Avec PPP, Olivier Baussan se recentre sur sa Provence et propose notamment de redécouvrir le fruité noir, une huile d’olive à l’ancienne. Une huile un peu plus « grasse », avec moins de fraîcheur, mais intéressante dans des préparations chaudes. Et, surtout, parce qu’elle fait partie du patrimoine culinaire méditerranéen…

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En 2007, suite à un différend familial, Olivier Baussan quittait Oliviers & Co, son bébé. Mais pour ce Provençal (L’Occitane, c’est lui aussi), une rupture définitive avec l’huile d’olive était impensable. L’année suivante, en créant Première Pression Provence (PPP), il choisissait de se recentrer sur sa région pour mettre en valeur les huiles provençales, moins répandues que les huiles italiennes ou espagnoles.

 

Recentrage sur la Provence

“En 1956, il y a eu un grand gel en Méditerranée. En Provence, de 8 millions d’oliviers, on est passé à 800.000 et, progressivement, les paysans ont oublié leur savoir-faire. C’est différent en Espagne ou en Italie, on a arraché et replanté massivement et où l’on a développé une autre culture de l’olive, autour de quatre variétés principalest. Pendant ce temps, en Provence, il ne s’est rien passé. De 1956 aux années 1990, il n’y avait plus que quelques olivettes familiales”, explique Olivier Baussan (photo) dans la petite dernière des boutiques PPP, installée au cœur du Marais parisien, dans la très agréable rue du Roi de Sicile.

OLIVIER_BAUSSAN_CMJN[1].jpgMais ce laisser-aller peut aussi être vu aujourd’hui comme une richesse. “En Provence, on compte beaucoup de variétés d’olives différentes. On commence seulement à faire le travail mais plus de cinquante variétés ont déjà été répertoriées grâce à des analyses ADN, contre quatre ou cinq en Espagne. C’est donc évidemment la promesse de goûts différents; comme pour la vigne, le terroir joue aussi son rôle.”

Rares, produites sur des terrains escarpés, délimités par des petits murets de pierre où le travail s’effectue quasi obligatoirement à la main, les huiles d’olives provençales sont évidemment très artisanales et donc assez chères. Ce qui explique qu’elles étaient peu présentes dans l’assortiment d’Oliviers & Co. En visant clairement le haut de gamme – les petits bidons de 250 ml au beau packaging sont vendus 7-8€ –, PPP se donne pour mission de remettre en valeur cette tradition ancestrale sans chercher à reproduire le modèle, clairement tourné vers l’expansion, d’O&Co. L’ambition ? Une douzaine de magasins et une boutique en ligne. Pas plus, afin que les producteurs puissent suivre…

 

Trois fruités différents

Au menu donc, 32 producteurs locaux pour une gamme de 34 huiles différentes, réparties en trois “fruités”. Au-delà des désormais classiques fruités verts, PPP propose en effet des fruités noirs. “Selon la tradition ancienne, les olives étaient cueillies noires sur l’arbre et stockées pendant quelques jours avant d’être pressées à la meule”, explique Olivier Baussan. Tout l’inverse des huiles que l’on trouve aujourd’hui sur le marché. “Dans les années 90, l’Union européenne a soutenu le développement des oliviers. On a beaucoup replanté et, suivant la mode italienne, on s’est mis à fabriquer des fruités verts.” C’est-à-dire des huiles obtenues à partir d’olives cueillies vertes et pressées immédiatement. Le troisième type d’huile, le fruité mûr, est obtenu, lui, après pressage d’olives cueillies mûres mais sans temps de repos, sans déclenchement de la fermentation.

Olivier%20Pennel%20-%20Fontvieille%2013%20207.18[1].jpgParmi les producteurs qui fournissent leur fruité noir à Olivier Baussan, Olivier Pénel ne transige pas. Il préfère ainsi renoncer à l’AOC, qu’il juge hygiéniste (limitant à quatre jours le temps de stockage des olives avant pressage), pour fabriquer sa propre huile d’olive. Installé aux Baux-de-Provence, le bonhomme est également viticulteur et son huile comme son vin lui ressemblent, sans concession, droits comme des I. “Il existe une tradition gastronomique en France, avec des goûts différents, qui fait qu’un cassoulet de Carcassonne n’est pas un cassoulet de Castelnaudary. Il s’agit du témoignage du goût du XIXe siècle. Pour moi, c’est pareil, je veux que mon huile soit le témoignage d’une époque, que l’on sache d’où l’on vient”, s’enflamme le baron d’Auge !

 

Défense et illustration du Fruité noir

Fin de l’année dernière, pour faire découvrir les spécificités du fruité noir à la presse, Olivier Baussan avait en effet invité à Paris quelques producteurs provençaux mais aussi Françoise Pouget, “catador” (sorte d’œnologue des huiles d’olive) et expert auprès du Conseil oléicole international. Sa formation en Andalousie l’avait poussée à rejeter presque automatiquement les fruités noirs, huiles jugées défectueuses, au profit des fruités verts, qui représentent désormais 99 % de la production. Aujourd’hui, elle a pourtant viré sa cuti !

OLIVIERPENEL.jpgElle explique ainsi la naissance du fruité vert en Italie, suite à la mise au point de d’un procécdé technique qui permet une production continue d’huile d’olive. Avant cela, on laissait reposer les olives afin que la fermentation se déclenche et rende l’écrasage plus facile. “On obtenait alors une huile douce, sans amertume, sans ardence”, explique-t-elle. “Mais l’Union européenne a aboli la fermentation et a imposé un triturage dans les 24 ou 48 heures…” En effet, le fruité vert, l’huile que l’on connaît aujourd’hui, n’existait tout simplement pas avant les années 1975-80 !

“A partir des années 80, on a vécu une véritable révolution mondiale. Du Japon aux Etats-Unis, on s’est mis à consommer de l’huile d’olive en mettant en avant l’élément santé, le régime crétois. D’une certaine manière, de simp
le gras, comme le beurre dans le Nord, l’huile d’olive est devenue un produit de luxe; d’un corps gras, elle est devenue un jus de fruit frais!”
, explique Mme Pouget. Sauf que ces analyses sur le fameux régime crétois mis en avant par le marketing n’ont pas été faites sur une population qui consommait du fruité vert mais bien noir… “Aujourd’hui, 90 % de la production de fruité vert est quasiment industrielle. Pourtant, on continue à vendre la fraîcheur, la santé, la pureté quasi virginale !”

Ceci dit, il ne s’agit pas d’opposer à tout prix fruité vert et fruité noir, simplement de préserver un patrimoine, une huile qui fut autrefois la seule connue sur tout le pourtour méditerranéen et donc à la base des plats traditionnels. “Car le fruité noir fait partie du patrimoine culinaire français”, plaide Françoise Pouget. Ainsi, si l’on veut retrouver le goût d’une bouillabaisse d’autrefois, l’utilisation du fruité noir s’impose, même si, sur une salade, on préférera sans doute la fraîcheur d’un fruité vert. L’important, c’est d’avoir le choix et de ne pas tomber dans l’uniformisation du goût…

 

Fruité, kézako?

  • “On appelle fruité l’ensemble des caractéristiques gustatives d’une huile d’olive”, selon la définition de l’Association française interprofessionnelle de l’olive. Un goût influencé non seulement par la variété des olives, le climat ou le terroir mais aussi par le choix de l’homme lors de la récolte et du pressage.

Envie de goûter le fruité noir?

Première Pression Provence possède déjà trois boutiques à Paris:

  • 3 rue Antoine Vollon 75012 Paris (M°Ledru-Rollin).
    Tél.: 00.33.1.53.33.03.59.
    Ouvert du mardi au vendredi de 11h à 14h30 et de 15h30 à 19h. Le samedi de 10h30 à 19h et le dimanche de 10h à 14h.
  • 9 rue des Martyrs 75009 Paris (M° Notre-Dame de Lorette)
    Tél.: 00.33.1.48.78.86.51.
    Ouvert du mardi au vendredi de 10h30 à 14h30 et de 15h30 à 20h. Le samedi de 10h30 à 20h et le dimanche de 10h à 14h.
  • 37 rue du Roi de Sicile 75004 Paris (M° St Paul ou Hôtel de Ville).
    Tél.: 00.33.1.49.96.55.40.
    Ouvert du mardi au dimanche de 12h30 à 20h.

Pour ceux qui ne sont pas de passage à Paris, le site de PPP propose une boutique en ligne avec toute la gamme des huiles, ainsi que des infos, un blog avec des recettes et des news…

  • http://ppprovence.com.
    Livraison en France : express 17,56 €-normale 6,70 €. En Belgique : 43,41 € et 26,50 €.

De passage en Provence?

  • En sa Provence natale, Olivier Baussan a mis sur pied en 2006 l’Ecomusée de Volx, un musée consacré à la culture de l’huile d’olive en Méditerranée.
    Ancienne route de Forcalquier 04130 Volx.
    Rens. :
    www.ecomusee-olivier.com.

Envie de goûter les huiles et le vin d’Olivier Penel?

  • Olivier Penel n’est pas seulement un producteur de Fruité Noir, il est également viticulteur. le Domaine d’Auge fournit notamment l’excellent rosé “L’Arcanelle”.
    Auge 13990 Fontvielle.
    Rens.: +33.4.90.54.62.95 ou www.olivierdauge.fr.