En marge du 9e Salon du Goût de Turin, se tenait, du 27 au 29 octobre, le 6e Congrès international Slow Food. Samedi dernier, dans le grand Auditorium du Lingotto, l’ancienne usine Fiat, s’étaient donné rendez-vous 650 délégués, venus du monde entier pour discuter de l’avenir du mouvement et des stratégies politiques à adopter pour les quatre années à venir. Dans la salle, Africains, Européens, Nord et Sud-Américains, Asiatiques se retrouvent avec une même volonté de peser sur l’avenir de la planète et de ses habitants et attendent avec le sourire le «pape» Carlo Petrini, fondateur du Slow Food en 1986.

Slow Food, Salon du goût, Salone del Gusto, Carlo Petrini
Photos Slow Food

Un quart de siècle plus tard, difficile de ne pas reconnaître que son intuition était la bonne: il fallait revoir non seulement notre alimentation mais aussi nos modes de production, en promouvant les cultures locales et en défendant la biodiversité. Avec le projet de l’Arche du goût, le mouvement a ainsi déjà sauvegardé 400 «sentinelles» ou «presidia» Slow Food (produits artisanaux), dont 224 en Italie et… aucun en Belgique. Tandis que se sont multipliés les «convivia» et les «communautés de la nourriture». Ces groupes sont aujourd’hui 1600 et 2500 à travers le monde, regroupant 86700 membres actifs dans la propagation, à travers 6000 événements annuels, de la bonne parole Slow Food, celle d’une alimentation «bonne, propre et juste».

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Cette année, le Salon du goût proposait un bar à miels du monde entier…

Slow Food est désormais bien implanté dans 160 pays répartis sur les cinq continents. Comme on pouvait s’en rendre compte en parcourant les allées gourmandes du Marché international, qui présentait des centaines de produits du monde entier. On saute d’un incroyable miel liquide d’abeilles natives du Brésil à un excellent café sauvage d’Ethiopie, avant de découvrir une poutargue mauritanienne ou le siyez, une céréale turque. Et ce sans compter les milliers de producteurs italiens, réunis, eux, dans trois autres immenses pavillons du Lingotto! Bref, par sa démesure, le Salon du goût, qui a attiré quelque 220 000 visiteurs sur 5 jours, donne à voir, à l’oeuvre, une biodiversité vivante.

En prenant la parole face à ses troupes samedi, Carlo Petrini s’est félicité de la fusion, cette année, du Salon du Goût et de la 5e conférence du réseau Terra Madre, jusqu’ici réservée aux délégués Slow Food. Une façon de permettre au grand public d’aller au-delà du simple aspect gourmand – le Salon du Goût restant l’épicerie fine la mieux achalandée d’Europe! – pour prendre conscience, en rencontrant des paysans du Sud ou en assistant à une conférence, de la dimension plus conscientisée du Slow Food…

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Ce changement correspond à une volonté de passer à la vitesse supérieure. Pour Petrini, plus question de réduire le Slow Food au mouvement d’une élite aisée et épicurienne, capable de s’offrir des produits de qualité. Et le charismatique Piémontais de citer Périclès qui, il y a 2400 ans, faisait déjà rimer politique et plaisir. Il a surtout voulu marteler le fait que le mouvement, arrivé à maturité, vit une nouvelle naissance et doit désormais peser de tout son poids dans la politique internationale.

Secrétaire international de Slow Food, Paolo Di Croce rappelait en effet que l’organisation est plus que jamais crédible aux yeux des autorités internationales. La cérémonie d’ouverture de Terra Madre s’est ainsi faite en présence d’un représentant de la FAO, preuve qu’au niveau des Nations unies aussi, on va vers un modèle de développement différent, misant sur l’échelle locale et les petits producteurs. Dans la foulée, le commissaire européen à l’Agriculture, le Roumain Dacian Cioloş, était venu soutenir la philosophie Slow Food, présentant même les sentinelles comme modèles à suivre pour défendre les produits européens. Un mois après la visite à Bruxelles de Carlo Petrini, qui s’est adressé au Parlement européen dans le cadre des renégociations de la PAC.

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Le président Petrini et sa nouvelle vice-présidente Alice Waters

Lundi après-midi, en clôture du Congrès, le président tout juste réélu (il était le seul candidat…) a nommé comme vice-présidente la célèbre chef Alice Waters qui, dès les années 70, pratiquait le Slow Food avant l’heure en Californie. Tandis qu’il s’est donné trois objectifs chiffrés pour les quatre années à venir: mettre en place 10000 jardins en Afrique (cf. ci-dessous), cataloguer 10000 produits de l’Arche du goût afin de les sauvegarder et arriver à 10000 convivia et communautés du goût. Le travail sera difficile, a reconnu Petrini en galvanisant ses troupes, «mais c’est maintenant qu’on va s’amuser!» Le Slow Food 2.0 est lancé et s’apprête déjà à conquérir la Chine!

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1000 jardins en Afrique

Comme preuve de son engagement international, le Slow Food a fortement mis l’accent cette année sur son projet des «1000 jardins en Afrique». Lancé en 2010, celui-ci répondait à une nécessité: pouvoir intervenir plus rapidement en Afrique, la mise en place de communautés de la nourriture ou de sentinelles prenant du temps. Avec ces jardins, Slow Food entend sensibiliser les communautés locales à ses valeurs (manger bon, propre et juste) en leur réapprenant à consommer local, dans des régions où l’on importe quasiment tout, et en les sensibilisant à la richesse de leurs traditions gastronomiques.

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Pour développer ces potagers, le plus souvent installés au sein d’écoles, le Slow Food n’a pas imposé de modèle occidental. Il a identifié des agronomes sur place pour mener à bien les projets, afin que chaque région développe des cultures spécifiques, même si les échanges entre agronomes du Sud et européens sont nombreux. «Je ne veux pas de missionnaires en Afrique», plaide Carlo Petrini, qui a désormais pour objectif de mettre en place 10.000 jardins pour rendre très concrète la question de la souveraineté alimentaire et lutter contre le «land grabbing», l’accaparement des terres par des Etats ou des multinationales.
Parrainés par les convivia internationaux (pour moitié italiens), ces jardins coûtent environ 900€. Ce qui comprend l’aide à la promotion, la cotisation pour participer à Terra Madre ou encore une bourse d’études pour les étudiants souhaitant venir se former à l’Université des sciences gastronomiques de Pollenzo, créée par le Slow Food en 2004.

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