ouvert fin novembre 2015 par le sommelier Ivo Ebert (ex-« Reinstoff »**) dans une cave voûtée intime et contemporaine, « Einsunternull » reprend à son compte les préceptes de la nouvelle cuisine nordique, en cherchant à ne travailler que des produits locaux et de saison. Sur le papier, on a l’impression d’un copier-coller d’un autre resto berlinois, le « Nobelhart & Schmutzig », qui vient de décrocher un macaron Michelin. Les équipes sont d’ailleurs proches, partagent les mêmes fournisseurs, pratiquent la cueillette et la conservation et ont une même vision locavore extrême (sauf pour le vin). Jusqu’à bannir le poivre ou le chocolat ! Mais la cuisine est ici très différente, plus complexe, moins froide, tandis que le service est nettement moins arrogant…
Des associations explosives
Le jeune chef Andreas Rieger compose au « Einsunternull » un menu unique de dix petits plats. On en pioche de 6 à 10 (77 à 117€) et, à chaque fois, on est emballé par la finesse de ses assiettes épurées, composées de quelques ingrédients seulement mais explosant de saveurs.
En mise en bouche, on croque par exemple une petite coque de topinambour grillé, farcie d’une mousse de topinambour parsemée de poudre de fleur séchée. Ou pour ce bouillon de betterave jaune, qui accompagne un petite salade tiède de chou vert, racines et purée de betterave rouge.
On enchaîne avec une jolie assiette de chou-rave vinaigré, associé à de la poire et à une émulsion de chanvre.
Avant de rester en arrêt face à l’accord parfait entre champignons de Paris (crus et cuits) et crème de noisettes. Génial d’efficacité!
Des sauces végétales
On est tout aussi épaté par cette sauce incroyablement corsée préparée uniquement à base de céleri-rave cuit longuement, qui accompagne des bouts de côte de boeuf.
Ou par ce kale, cuit et frit, relevé d’une autre sauce végétale (à l’oignon cette fois) et de levure grillée (une trouvaille).
On est un peu moins convaincu par l’esturgeon fermenté. Le poisson est excellent mais les asperges blanches (mises en conserves l’année dernière par le chef) sont vraiment trop vinaigrées. Ce sera le seul manque d’équilibre de la soirée…
Une remarquable simplicité
Avant de passer à la suite, on a droit à un très délicat trou berlinois: granité de sureau, coulis de cassis et espuma de houblon.
Le régal continue avec le l’os à moelle, marié des champignons fermentés et crus, de fines lamelles de topinambour cru, des crosnes et une petite purée de pommes.
Suivent des lamelles de pleurotes eryngii juste rôties, présentées avec du lard gras et des graines de tournesol. On a vraiment du mal à croire que, de plats si sobres, puissent se dégager de telles saveurs !
Des desserts végétaux
Les desserts sont conçus dans une même philosophie végétale. Avec une délicieuse glace au salsifis, meringue au yaourt et poudre d’aspérule odorante.
Un peu trop amère, la glace aux graines de pavot n’en est pas moins intéressante, servie avec un croustillant de lait, une crème de petit-lait et des fleurs de pissenlit.
Face à un tel sans faute, on se dit qu’« Einsunternull » rejoindra rapidement le « Nobelhart & Schmutzig » au rayon des étoilés berlinois…
Envie d’y goûter?
- Cote: 8,5/10.
- Cuisine: locavore.
- Cadre: minimaliste.
- Cave: belle sélection allemande et autrichienne.
- Terrasse: non.
- Parking: non.
- Adresse: Hannoversche Straße 1, 10115 Berlin.
- Rens.: www.einsunternull.com ou +49.30.27.57.78.10.
- Ouverture: fermé le dimanche et le lundi midi.
Cet article est paru dans le Trends-Tendances du 31 mars 2016.
La fille: « Qu’est-ce qu’on mange bien à Berlin! Je commence vraiment à me dire que Bruxelles est à la traîne en matière de gastronomie contemporaine et surtout locavore. »
Le garçon: « Quelle claque! Et quel boulot de démontrer que le terroir berlinois recèle de telles richesses… Un gros coup de coeur! »