Lundi, l’ambassade du Canada lançait sur le marché belge le sablefish ou charbonnier, poisson pêché en Colombie britannique.

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Sa peau noire et sa chair blanche ont donné au charbonnier son nom impropre de “morue charbonnière”. Le sablefish n’est pas une morue…

Si l’on aborde souvent la gastronomie par l’angle du plaisir et des sens, il s’agit aussi d’un enjeu économique très important. Ce qui explique que les ambassades multiplient les séances de présentation de leurs spécialités nationales. Qu’il s’agisse de soutenir le candidat suédois à la finale européenne du Bocuse d’or, de présenter la richesse insoupçonnée des produits finlandais, de faire découvrir la diversité des vins californiens ou encore de promouvoir un nouveau produit. Comme c’était le cas, lundi, à la résidence de l’ambassadeur du Canada à Bruxelles. Son excellence Louis de Lorimier recevait en effet la presse et une série de professionnels de l’alimentation pour lancer la commercialisation en Belgique du sablefish ou charbonnier, poisson quasiment inconnu chez nous.

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Ce n’est pas la première fois que l’ambassade du Canada cherche à valoriser ses produits de la mer. Depuis des années, elle soutient ainsi, à Bruxelles, en Flandre et désormais en Wallonie, le Festival du homard canadien atlantique, qui se déroulera cette année encore dans une centaine de restaurants. Si une petite “Fête des Mères” (cf. ci-dessous) sera bien organisée pour faire découvrir le charbonnier au grand public, la démarche est d’abord commerciale. L’idée est en effet d’aider à la mise en place d’une filière de distribution en Belgique en sensibilisant d’abord importateurs et restaurateurs.

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La pêche au charbonnier sauvage est très réglementée. Ainsi, on n’utilise pas de filets mais des paniers ou des lignes basses…

Souvent appelé improprement “morue charbonnière” ou “black cod” – il n’est en fait pas de la même famille que le cabillaud –, le sablefish vit en eaux profondes (jusqu’à 2500 mètres de profondeur) dans tout le Pacifique Nord, du Japon à la Colombie Britannique, jusqu’en Basse Californie au Mexique. Aujourd’hui, à côté d’une pisciculture balbutiante, le Canada a mis en place une pêche durable du charbonnier sauvage, réduisant ses prises de 4 000 à 2 300 tonnes annuelles. Depuis 1990, le ministère canadien de la Pêche et des Océans a en effet imposé des quotas aux chalutiers, qui n’utilisent pas de filets mais uniquement des casiers et des hameçons fixés sur des bas de ligne. Ce qui a permis de préserver la ressource mais aussi d’étaler la pêche sur toute l’année. Il y a 2 ans, le charbonnier sauvage s’est ainsi vu décerner le label “MSC” (Marine Stewardship Council), synonyme d’une pêche durable.

En conséquence de la raréfaction du charbonnier sauvage, les prix ont grimpé, faisant de ce poisson un mets de choix. Essentiellement vendu aux Japonais, qui en raffolent. Jusqu’il y a quelques années, le Japon représentait ainsi 100 % des exportations de sablefish canadien, contre 75 % aujourd’hui. Ayant reconstitué leurs stocks (après des années de surpêche), les Japonais ont en effet relancé la pêche dans leur pays. Dès lors, le Canada cherche depuis peu à pénétrer de nouveaux marchés comme les Etats-Unis, la Chine ou le Royaume-Uni. Et désormais la Belgique.

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Il faut dire que le charbonnier a de nombreux atouts pour séduire les chefs. Entre sa capture, son nettoyage et sa congélation sur bateau, il ne se passe en effet qu’une petite demi-heure. De quoi assurer une parfaite fraîcheur. Sans compter que sa chair ferme et grasse (il est riche en huile et oméga-3) se prête à bien des préparations. Lundi à la résidence de l’ambassadeur, Gaëtan Colin, chef étoilé du “Jaloa” le proposait ainsi cru en sashimi, avec une brunoise de légumes croquants et un granité de carotte (photo à gauche).

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Tandis que Benoît Neusy l’utilisait pour revisiter l’aïoli provençal. Mais on adore aussi la façon traditionnelle japonaise de préparer le charbonnier (ci-dessus, à droite, comme préparé au “Tagikawa”): mariné pendant trois jours dans du mirin, de la sauce soja et du saké puis grillé. Sa chair blanche devient ainsi onctueuse comme du beurre ! Une texture et un goût noisette que l’on retrouve également dans ses versions fumées (photo ci-dessous).

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On l’aura compris, poisson rare oblige, c’est sur le créneau du produit de luxe que se fera la commercialisation du charbonnier en Belgique… Si les restaurants japonais sont bien entendus les premiers visés (on sert déjà du sablefish au “Tagikawa” et au “Kabu” à Bruxelles ou au “Tanuki” à Bruges), le Canada espère bien séduire d’autres chefs belges, notamment ceux qui ont participé il y a quelques semaines au festival “Montréal en lumière”. Du côté du distributeur belge “Océan Marée”, on ne tire cependant pas de plans sur la comète. Il faudra d’abord voir si les clients des restaurants accrochent au produit avant de développer sa commercialisation vers les particuliers. A 30 € le kilo brut (comptez 60 € le kilo une fois levé en filets, soit le prix du turbot !), on n’est pas près d’en trouver très rapidement sur les étals des poissonniers…

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Fête des « mères » 

L’ambassade du Canada organise, du 11 au 16 mai, un festival du charbonnier. Un menu spécial sera proposé au “Jaloa”, “Jaloa Brasserie” et “Kabu” à Bruxelles, “D’Oude Pastorie” à Kraainem, “Orange Restaurant” à Nossegem, “Brasserie Bijgaarden” à Grand-Bigard, “L’impératif” à Maisière et “Tanuki” à Bruges.

Le distributeur

Le charbonnier sauvage est distribué en Belgique par “Océan Marée”, qui importe également d’autres produits canadiens de la mer, comme les coquilles Saint-Jacques ou les pinces de King Crab. 

  • 214 quai de l’Industrie 1070 Bruxelles.
    Rens. : www.oceanmaree.be ou 02.523.63.93.