Le comptoir.jpgMarre des restos guindés, des adresses tendances ? Rien de plus chic désormais que d’aller au bistrot… S’il en manque cruellement à Bruxelles (où l’on reste fidèle aux brasseries), les bistrots font partie intégrante de la vie gourmande parisienne. Et ce depuis un petit temps déjà…

D’après la légende, bistrot vient en effet du mot russe “bistro”, qui signifie “vite”. Cet apport au français remonterait à l’occupation russe de Paris au XIXe siècle. Les soldats russes n’ayant pas le droit de boire, il étaient pressés et s’écriaient « bistro !”. L’explication est séduisante mais guère convaincante pour le lexicographe Alain Rey, à la tête du “Petit Robert”. Selon lui, il faut plutôt chercher une étymologie régionale au mot, qu’il rapproche de “bistroquet” ou “bistraud” qui, à l’origine, désignaient un domestique puis le domestique du marchand de vin et ensuite le marchand de vin lui-même. Début XXe, il finira par désigner l’établissement où on sert du vin.

Quoi qu’il en soit, pour accompagner le petit verre de blanc ou le ballon de rouge, le bistrot a rapidement proposé de quoi casser la croûte. Soit des plats simples, populaires et pas chers. Et comment ne pas parler de la cuisine canaille lorsque l’on parle de cuisine de bistrot. Soit une cuisine intimement liée aux produits tripiers mais aussi une cuisine conviviale et goûteuse à partager entre copains. Au menu, il y aura donc boudin, tripes, pieds et paquets, rognons, andouillette, cervelle, pâtés, terrines… On fera la fête aux produits “pauvres” ou plutôt populaires même si les ris de veau, plus chics, font souvent aussi partie du menu. Chez nous, le stoemp et les moules-frites s’ajouteront à la liste.

 

Le renouveau du bistrot

Aujourd’hui, les troquets populaires existent toujours mais le bistrot connaît depuis quelques années déjà une seconde jeunesse, au point de devenir carrément tendance si l’on en juge par le nombre de publications sur le sujet et par les foules qui se pressent pour aller s’encanailler dans les bistrots parisiens modernes. Ce renouveau du bistrot, on le doit en grande partie à un homme, Yves Camdeborde (photo).

Camdeborde.jpgAprès avoir fait ses classes dans de belles maisons (“La Tour d’argent”, le Ritz, le Crillon…) et avoir baigné au cœur de la grande gastronomie française, ce Béarnais monté à Paris (et urbain jusqu’au bout des ongles) décide de voler de ses propres ailes en revenant à ses origines terriennes – ses grands-parents tenaient une auberge et ses parents une charcuterie. Pour ce faire, à 26 ans, il ouvre en 1992, aux confins du XIVe arrondissement, “La régalade”, un bistrot revisité qui connaît rapidement le succès grâce notamment à un article élogieux de François Simon dans “Le Figaro”. Le bistrot ne désemplira plus et fera des petits – son second, le Basque Stéphane Jégo, s’en est allé par exemple ouvrir le formidable “Ami Jean” dans le VIIe…

Depuis, Camdeborde a revendu sa “Régalade” pour se lancer en 2004 dans une nouvelle aventure : appliquer les mêmes principes d’accueil et de convivialité dans une petite pension (quatre étoiles quand même) : “Le Relais St-Germain”. Et là, en plein Carrefour de l’Odéon, il n’est pas rare de devoir faire la file pour trouver une table à son “Comptoir”. Le midi, il continue d’y pratiquer une cuisine de bistrot, tandis que le soir, il propose son menu 5 services gastronomique…

 

Du canaille ou néo-canaille

Une évolution que l’on remarque plus globalement. Les produits canailles ont en effet  aussi séduit les grands chefs comme Joël Robuchon, qui sert de la tête de cochon. Ancien chef de Camdeborde au Ritz et au Crillon, Christian Constant s’est lancé à son tour dans l’aventure des bistrots, comme bien d’autres chefs qui n’hésitent pas à élargir leur public par de nouvelles adresses plus accessibles. Du canaille, on passe donc rapidement au “néo-canaille”, plus sophistiqué et moins abordable. Mais la haute gastronomie a un prix et s’éloigne malheureusement des origines populaires du bistrot…

Mais le succès est toujours au rendez-vous, à tel point que Camdeborde, pape de cette tendance bistrot, est aussi connu et a autant d’influence qu’un grand chef étoilé: il publie des livres, est invité un peu partout (récemment à Bruxelles lors d’un week-end Fooding). Il aura su imposer sa personnalité, parfaitement en phase avec un retour aux “vraies valeurs”, celle de la terre et des bons produits. Plats simples mais savoureux, produits de qualité, service efficace et ambiance sympathique, il n’en faut pas plus pour satisfaire les nouveaux urbains…

 

Simplement Bistrot.jpgEnvie de lecture?

Yves Camdeborde vient de publier le très gourmand “Simplement bistrot” chez Michel Lafon, où il retrace son parcours et propose une série de recettes ultra simples et souvent alléchantes (192 pp., env. 25 €).