Depuis 1997, Alexandre Dupont, éleveur d’agneau bio basé à Etalle en Gaume, travaille au sein de la coopérative Ovidis, créée pour aider les éleveurs à distribuer leur viande.

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Se mettre à élever de l’agneau, c’est bien. Encore faut-il trouver quelqu’un à qui le vendre ! Au début, Alexandre Dupont a pris son bâton de berger pour aller proposer sa viande dans les restaurants; ainsi, travaille-t-il toujours avec Pascal Devalkeneer, patron doublement étoilé du “Chalet de la Forêt”, rencontré du temps où il était encore chef du “Bistrot du Mail”. Et rapidement, l’éleveur a compris qu’il y avait un avenir pour l’agneau bio…

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Photo © Jean-Luc Flémal

En 1997, il crée donc avec son comparse Thierry Mulders (basé à Nassogne et passé en bio à peu près en même temps que lui) la coopérative Ovidis. Très vite, des contacts sont pris avec Delhaize, qu’il faudra parvenir à approvisionner toute l’année. Comment ? En “désaisonnalisant” les naissances (la race romane s’y prête bien). Pour ce faire, le troupeau de la Ferme de Belle-Vue a été divisé en quatre pour étaler les agnelages sur 12 mois. Les agneaux nés en hiver, ne pouvant sortir en prairies, sont donc élevés en bergerie, nourris avec les fourrages de la ferme et des compléments bio. “Mais j’ai de plus en plus envie de reculer les agnelages vers le printemps car les aliments bio coûtent une fortune”, réfléchit M. Dupont. D’autant que la demande varie fortement au cours de l’année. “En juillet-août, on vend beaucoup moins. A croire que les gens qui mangent de l’agneau bio partent tous en vacances ! Cela n’a pas été facile de faire comprendre à Delhaize qu’on ne peut pas avoir de l’agneau tout le temps. Mais on leur a dit que si les gens qui achètent bio ne sont pas ceux qui, justement, peuvent comprendre qu’il existe des saisons, personne ne le comprendrait ! Et ils ont fini par accepter.” Le distributeur leur a simplement demandé d’être prévenu un mois à l’avance de la fin de l’approvisionnement et de sa reprise…

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Au fil des ans, la filière s’est professionnalisée. Une vingtaine d’agneaux Ovidis sont tués le lundi puis découpés et directement conditionnés en barquettes par une société basée à Liège. De manière à ce que les magasins Delhaize puissent, non plus commander des colis entiers (des demi-agneaux), mais des pièces (côtes, tranches de gigot, épinettes fabriquées avec le ragoût, brochettes…), qui arrivent en magasins le jeudi. Inauguré en 2012, ce système a permis de “doubler le volume”. De quoi créer des convoitises ! Une partie des éleveurs d’Ovidis ont ainsi été débauchés par la filière du porc plein air PQA, qui s’est lancée à son tour dans l’agneau bio. “Notre filière s’est un peu écroulée”, reconnaît M. Dupont

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Photo © Jean-Luc Flémal

Si Alexandre Dupont ne fait pas d’agneau de lait, la raison est simple : celui-ci est plutôt issu d’une brebis laitière. Pour donner du lait, la brebis doit en effet avoir un agneau par an. Sauf qu’une fois la lactation enclenchée, le producteur de lait de brebis n’a plus besoin des agneaux, qu’il vend donc aux boucheries dès leur servage. Sans qu’ils n’aient eu le temps de voir les champs… “Nous, on fait de l’agneau “gris”, comme disent les Français, explique M. Dupont  Ce sont les agneaux d’octobre, nourris uniquement au lait de la mère et au foin, mais qui ne sont pas allés dehors, qui sont restés à l’étable.”

Ses agneaux, l’éleveur les tue à l’âge de 3 à 6 mois (légalement un “agneau” peut être âgé d’un an maximum) mais il garde une centaine de femelles pour renouveler 15 à 20 % de son troupeau par an. En boucherie, on ne fait pas de différence entre agneaux mâles et femelles, qui ne présentent pas de réelle différence gustative. “Le facteur le plus important pour l’agneau, c’est l’âge. C’est avec l’âge que vient le goût de mouton. La viande devient plus rouge, la graisse plus jaune…”
 

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L’agneau chez Delhaize

Delhaize vient de revoir sa politique en matière d’agneau. Depuis fin juin, la chaîne de supermarchés a renoncé à s’approvisionner en Nouvelle-Zélande pour ce recentrer sur l’agneau irlandais et britannique, dans un soucis de réduction de ses émissions de CO2 dues au transport. “Cette nouvelle approche assure non seulement de la viande plus fraîche mais le goût de la viande d’agneau anglaise est tout à fait unique. Depuis des siècles, les fermiers locaux pratiquent des méthodes d’élevage durables et traditionnelles qui influencent son goût. Les agneaux grandissent en pleine nature et se nourrissent du lait maternel et d’herbe des vastes pâturages. Avec ce choix, Delhaize répond pleinement à la demande croissante d’une alimentation durable”, explique la chaîne dans un communiqué. Côté bio, Delhaize propose en exclusivité l’agneau de la filière Ovidis, disponible en quantités limités dans certains points de vente.

La filière Ovidis 

Regroupant une trentaine d’éleveurs ovins dont deux principaux (Dupont et Mulders), Ovidis propose toute l’année des agneaux de moins de 6 mois de diverses races (romane, Ile de France, Suffolk, Vendéen, Texel), nourris en prairies et par divers complément (foin, pré fané, compléments de céréaliers garantis non-OGM; de luzerne et de lin pour les bio).

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