Un « Momento » spécial lenteur… Qu’imaginer pour les pages Papilles ? Parler du mouvement Slow Food ? Déjà fait le 10 septembre dernier, à l’occasion de la semaine “Goûter Bruxelles”. Restent les plats mijotés. Et pourquoi pas, enfin, s’essayer au fameux gigot de sept heures, plat mythique qui demande plus de patience que réellement de travail.

gifot d'agneau,agneau de 7 heures

Se lancer dans une telle aventure demande un peu de préparation. Il s’agira d’abord de trouver un bon gigot. Vendredi matin, on appelle donc une boucherie de confiance (voir ci-dessous) pour commander un gigot, que l’on fait désosser et recoudre, en demandant bien au boucher qu’il replace l’os à l’intérieur. Lequel est censé apporter du goût à la viande. Mais on aurait également pu demander le gigot entièrement désossé. Mais c’est moins joli, n’est-ce pas ? Fin de journée, il faut passer prendre la commande. Première déconvenue, le boucher a oublié de préparer les os et les parures d’agneau. Le samedi matin, impossible d’en trouver. On les troquera donc contre du ragoût d’agneau, nettement plus onéreux mais qui donnera du goût au bouillon et que l’on pourra également manger !

Une fois les courses faites, reste à mettre au point la recette. Première surprise, impossible d’en trouver une dans les ouvrages de références. “Le grand Larousse de la gastronomie” évoque le gigot de 7 heures à l’entrée “gigot”, renvoyant à “agneau”. Mais là, rien… Rien chez Bocuse non plus, ni chez Robuchon, ni dans “Le petit Larousse de la cuisine” ou chez Escoffier. On poursuit l’investigation sur Internet. En tapant “gigot d’agneau de 7 heures” dans Google, on obtient 71 300 résultats. Nous voilà rassurés ! Pêle-mêle, on apprend qu’il s’agit d’un plat paysan, qui pouvait cuire dans le four à pain s’éteignant ou toute la nuit dans la cheminée. On réservait cette cuisson très longue et à température peu élevée à des pièces de viande un peu dures. Autrement dit, il s’agissait sans doute à l’origine de mouton plutôt que d’agneau. Plus ou moins formalisé, le plat semble être d’origine auvergnate (même si le Bordelais et le Lyonnais le revendiquent aussi). On en trouve en effet la première mention écrite en 1830 dans “Le cuisinier Durand” de Charles Durand (1766-1864), sous le nom d’agneau “à la brayaude” (synonyme d’Auvergnat), mijoté longuement avec des pommes de terre.

gifot d'agneau,agneau de 7 heures

Ce tour d’horizon amène à se poser une question : cette cuisson longue traditionnelle, chargée de dissimuler le goût fort d’un vieux mouton, est-elle encore adaptée à ce jeune agneau qui attend dans le frigo ? Tout dépend du résultat souhaité. On jouera sur deux paramètres : le temps de cuisson et la température. Certains cuisent le gigot de 5 h à 7 h entre 120 et 180°C pour obtenir un “gigot à la cuillère”, dont la chair sera totalement confite, mais dont le goût de la viande sera atténué. On conseille même alors, pour pouvoir sortir le gigot de sa cocotte sans qu’il se délite, de le cuire ficelé dans un torchon. On opte finalement pour une version basse température (à env. 85°C pendant 6 h) pour conserver la saveur et la tenue de l’agneau.

Dimanche en fin de matinée, il est temps d’attaquer les préparatifs si l’on veut enfourner le gigot vers 13 h 30 et enfin le déguster vers 20 h. Une fois la cocotte lutée (fermée hermétiquement à l’aide d’une pâte faite de farine et d’eau) et prête à enfourner, reste une épreuve, celle de la confiance en son four ! Pour se rassurer, on sort de son tiroir la sonde thermique. Ouf, la température à l’intérieur du four sera restée plus ou moins stable, oscillant gentiment entre 80 et 89°C durant les 6 heures de cuisson…

gifot d'agneau,agneau de 7 heures

Tout le temps pour réfléchir aux accompagnements du gigot. Habituellement, on le sert avec une purée, un gratin dauphinois ou un gratin de côtes de bettes. On opte pour une purée de pommes de terre à l’ail confit piquée à Robuchon (mais légèrement allégée en réduisant la dose de beurre) et pour des navets parés. Au bout de 6 heures, roulement de tambour : on peut enfin, non sans une certaine appréhension, délivrer la viande de sa casserole. Elle est restée très juteuse, tandis que les légumes sont al dente et le goûteux jus ne s’est pas évaporé puisque la température n’aura jamais atteint les 100°C.

Le lendemain, on mange le ragoût, les carottes et les oignons qui avaient cuits avec le gigot. Et on récupère le reste de bouillon, qui a pris un bon petit goût d’agneau pour le mettre au congélateur. On s’en servira pour une prochaine recette…

gifot d'agneau,agneau de 7 heures


Piquer le gigot ou non?

  • Dans les recettes classiques, on recommande toujours de piquer un gigot ou un rôti avec des éclats d’ail. Une pratique inutile car donnant un mauvais goût aux chairs en contact avec l’ail. Pour éviter cela, on préférera frotter la viande avec de l’ail et la cuire avec des gousses en chemise, à déguster fondantes ensuite.

Une boucherie

  • « La moutonnerie » est une excellente boucherie, avec encore un vrai boucher derrière le comptoir, où l’on trouve une viande d’excellente qualité. Côté gigot, c’est de l’agneau irlandais de moins de 6 mois.
    La moutonnerie. 69 rue Xavier De Bue 1180 Bruxelles.
    Tél. : 02.347.69.00.