4e284e7de3e724a6cceb0392ee3508d8.jpgDécidément, c’est presque devenu une mode. Après le coup d’éclat d’Alain Senderens qui, en 2006, transformait son resto gastronomique parisien, le « Lucas Carton », en une brasserie chic, simplement nommée « Senderens », renonçant au passage à ses trois étoiles Michelin; après le renoncement d’Antoine Westerman à son troisième macaron cette année – parce qu’il cède son célèbre « Buerehiesel » de Strasbourg à son fils Eric, qui a pris la décision de revoir ses prix à la baisse -, c’est au tour d’un nouveau chef, Philippe Gaertner (en photo), de décider de dire au revoir à sa bonne étoile. Il y a quelques années, Roland Debuyst avait fait de même à Nossegem, transformant son « Orangerie » étoilé en « Orange », un restaurant plus fashion que gastronomique, même si la cuisine reste de haut niveau.

En avril dernier, Philippe Gaertner a annoncé avoir renoncé à son étoile pour son restaurant « Aux Armes de France » à Ammerschwihr, toujours en Alsace. Le motif avancé par le restaurateur est simple: ce macaron n’est plus rentable. « Tenir son rang d’étoilé nécessite des investissements, et par conséquent des moyens qu’on ne peut réunir qu’avec un apport de clientèle suffisant. Or, depuis quelques années, nous assistons à une lente érosion de notre clientèle, qu’elle soit touristique, d’affaires ou familiale. Parallèlement, nos charges ne cessent d’augmenter et les réductions promises sont régulièrement différées. Ce macaron, dont nous sommes fiers, ne semble plus exercer la même attraction », a-t-il indiqué dans un communiqué. Une sacrée remise en question de la toute puissance du célèbre guide rouge… « Il y aura dorénavant plus de place pour les produits régionaux et plus de références aux recettes du terroir. Le prix moyen du couvert, vin compris, oscillera dans une fourchette de 40 à 50 € au lieu de 90 à 100 € actuellement. » Loin d’être seul dans son cas, le chef a reçu le soutien de nombreux de ses collègues étoilés, comme Fernand Mischler du « Cheval Blanc » à Lembach ou Marc Haeberlin de « L’Auberge de l’Ill » à Illhaeusern.

Mercredi, le chef alsacien revenait sur cette décision dans une interview accordée au site professionnel lhotellerie.fr. Philippe Gaertner remarque simplement que l’étoile Michelin a aujourd’hui perdu de sa superbe… « À l’été 2003, nous avons monté une terrasse d’été à côté de l’établissement. La carte était différente du restaurant gastronomique, avec des plats simples, plus en adéquation avec la saison estivale, et cela a tout de suite fonctionné. Pendant ce temps-là, la fréquentation du restaurant gastronomique enregistrait une tendance à la baisse. Il était difficile de continuer ainsi sans se remettre en question : c’est donc ce que j’ai fini par faire en renonçant à l’étoile du Michelin. »

9242c15faf969b0ef237050765b188de.jpgLe chef ne cherche cependant pas à remettre en cause la crédibilité du guide. « L’auréole du guide reste intacte, et ma décision n’est pas une fronde menée contre le Michelin. Je le respecte et je respecte mes collègues cuisiniers qui nourrissent tant d’espoir dans l’obtention ou la conservation d’une étoile. Cependant, pour une large partie de la clientèle, la gastronomie étoilée est souvent synonyme de cuisine inaccessible. En Alsace, nous concentrons le plus grand nombre d’établissements distingués. Or, depuis 3 ans, la fréquentation est en baisse. Maintenir le niveau de qualité exigé par le guide, subir l’augmentation des charges sans avoir la fréquentation suffisante, c’était devenu impossible pour les Armes de France. »

Finalement, Gaertner est heureux d’avoir pris cette décision. « Je suis soulagé. Ce n’était pas facile car l’établissement est étoilé depuis 1938, ce qui fait un bail de 67 ans ! Il a même obtenu un 2e macaron entre 1953 et 1989. Aujourd’hui, les clients nous soutiennent et apprécient toujours notre cuisine. » Reste maintenant à savoir si le guide acceptera la décision du chef et lui enlèvera bien son étoile. « Le directeur du Michelin a clairement dit qu’il était le seul juge pour accorder ou non une étoile, et qu’il ne nous appartenait pas d’en disposer. Si le nouvel esprit des Armes de France lui convient et qu’il est récompensé, j’en serai très heureux. »

 

Aux Armes de France
1 Grand’Rue
68770 Ammerschwihr
Tél. : 00.33.3.89.47.10.12.