Les émissions culinaires sont le dernier rejeton à la mode de la téléréalité. Comme les apprentis mannequins, chanteurs, danseurs ou entrepreneurs (voire hommes politiques, dans une nouvelle émission de la chaîne libanaise Al Jadeed, qui financera la campagne électorale du gagnant !), les cuisiniers amateurs sont en effet nombreux à vouloir changer de vie grâce à la télévision ou, en tout cas, à vouloir montrer leur savoir-faire dans des émissions comme “Un dîner presque parfait” (M6/RTL-TVI) ou “MasterChef” (TF1). Sans parler de “Top Chef” (M6/RTL-TVI) ou “Comme un chef” (RTBF), réservés aux professionnels.

Master Chef, Gordon Ramsay
La Fox a fait appel à Gordon Ramsay, connu pour ses innombrables “Fuck !”, qu’elle bippe systématiquement… Un sommet d’hypocrisie…

Autant d’émissions qui font un carton  : plus de 500 000 téléspectateurs belges devant “Top Chef” lundi soir. Même si quelques voix un peu plus sévères se font parfois entendre pour dénoncer l’atmosphère de compétition exacerbée qui se dégage de ces programmes. Ce n’est rien, ceci dit, à côté de ce dont est capable la télévision américaine, la Fox en particulier…

C’est elle qui diffuse aux Etats-Unis l’adaptation du format “MasterChef”, qui oppose une quinzaine de cuisiniers amateurs autour d’épreuves variées. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la Fox a réussi à y imposer sa marque  ! Celle d’une chaîne qui apporta un soutien affiché au gouvernement Bush, à sa politique néolibérale et à son intervention en Irak. Sa version de “MasterChef” est en effet à la téléréalité ce que sa série “24 heures chrono” a pu être à la fiction  : un produit bien ficelé, attractif mais vecteur d’une idéologie malsaine, à la limite de la propagande.

Master Chef, Gordon Ramsay

Dans la saison 3 (en attendant une saison 4 cet été), on a ainsi pu voir les candidats cuisiner pour… des marines de l’armée américaine, débarquant en hélicoptère dans un champ. Avec tous les “We love you, guys  !”, “Thanks for everything” qui vont avec… On a pu découvrir le placement de produit dans toute son horreur  : les membres du jury vantant “l’incroyable qualité” de la viande USDA avec laquelle les candidats devront cuisiner, “généreusement fournie par Walmart”. Tandis que la mise en scène est ici poussée à l’extrême pour faire de “MasterChef” une téléréalité comme les autres et pas un concours de cuisine. Les candidats sont ainsi sans cesse appelés à jouer des coudes, à être stratégiques pour éliminer leurs concurrents. Et quand l’une d’entre eux accepte de donner du riz à l’un de ses camarades qui en manquait, au lieu de souligner la générosité du geste, les jurés s’empressent de dire qu’ils n’auraient jamais fait cela , estimant qu’elle ne tenait pas suffisamment à gagner !

Master Chef, Gordon Ramsay

Pour présenter ce jeu de massacre, la Fox a fait appel à deux Américains  : le chef doublement étoilé de Chicago Graham Elliot et le restaurateur new-yorkais d’origine italienne Joe Bastianich complice du chef Mario Batali, un vrai tueur… Mais surtout au Britannique Gordon Ramsay, qui présente également sur la même chaîne les déclinaisons américaines de ses succès britanniques “Cauchemars en cuisines” et “Hell’s Kitchen”. En participant à de telles émissions, où l’esprit de compétition confine à la vulgarité, on se demande s’il n’est pas en train de mettre en jeu sa crédibilité de chef. Car comment peut-on tout à la fois être omniprésent au petit écran et gérer quelque 24 restaurants à travers le monde, dont un trois étoiles à Londres et plusieurs deux étoiles, dont “Trianon Palace” à Versailles  ? Pas sûr ceci dit que cela inquiète plus que ça la star, qui s’est installée l’année dernière à Bel Air, dans la banlieue de Los Angeles, dans une immense villa à 6,75 millions de dollars…

Master Chef, Gordon Ramsay
Christine Ha, la candidate aveugle, a remporté l’édition 2012 de « MasterChef ».