Dévoilé cet après-midi à Lint, près d’Anvers, le Gault&Millau 2018 a remis le titre de chef de l’année à Eric Fernez (“D’Eugénie à Emilie”). Pour le 15e anniversaire de son édition belge, le guide jaune a encore raffiné son système de notation. Tandis qu’il célèbre les restaurants “POP”, plus accessibles.

Le triomphe du classicisme

 

L’alternance francophone-néerlandophone a de nouveau été respectée au guide Gault&Millau. Après Philip Claes en 2015, San Degeimbre en 2016 et Tim Boury en 2017, c’est cette année le Hennuyer Eric Fernez qui est récompensé du titre de « chef de l’année » pour son formidable restaurant classique “D’Eugénie à Emilie” à Baudour, à l’ouest de Mons.

Le guide justifie ce choix, que l’on ne peut qu’applaudir, en ces termes: « Eric est considéré par beaucoup comme un monument de classicisme parfaitement exécuté. En témoignent sa sole Fernand Point et autres plats composants ses menus tantôt épicuriens tantôt intemporels. Des produits fabuleux, du plaisir, de la gourmandise et de l’authenticité rythment systématiquement ses envois mais toujours avec une parfaite maîtrise technique. Des qualités essentielles chez un Chef de l’Année, complétées par une passion pour le vin qui s’illustre tant dans sa décoration que dans sa très belle carte des vins. »

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Comme le Michelin il y a deux ans – qui avait offert un second macaron à “D’Eugénie à Emilie”, quatre ans après lui avoir octroyé le premier, le Gault&Millau semble entériner par ce choix le retour en grâce de la cuisine classique auquel on assiste depuis quelques années. Par sa gourmandise et son côté rassurant, cette cuisine classique sans doute office de valeur refuge face à un monde de plus en plus complexe et anxiogène.  On se souvient d’ailleurs que, l’année dernière déjà, le guide jaune avait inventé un prix sur mesures du « meilleur artisan » pour le génial Karen Torosyan et son pâté en croûte de compétition à la “Bozar Brasserie”…

Sole Fernand Point et Crêpe Suzette

 

Eric Fernez est exactement de la même trempe. Un bosseur qui, jamais, n’a tourné le dos à la grande cuisine française, intemporelle. Derrière ses airs d’ours mal léché, le bonhomme cache un cuisinier d’un grand raffinement. A sa table, installée dans une belle bâtisse de la place de la Résistance à Baudour, Fernez ose encore mettre à la carte, comme chez Paul Bocuse, une sole aux nouilles Fernand Point (55€). Un classique étonnant imaginé il y a plus de 70 ans par le chef légendaire de “La Pyramide” à Vienne !

Fernez adore également les cuissons en croûte – on a encore un souvenir ému d’un pigeonneau en feuilleté dégusté chez lui il y a des années… Tandis qu’ici, on sert encore un vrai baba au rhum (23€) et l’on prépare toujours les crêpes Suzette (23€) en salle devant le client…

Une visite chez “D’Eugénie à Emilie”, c’est en effet un peu comme un voyage dans le temps à la redécouverte d’une cuisine techniquement remarquable mais sans chichis, qui mise sur la gourmandise, les sauces et la profondeur des goûts, plutôt que sur les jeux de textures ou les associations farfelues.

Et cela paye. En plus de son restaurant gastronomique, Fernez a déjà ouvert deux autres restos  : la brasserie “Le Faitout” juste à côté (14/20 au Gault&Millau et un Bib gourmand) et le bistro “La marelle” (13/20) à Blaregnies.

Gault&Millau, Eric Fernez, d'eugénie à emilie, guide

Podium inchangé mais ça bouge en-dessous de 18/20

A l’occasion de son 15e anniversaire, le guide jaune salue également la constance de Peter Goossens, dont le “Hof Van Cleve” trône, depuis le lancement de l’édition belge du guide fin 2002, au sommet du palmarès à 19,5/20. Où il était rejoint, il y a 5 ans, par Christophe Hardiquest de chez “Bon Bon” à Bruxelles. Derrière eux, la tête du classement reste inchangé. En tout cas jusque 18/20…

Le guide introduit en effet des demi-points au dessus de 15/20, comme il en existait jusqu’ici au-dessus de 18/20. Voilà qui apporte un peu plus de raffinement encore dans la classification des restaurants (par rapport aux simples trois étoiles de Michelin), mais qui fera forcément grincer des dents chez les chefs.

La création de la catégorie 17,5/20 contente certainement Pascal Devalkeneer (« Le chalet de la forêt » à Bruxelles), Eric Fernez (« D’Eugénie à Emilie ») et Thierry Theys (« Nuance » à Duffel), qui gagnent tous un demi-point. Ainsi que Kobe Desramaults (ex-« In de Wulf »), qui fait une entrée fulgurante avec son nouveau « Chambre séparée », restaurant de haut vol où tout est cuit à la flamme à Gand.

Par contre, du côté de la catégorie 16,5/20, si certains seront ravis de grimper de 16 à 16,5 (comme « La villa Lorraine » à Bruxelles, « Le château du Mylord » à Ellezelles ou « La table de Maxime » à Paliseul), d’autres se voient rétrogradés de 17 à 16,5/20. C’est le cas du classique « Fou est Belge » à Heure ou du japonais « Samouraï » à Bruxelles.

Autre changement à noter dans la classification, la disparition du « Pouce » au profit d’une catégorie 12/20 et un alignement du système de toques sur celui du Gault&Millau France mais aussi d’autres éditions européennes du guide (une quinzaine pour l’instant).

Gault&Millau, Eric Fernez, d'eugénie à emilie, guide

 

Les jeunes pousses

 

Comme chaque année, le guide jaune décerne également le titre de « jeune chef de l’année » à trois cuisiniers prometteurs dans chaque région du pays. Le Franco-Japonais Kenzo Nakata s’impose à Bruxelles chez « Gramm », ce qui dénote d’une belle progression après des débuts hésitants. Tandis qu’on se réjouit pour Ludovic Vanackere, dont « L’atelier de Bossimé » reste une valeur sûre dans le Namurois et alors qu’il vient de lancer son site de vente en ligne et en circuit court de produits du terroir, « Les artisans de Bossimé ». En Flandre, c’est Jo Grootaers qui est récompensé au « Altermezzo » à Tongres.

Du côté des découvertes de l’année, on trouve le « Transvaal » à Auderghem (un vrai coup de cœur!), « L’Horizon » à Chaumont-Gistoux et « De Stadt van Luijck » à Saint-Trond.

Après les Bib, les POP

Autre nouveauté cette année, la création de 180 tables « POP », pour « populaires », plus accessibles et moins formelles que des restaurants classiques. La version maison des Bibs gourmands en quelque sorte. Mais on a vraiment un peu de mal à comprendre ce qui définit une table « POP ». Difficile en effet de mettre sur le même pied des chaînes comme « Balls & Glory » (dont les boulettes fourrées sont franchement inintéressantes), « Würst » (spécialisé dans les hot dogs) ou « Ellis Gourmet Burger », un petit bistrot sympa comme « Les gamines » à Poix-Saint-Hubert, une pizzéria géniale comme « La bottega della pizza » à Saint-Gilles, ou, toujours à Saint-Gilles, un bar à vins (qu’on adore) comme « Rubis »

Cette nouvelle catégorie recense néanmoins de chouettes petites adresses pas trop chères. Même si le prix POP Wallonie va à « Pépite », table namuroise géniale mais un peu chère quand même, et qui aurait mérité de plus grands honneurs. A Bruxelles, c’est la pizzéria « Nona »  qui a été récompensée, tandis qu’à Anvers c’est « Bar Palmier ».

 

Cap sur la Thaïlande

 

Enfin, après le Japon et l’Italie, c’est cette année la Thaïlande qui a droit à un encart spécial de 75 pages, reprenant des bonnes adresses en Belgique bien sûr mais aussi en Thaïlande. Une opération rendue possible grâce au soutient de l’Autorité du tourisme de Thaïlande, qui a invité des membres de Gault&Millau et des chefs en Thaïlande. Lesquels racontent leurs expériences gourmandes dans ces pages.

Les résultats détaillés pour la Belgique

Progression en rouge / Descente en mauve / Distinctions

 

19,5/20

 

19/20

 

18,50/20

  • « L’air du temps » (Liernu)
  • « Comme chez soi » (Bruxelles)

 

18/20

  • « Arabelle Meirlaen » (Marchin)
  • « Bartholomeus » (Knokke-Heist)
  • « Bruneau » (Bruxelles)
  • « Lunch-Lounge Het Gebaar » (Anvers)
  • « De Jonkman » (Bruges)
  • « Le prieuré Saint-Géry » (Solre-Saint-Géry)
  • « Sea Grill » (Bruxelles)
  • « Slagmolen » (Opglabbeek)
  • « ‘t Zilte » (Anvers)

 

17,5/20

  • « Le chalet de la forêt » (Bruxelles) +0,5
  • « Chambre séparée » (Gand) NEW
  • « D’Eugénie à Émilie » (Baudour) +0,5 CHEF DE L’ANNEE
  • « Nuance » (Duffel) +0,5

 

17/20

  • « L’auberge de la Grappe d’or » (Torgny)
  • « Boury » (Roeselare)
  • « Le coq aux champs » (Soheit-Tinlot)
  • « Couvert Couvert » (Heverlee)
  • « Cuines.33 » (Knokke)
  • « L’eau vive » (Arbre) DESSERT DE L’ANNEE
  • « L’essentiel » (Temploux)
  • « L’éveil des sens » (Montigny-le-Tilleul)
  • « ‘t Fornhuis » (Anvers)
  • « The Jane » (Anvers) SOMMELIER DE L’ANNEE
  • « Lemonnoer » (Lavaux-Ste-Anne)
  • « Magis » (Bruges)
  • « La paix » (Bruxelles)
  • « De Pastorale » (Reet)
  • « Restaurant Horseele » (Gand) +1
  • « De Schone Van Boskoop » (Boechout)
  • « La source (Lanaken)
  • « Table d’amis » (Courtrai)
  • « La Villa in the Sky » (Bruxelles)
  • « Zet’Joe » (Bruges) NEW

 

16,5

  • « Le château du Mylord » (Ellezelles) -0,5
  • « Le délice du jour » (Gerpinnes) +0,5
  • « Le fou est Belge » (Heure) -0,5
  • « Hostellerie Le Fox » (La Panne) +0,5
  • « De Kristalijn » (Genk) + 0,5
  • « Samouraï « (Bruxelles) -0,5
  • « Sans cravate » (Bruges) +0,5
  • « Sel gris » (Knokke-Heist) +0,5
  • « La table de Maxime » (Paliseul) +0,5
  • « La Villa lorraine – Le gastronomique » (Bruxelles) +0,5

 

16/20

  • « ‘t Aards Paradijs » (Nevele)
  • « L’air de rien » (Esneux)
  • « Alain Bianchin » (Overijse) +1
  • « L’amandier » (Genval)
  • « Au gré du vent » (Seneffe)
  • « Benoît en Bernard Dewitte » (Ouwegem)
  • « Berto » (Waregem)
  • « Bienvenue chez vous » (Namur)
  • « Bouchéry » (Bruxelles)
  • « Bozar Brasserie »
  • « Castor » (Beveren-Leie)
  • « Chai gourmand » (Gembloux)
  • « Le cor de chasse » (Wéris)
  • « Cuchara » (Lommel)
  • « Le D’Arville » (Wierde)
  • « Didier Galet » (Sprimont)
  • « La durée » (Izegem)
  • « Eyckerhof » (Bornem)
  • « Den Gouden Harynck » (Bruges) -1
  • « Les gourmands » (Blaregnies)
  • « Le gril aux herbes d’Evan » (Wemmel)
  • « Hof Ter Eycken » (Ninove)
  • « Hostellerie St-Nicolas » (Elverdinge)
  • « Innesto » (Houthalen)
  • « L’impératif » (Roucourt) +1
  • « JER » (Hasselt)
  • « Kamo » (Bruxelles)
  • « Kommilfoo » (Anvers)
  • « ‘t Korennaer » (Nieuwkerken-Waas)
  • « Het Land » (Berlaar)
  • « Markt XI » (Le Coq)
  • « La menuiserie » (Waismes)
  • « De Mijpaal » (Tongres)
  • « Oak » (Gand)
  • « Le Passage » (Bruxelles)
  • « De Pastorie » (Lichtaart)
  • « Philippe Fauchet » (Saint-Georges-sur-Meuse)
  • « Le Pilori » (Ecaussines-Lalaing)
  • « La régalade » (Arlon)
  • « Restaurant Ugo » (Haine-Saint-Pierre)
  • « Senzanome » (Bruxelles)
  • « Ter Leepe » (Zeldegem)
  • « Terborght » (Huizingen)
  • « La villa des Bégards » (Liège)
  • « Vivendum » (Dilsen-Stokkem)
  • « Vrijmoed » (Gand)
  • « Zur Post » (Saint-Vith)

 

Autres distinctions

  • Chef de l’année: Eric Fernez au « D’Eugénie à Emilie » à Baudour (17,5/20) Notre critique
  • Jeune chef de l’année à Bruxelles: Kenzo Nakata au « Gramm » à Bruxelles (14/20) Notre critique
  • Jeune chef de l’année en Wallonie: Ludovic Vanackere à « L’Atelier de Bossimé à Loyers (14/20) Notre critique
  • Jeune chef de l’année en Flandre: Jo Grootaers d' »Altermezzo » à Tongres (15,5/20)
  • Découverte de l’année Bruxelles: « Transvaal » à Auderghem (13/20) Notre critique
  • Découverte de l’année Wallonie: « L’Horizon » à Chaumont-Gistoux (14/20)
  • Découverte de l’année Flandre: « De Stadt van Luijck » à Saint-Trond (15,5/20)
  • Prix-plaisir à Bruxelles: « Le 203 » à Bruxelles (13/20) Notre critique
  • Prix-plaisir en Wallonie: « Le baraGoû » à Marche-en-Famenne (13/20)
  • Prix-plaisir en Flandre: « Siphon » à Damme (13/20)
  • Prix POP à Bruxelles: « Nona »
  • Prix POP en Wallonie: « Pépite » à Namur
  • Prix POP en Flandre: « Bar Palmier » à Anvers
  • Gastro-bistro de l’année: « Bruut » à Bruges (15,5/20)
  • Brasserie de l’année: « Brabohoeve » à Schilde (14/20)
  • Nouveauté de l’année: « Chambre séparée » à Gand (17,5/20) Notre critique
  • Artisan de l’année: Johan Segers, pour ses 50 ans derrière les fourneaux du « ‘t Fornuis » à Anvers
  • Hôtesse de l’année: Valérie Barbanson au « Philippe Meyers » à Braine-l’Alleud (15,5/20)
  • Chef italien de l’année: Felice Miluzzi du « Rossi » à Louveain (14/20) Notre critique
  • Chef asiatique de l’année: Dokkoon Kapueak au « Boo Raan » à Knokke-Heist (13/20)
  • Terrasse de l’année: « Fou d’O » à Gand  (13/20)
  • Sommelier de l’année: Gianluca Di Taranto au « Jane » à Anvers (17/20)
  • Carte des vins de l’année: « Terminus » à Watou
  • Carte des bières: « Edison » à Koksijde
  • Dessert de l’année: « L’Eau Vive » à Arbre (17/20) Notre critique

 

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