C’est la bonne surprise du début de saison du côté de la RTBF. Lancée comme une parenthèse en attendant le retour de Joëlle Scoriels, le spin-off de “Sans chichis”, Un gars un chef, a finalement trouvé son public et poursuivra sa route jusqu’en juin au moins, Joëlle devant se contenter des deux primes mensuels de “69’ Sans Chichis”… 

Un gars, un chef, Sans chichis, Adrien Devyver, Gerald Watelet

En moyenne, l’émission est suivie à 17 h 20 sur La deux par 36 538 téléspectateurs, soit 4,7 % de pdm. Mais depuis la mi-novembre, les chiffres s’envolent. “Un gars, un chef” dépasse régulièrement les 7 % de pdm, avec un pic à 8,7 % le mardi 3 décembre, soit 71 231 gourmands. “On connaît l’engouement des gens pour la cuisine depuis 10-15 ans mais depuis 5 ans, c’est la folie furieuse. Je pense que le succès vient du fait qu’il ne s’agit pas d’un concours ou d’une téléréalité. C’est une vraie émission de cuisine mais, pas l’émission d’un chef. Il y a d’abord une vraie recette, avec rien d’autre pour venir interférer. On a aussi des chroniqueurs qui viennent apporter des infors supplémentaires. La plupart sont les vieux de la vieille de “Sans chichis”. Il n’y a jamais eu de bagarre dans l’équipe. ”

Pas question en effet de chercher des bisbilles entre Gerald et Joëlle, qui est d’ailleurs passée faire un petit coucou dans “Un gars, un chef” l’autre jour… “Il n’y a pas de tension. On a formé un super trio pendant 4 ans. Joëlle a eu une magnifique petite fille. La vie continue. Il y a des choses qui s’arrêtent… On nous avait mis là pour boucher le trou, ce n’était pas très gratifiant et finalement, tout a été bien mené. J’avais déjà proposé l’idée d’une vraie émission de cuisine. Je suis donc très heureux. Il y a un réel engouement, les audiences sont très bonnes et le seraient encore meilleures si on passait une demi-heure plus tard parce qu’à 17 h 20, il y a encore beaucoup de monde dans sa voiture… Mais est-ce que ça durera  ? En tout cas, avec Adrien, on rit beaucoup. On s’entend très bien. On se comprend sans se parler, on a pris nos marques. Je l’ai éduqué, il commence à s’intéresser à la cuisine. Il y a quatre ans, je n’aurais jamais pu lui faire manger des ris de veau…”

Cuisine sans chichis

Ce qui peut aussi sans doute expliquer le succès, c’est l’approche de la cuisine de Gerald Watelet, très classique. “J’ai fait l’école hôtelière à Namur mais j’ai toujours travaillé en salle. J’aime les bonnes choses : la crème, le beurre… Même quand je travaillais dans la mode, je n’avais pas de passion pour les modes. Je n’adhère pas à la cuisine moderne, moléculaire. Moi, mes références, cela reste le Larousse, Curnonsky, les bases classiques. Le mercredi, c’est devenu presque un gimmick : je rate ma pâtisserie. Je déteste la pâtisserie, je ne suis pas assez précis. Mais montrer qu’on peut se tromper, ça met les gens à l’aise. Il n’y a aucune prétention, juste un moment de convivialité.”

Question convivialité, ce n’est pas vers un Jamie Oliver qu’il faut se tourner si l’on veut chercher un modèle mais remonter un peu plus loin dans le temps. “Je suis encore de la génération de Raymond Oliver ou de Maïté, qui pouvait assommer des anguilles à l’antenne. Aujourd’hui, on aurait la terre entière et les avocats sur le dos ! Moi, j’ai grandi à la campagne, où les choses sont comme elles doivent l’être. Et non, je n’enlève pas ma bague quand je cuisine– elle est propre, elle est en or – , je mélange la salade avec les mains, comme je l’ai toujours vu faire. Les gens sont devenus trop pointilleux, cherchent le moindre détail. Un poisson, même s’il reste une heure hors du frigo, il ne va pas pourrir ! A la campagne, on ne mettait pas le beurre au frigo. D’ailleurs, dans la ferme de mes grands-parents paternels, il n’y avait pas de frigo, juste l’escalier de la cave… Je suis de cette école-là.”

Un gars, un chef, Sans chichis, Adrien Devyver, Gerald Watelet

Mercredi, Gerald Watelet soufflait ses 50 bougies dans “Un gars, un chef”. Pas question à cet âge de remettre en question son approche de la cuisine, même si la RTBF aimerait peut-être parfois qu’il propose des recettes plus “mode”. “J’ai des critères très arrêtés. Pour la présentation par exemple, je ne vais pas tout faire à l’emporte-pièce  ! Les tomates du jardin ne ressemblent pas à celles des grandes surfaces, elles ne sont jamais régulières mais qu’est-ce qu’elles sont bonnes ! C’est ça que j’essaye de leur dire. L’autre jour, j’ai fait des quenelles de volaille avec une sauce blanche servies sur du riz blanc. Sur Facebook, on m’a dit  : ça manque un peu de couleur… J’ai répondu, si on veut de la couleur, on peut mettre un peu de truffe noire  ! Que les gens arrêtent de dire que ce n’est pas beau. Ce qui compte, c’est le goût, même si je sais que l’œil est important. Mais les espuma de ceci, les gelées de cela avec juste trois petits ronds qui ne goûtent rien, ça ne m’intéresse pas. Moi, j’adore aller manger au “Pigeon Noir” à Uccle une cuisine sans chichis… Un de mes meilleurs souvenirs gastronomiques, c’est un hachis parmentier à la queue de bœuf et à la truffe de Guy Martin au “Grand Véfour” à Paris. C’était tout simple mais exceptionnel  !”

Pas simple néanmoins d’organiser son temps quand il faut mettre en boîte une quotidienne de 40 minutes. “On enregistre 5 émissions en une journée. Il faut que je choisisse bien mes recettes. C’est un travail que je fais seul et je n’ai pas toujours le temps de les tester avant. L’autre jour, j’ai par exemple fait un chausson de homard aux fines herbes. Je ne l’avais jamais réalisé mais tout le monde a goûté et m’a dit que c’était excellent. Je suis un intuitif en cuisine…”

Une reconversion assumée

Dans une autre vie, Gerald Watelet a été maître d’hôtel (notamment à “La Villa Lorraine” du temps des trois étoiles) mais aussi styliste, à Paris et Bruxelles, une activité qui ne lui manque pas réellement. “J’ai aussi une activité d’ensemblier et de décorateur, mon appartement est très bien décoré, j’ai donc toujours le contact avec les matières, les couleurs. Je retrouve ma créativité. Mais on reste toujours pour moi dans l’art de vivre. Je collectionne la vaisselle, le linge de maison, j’aime les jardins, les potagers, les hommes et les femmes, les bons vins… Ce qui compte, c’est que ce soit juste. J’ai eu la chance de beaucoup voyager. Il m’est arrivé de manger au jardin en bottes au bord du lac Léman et le soir, les mêmes personnes étaient en smoking dans une salle à manger garnie de Picasso… Ça fait un peu Marie-Chantale mais c’est ça le vrai luxe.”

Un gars, un chef, Sans chichis, Adrien Devyver, Gerald Watelet
Gerald Watelet est devenu incontournable à la RTBF. Le vendredi sur La une, il anime également le magazine de la royauté « C’est du Belge » en duo avec Barbara Louys.

Gerald n’est pas homme à surévaluer la créativité. “Il y a des recettes auxquelles je ne touche pas. Le vol-au-vent, c’est toujours la recette de ma grand-mère parce que c’est le meilleur. Les meilleures boulettes sauce tomate, ce sont celles de ma mère. Je suis très vieux jeu. Je vais dans tel resto pour manger tel plat. J’ai mes places… Mais je ne suis pas imperméable à ce qui se passe autour de moi. Ce qui compte, c’est la qualité plus que la créativité. Car la créativité sans qualité, cela ne fonctionne pas…”

Gerald Watelet n’est d’ailleurs pas tendre avec ces émissions de cuisine qui fleurissent un peu partout et qui mettent en scène des amateurs (même si, lui-même, affirme ne pas être chef). “Je suis effrayé, quand on reçoit des jeunes, de voir combien ils ne savent en fait refaire que les recettes qu’ils ont apprises. Ils n’ont pas assez de métier. Mettez-les devant un frigo et ils ne savent pas improviser. Ces émissions de téléréalité, c’est une insulte au métier. Cela doit rester un jeu, il ne faut pas leur accorder trop de crédit. Je trouve par exemple qu’“Un dîner presque parfait” devrait être rayé de la carte. Cela va à l’encontre de ce que doit être la cuisine  : la générosité.”

Un gars, un chef, Sans chichis, Adrien Devyver, Gerald Watelet