Lundi matin, une semaine exactement après la présentation du guide GaultMillau Bélux 2012, le guide Michelin présentait sa sélection « Bélux » (Belgique-Luxembourg) au salon Horeca Expo, au Flanders Expo à Gand. Sur l’estrade, Charles Van de Peere, directeur commercial cartes et guides Michelin pour l’Europe, vante les qualité des pneus et des cartes de Bibendum. Dans le parterre, peu de journalistes mais beaucoup de chefs. Au premier rang, les meilleurs élèves du guide: Lionel Rigolet (« Comme chez soi »), Peter Goossens (« Hof van Cleve »), Bart De Pooter (« Pastorale »), Sang-Hoon Degeimbre (« L’air du temps »), Geert Van Hecke (« Karmeliet »)… L’ambiance est électrique. On se croirait à la cérémonie de clôture du festival de Cannes, lors de l’annonce du palmarès…

Et M. Van de Peere fait durer le suspense, affirmant que le guide a décidé de récompenser « une jeune génération de chefs ». Il énumère d’abord les nouveaux Bibs gourmands, dont la sélection est connue depuis une dizaine de jours déjà. Les applaudissement pour « El pica pica » ou « Le bistrot d’en face » à Liège ou encore pour « La table du boucher » à Mons sont polis…

Au moment d’énumérer les nouveaux étoilés, la tension monte d’un cran… On s’étonne de découvrir tout d’abord le « Kommilfoo » à Anvers qui, il y a deux ans encore, peinait à se départir des excès de la cuisine moléculaire. D’autres apparaissent plus logiques, comme le « Jaloa » de Gaëtan Colin à Bruxelles, qui fait beaucoup parler de lui depuis son déménagement, ou le « Kasteel Withof » à Brasschaat, qui récupère son macaron perdu il y a deux ans. Tandis que l’on découvre quantité de nouveaux restos plus ou moins inconnus jusque-là. Ce qui prouve en tout cas la vigueur de la gastronomie flamande: « JER » à Hasselt », « De tuinkamer » à Beerzel, « Innesto » au Domein De Barrière à Houthalen, du jeune chef Koen Verjans (passé par les cuisines du « ‘t Zilte » ou du « Clos Saint-Denis »), « T’en Boogaarten » à Koksijde, « Boury » à Roesaelare, « Centpourcent » à Malines, « De Mijlpaal » à Tongres et « Benoît en Bernard Dewitte » à Zingem.

« D’Eugénie à Emilie », seul nouvel étoilé wallon, à Mons (photo A.Delforge)

Si la Flandre connaît une incroyable vitalité, la Wallonie doit, elle, se contenter d’un seul nouvel étoilé, « D’Eugénie à Émilie » à Baudour près de Mons. Tandis qu’elle en perd deux: « L’hostellerie du Postay » d’Anthony Delasse (fermée) et « Au gastronome » à Paliseul. Werner Loens, rédacteur en chef du guide Michelin Bélux (qu’on ne peut filmer ou prendre en photo pour conserver son anonymat), est un peu gêné aux entournures. « Je pense qu’il s’agit surtout de données économiques. Il y a plus de restos qui s’ouvrent en Flandre qu’en Wallonie. Mais je tiens à préciser que nous avons une belle sélection de Bibs gourmands en provinces de Liège et du Luxembourg. La Wallonie n’est pas en reste au niveau des jeunes chefs. Et puis Degeimbre travaille beaucoup et on continue à le suivre. Ce n’est pas une différence culturelle… On aime autant bien manger en Wallonie. Aujourd’hui, il y a cependant plus de restaurateurs qui ouvrent et qui osent en Flandre. Mais pour cela, il faut avoir la clientèle. Les chefs wallons ont une clientèle plus établie, sans doute moins à la recherche de nouveauté. On est heureux en tout cas d’avoir pu mettre une étoile à Eric Fernez. Il pratique à Baudour une belle cuisine classique, tout en cocottes… » Voilà qui tranche en effet avec la plupart des restaurants récompensés cette année.

Pascal Devalkeneer décroche un second macaron dans sa belle maison uccloise.

Au moment d’énoncer les promus au rang deux étoiles, la tension est palpable. Sans surprise, malgré son déménagement de Mol à Anvers, « ‘t Zilte » conserve sa notation. Mais la Belgique compte désormais deux nouveaux deux étoiles. Si l’ascension du jeune Brugeois Filip Claeys est très rapide au « De Jonkman » (qui décrochait son premier macaron au Michelin 2010) est fulgurante, Pascal Devalkeneer a pris son temps. Son « Chalet de la forêt », belle maison uccloise, gagne enfin sa deuxième étoile. « C’est une table en évolution constante, proposant une cuisine qui a su faire table rase du moléculaire et qui a su évoluer avec son propre style », commente Werner Loens.

A l’image de Devalkeneer, la nouvelle garde mise en avant par le Michelin mise clairement sur la technique et la modernité. « L’inspecteur du Michelin aime tous les styles, à partir du moment où il y a travail et constance, précise M. Loens. Il s’agit d’un homme passionné, toujours à la recherche de nouvelles bonnes tables… On constate des évolutions. Les nouveaux étoilés sont de jeunes chefs qui ont su tirer de la cuisine moléculaire des techniques et qui ont ensuite fait le tri. Le moléculaire est terminé mais il a apporté une nouvelle génération de produits et d’outils. Et cela se remarque dans la sélection des étoilés et des Bibs gourmands. »

Si le 3 étoiles Peter Goossens (à dr.) n’avait aucune pression sur les épaules, le 2 étoiles Bart De Pooter (à g.) a pu rêver d’un 3e macaron quelques minutes avant l’annonce du palmarès…

Sur la scène du Flanders Expo, Charles Van de Peere fait durer le suspense. La tension est à son comble. Y aura-t-il ou non un nouveau trois étoiles belge, ce qui n’était plus arrivé depuis Peter Goossens en 2005? Voire plusieurs? Sur leur siège, Rigolet, De Pooter et Degeimbre retiennent leur souffle… Quand le nom est enfin lâché, explosion dans l’assistance et cris de joie sincère. Les jeunes Gert De Mangeleer (chef) et Joachim Boudens (son associé) exultent! Leur « Hertog Jan », à Bruges, décrochent la récompense suprême, deux ans seulement après avoir décroché la seconde étoile!

« Il s’agit d’une décision collégiale, explique le rédacteur en chef du Michelin Bélux. Des dossiers comme celui du « Hertog Jan » sont suivi par nos collègues à l’international. Des Anglais et des Allemands sont venus pour confirmer ce qu’on pensait déjà. Comme c’est le cas pour tous les deux et trois étoiles, où interviennent les enquêteurs les plus expérimentés, avec au moins 15 ans d’expérience. Je vais par exemple chaque année à Hong Kong… » Et M. Loens ne tarit pas d’éloge sur ce resto placé au firmament de la gastroomie belge. « C’est une équipe très constante, avec une griffe très forte. Il y a beaucoup de jeux sur les textures mais en travaillant des produits du terroir. Le jeune chef Gert De Mangeleer cultive ainsi son propre jardin. Il propose par exemple des navets ou des légumes oubliés traités avec beaucoup d’imagination et beaucoup de personnalité. »

Gert De Mangeleer et Joachim Boudens explosent de joie à l’annonce de leur 3e étoile…

Conséquence de la montée en puissance de « De Jonkman » et du « Hertog Jan » (qui rejoint son voisin « De Karmeliet » de Geert Van Hecke à trois étoiles), Bruges devient la seconde ville la plus étoilée de Belgique, avec 13 macarons en 2012. Juste derrière Bruxelles et ses 19 étoiles, mais désormais devant Anvers et ses 10 étoiles. En tout cas, cette édition 2012 confirme la mainmise de la Flandre sur la gastronomie belge avec quelque 80 étoiles, contre 48 pour Bruxelles et la Wallonie…

Gert De Mangeleer et Joachim Boudens, un duo jeune au sommet de la gastronomie belge…

Le Palmarès en Belgique

Si l’on récapitule, la Belgique compte donc dans cette édition 2012:

Nouveaux en rouge

3 trois étoiles (+1)

• « Hertog Jan » (Bruges-Sint-Michiels)
• « Hof van Cleve » (Kruishoutem)
  • L’émotion à l’état pur par Peter Goossens
• « De Karmeliet » (Bruges)

15 deux étoiles (+1)

• « Aan tafel bij Luc Bellings » à Hasselt
• « L’air du temps » (Noville-sur-Méhaigne)
  • Interview avec Sang-Hoon Degeimbre sur la cuisine moléculaire
• « Le chalet de la forêt » (Bruxelles)
• « Château du Mylord » (Ellezelles)
• « Comme chez soi » (Bruxelles)
• « Danny Horseele » (Bruges)
• « L’eau vive » (Profondeville-Arbre)
• « Hostellerie Le Fox » (La Panne)
• « Hostellerie St-Nicolas » (Elverdingue)
• « De Jonkman » (Bruges-Sint-Kruis)
• Repas à six mains avec Filip Claeys du « Jonkman » et Kobe Desramaults du « In de wulf »
• « Nuance » à Duffel
• « Pastorale » (Reet)
  • La cuisine personnelle et moderne de Bart De Pooter
• « Sea Grill Yves Mattagne » (Bruxelles)
• « Slagmolen » (Opgkabeek)
• « ‘t Zilte » (Anvers) garde ses deux étoiles après son déménagement

89 une étoile (+1)

Bruxelles et environs (13/=)

• Bruxelles: « Alexandre », « Jaloa », « La truffe noire »
  • Notre passage chez Alexandre Dionisio
• Anderlecht: « La Paix »
• Ganshoren: « Bruneau », « San Daniele »
• Ixelles: « Kamo »
• Schaerbeek: « Senza Nome »
• Uccle: « Le Passage »
• Wolluwe-St-Pierre: « Bon-Bon ».
• Grand-Bigard: « Michel »
• Huizingen: « Terborght »
• Strombeek-Bever: « ‘t Stoveke »

Wallonie (23/-1)

• Barvaux: « Le Cor de Chasse
• Beaumont: « Hostellerie Le Prieuré Saint-Géry » (Solre-St-Géry)
• Blaregnies: « Les gourmands »
• Braine-l’Alleud: « Jacques Marit »
• Chapelle-lez-Herlaimont: « Pouic-Pouic »
• Charleroi: « L’éveil des sens » (Montigny-le-Tilleul)
  • Nous y avons fait l’un des meilleurs repas de l’année…
• Dinant: « Hostellerie Gilain » (Sorinnes)
• Fauvillers: « Le château de Strainchamps »
• Heure: « Le Fou est belge »
• Huy: « Li cwerneu »
• Lavaux-Sainte-Anne: « Lemonnier »
• Liège: « Héliport »
• Mons: « D’Eugénie à Emilie » (Baudour)
  
• Namur: « Cuisinémoi », « La Bergerie » (Lives-sur-Meuse), « L’essentiel » (Temploux)
• Noirefontaine: « Auberge du Moulin hideux »
• Paliseul: « La table de Maxime »
• Pepinster: Hostellerie Lafarque
  
• Perwez: « La Frairie »
• Saint-Vith: « Zur Post »
• Soheit-Tinlot: « Le coq aux champs »
  • La cuisine rustico-moderne de Christophe Pauly
• Virton: « L’auberge de la grappe d’or » (Torgny)

Flandre (53/+4)

• Alost: « ‘t Overhamme »
• Anvers: « Bij Lam & Yin », « Dôme », « ’t Fornuis », « Het Gebaar », « Kasteel Withof » (Brasschaat), « Kommilfoo », « De Schone van Boskoop » (Boechout), « De Koopvaardij » (Starbroek)
  • La subtile subtilité de Julien Burlat au « Dôme »
  • Une cuisine moléculaire dépassée au « Kommilfoo »…
• Beerzel: « De Tuinkamer »
• Berlare: « Het Land », « Lijsterbes » (aux étangs de Donk)
• Blankenberge: « Philippe Nuyens »
• Bornem: « Eyckerhof »
• Bruges: « Den Gouden Harynck », « Aneth », « Sans Cravate », « Herborist » (Sint-Andries), « Ter Leepe » (Zeldegem)
• Deerlijk: « Marcus »
• Dendermonde: « ‘t Truffeltje« 
• Dilsen: « Hostellerie Vivendum »
• Dranouter: « In de Wulf »
  • Repas à six mains avec Kobe Desramaults du « In de wulf » et avec Filip Claeys du « Jonkman »
• Elewijt: « Kasteel Diependael »
• Une petite déception, selon nous…
• Gand: « Jan Van den Bon »
• Haaltert: « Apriori »
• Hasselt: « JER »
• Houthalen: « Innesto – Domein De Barrier »
  
• Hulshout: « Hof ter Hulst »
• Izegem: « La durée »
• Kastterlee: « De Pastorie » (Lichtaart)
• Knokke: « Bartholomeus » (Hesit), « Jardin Tropical » (Albertstrand), « De Oosthoek » (Het Zoute), « Sel Gris » (Duinbergen)
• Koksijde: « Ten Bogaerde »
  
• Kruishoutem: « ’t Huis van Lede » (Wannegem-Lede)
• Louvain (Heverlee): « Arenberg », « Couvert couvert »
• Malines: « Centpourcent » (Sint-Katelijne-Waver), « D’Hoogh », « Folliez »
• Ninove: « Hof ter Eycken »
• Reninge: « ’t Convent »
• Roeselare: « Boury »
• Sint-Martens-Bodegem: « Bistro Margaux »
• Sint-Martens-Latem: « Orangerie » (Deurle)
• Haasdonk: « Clandestino » (garde son étoile après son déménagement)
• Tongres: « De Mijpal », « Magis »
• Vrasene: « Herbert Robbrecht »
• Zingem: « Benoit en Bernard Dewitte » (Ouwegem)
• Zolder: « Prêt-à-goûter » (Bolderberg)

7 restaurants perdent leur étoile

• Anvers: « La luna »
• Gand: « C. Jean » (le chef a changé)
• Keerbergen: « The Paddock »
• Paliseul: « Au gastronome »
• Pepeinster: « Hostellerie du Postay » (fermé)
• Sint-Amands: « ‘t Ebdiep »
• Waregem: « ‘t Oude Konintje »

Le Palmarès au Luxembourg

Côté luxembourgeois, l’édition 2011 ne réserve aucune surprise. Si ce n’est l’arrivée d’un nouvel établissement étoilé, « La distillerie », installée au sein du chateau de Bourglinster, qui possède également un joli 18/20 au GaultMillau 2012. Et c’est tout. Le guide ne compte en effet même pas un nouveau Bib Gourmand… A Dudelange, « Parc Le’h » perd par contre le sien…

1 deux étoiles

• « Mosconi » (Luxembourg/Grund)

10 une étoile (-1)

• Bourglinster: « La distillerie »
• Esch-sur-Alzette: « Favaro »
  
• Frisange: « Lea Linster »
• Gaichel: « La Gaichel »
• Luxembourg: « Clairefontaine », « Le bouquet garni », « Le Sud » (Clausen), « Patin d’or » (Kockelscheuer)
• Mondorf-les-Bains: « Les roses »
• Oetrange: « Ma langue sourit »
• Schouweiler: « Toit pour toi »

Deux restos perden une étoile

• Esch-sur-Alzette: « Influences des saveurs » (fermé)
• Clervaux: « Manoir Kasselslay » (Roder)
  

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