Deux magnifiques mises en bouche très travaillées et gourmandes: pain soufflé au Valèt (un fromage de type raclette de Waismes) et chips de peau de poulet, mayonnaise aux herbes.
Pas facile d’entrer dans l’univers de Stéphane Diffels, un chef à fleur de peau qui s’exprime mieux dans ses assiettes qu’à travers de longs discours…
Cuisinier sur le tard
C’est en fait seulement à 33 ans qu’il se lance dans la cuisine en suivant des cours du soir à l’IFAPME et en effectuant un stage à “L’hostellerie du Postay”, ancien resto étoilé d’Anthony Delhasse à Verviers.
Couteaux grillés, jus au shiso rouge et tomate. Une mise en bouche tout en élégance et fraîcheur.
En 2009, il ouvre “L’air de rien” avec, comme il le confie, pas mal d’essais-erreurs mais avec une réelle volonté de réussir dans cette nouvelle voie qu’il s’est tracée. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y est parvenu, avec un 16/20 au Gault&0Millau et une entrée cette année au sein du collectif Génération W.
Les produits locaux à l’honneur
Si sa jolie fermette située sur les hauteurs d’Esneux ne brille pas par son décor, c’est dans les assiettes et en salle que ça se passe, où Marc Delvenne sélectionne de jolis flacons pour accompagner les menus Découverte et L’air de rien (67-75€/vins 35-45€), composés d’une multitude de petits arrangements gastronomiques autour de quelques produits souvent locaux.
Foie gras en « neige », coing et noisettes caramélisées. Et velouté de foie gras purée d’oignon.
Stéphane Diffels travaille le rouge pie de l’Est locale en tartare, avec du radis red meat, de l’eau de tomate et une huile à l’aneth. Le tout servi avec une petite brioche fondante. Une magnifique entrée d’automne qui joue encore sur la fraîcheur. Un des grands moments de ce long menu.
De belles compositions
Les assiettes envoyées sont modernes – Diffels verse avec talent dans les fermentations et les macérations –, colorées grâce aux herbes et aux fleurs qui les animent et marquées par de belles saveurs de saison. Excellente cette création autour de quelques oignons doux brûlés, de butternut en purée et en pickles, de jus de pomme et de poire fermentée.
Délicieux aussi ce magret du “Canard Gourmand” à Sprimont, accompagné de céleri-rave, de poire, et de noix râpée.
Où sont les plats?
Après deux heures de ces magnifiques dégustations, les papilles commencent un peu à saturer. On aimerait enfin goûter un vrai plat… Ce n’est pas vraiment la philosophie de Diffels, qui multiplie les petites assiettes. Et parfois, cela coince… Ainsi, le morceau de turbot est bien trop petit pour être bien cuit. Dommage car la sauce et les salicornes au fond de volaille étaient joliment cuisinées.
Même chose avec la Saint-Jacques. Elle n’est pas très jolie coupée en deux dans l’assiette… Tandis que l’accord se fait cette fois un peu trop acide avec un jus de chou-rave fermenté, heureusement adouci avec l’espuma de crème.
Mais le seul vrai désaccord gustatif avec le chef viendra avec cette raviole au beurre d’herbes, lovée dans un consommé de crevettes grises beaucoup trop puissant et agrémenté d’huile de verveine.
Excellente composition autour de la pomme de terre: croustillantes au four et en purée fine, avec une huile de roquette. Gourmand!
Un plat joli et bon comme un dessert: homard, purée de panais fumé, jus de feuilles de capucine.
Bientôt une étoile?
Quelques imperfections techniques et surtout la nécessité de concentrer ce menu interminable autour de deux ou trois plats qui marqueraient plus les esprits, mais il ne faudrait pas grand-chose à Stephane Diffels pour décrocher une première étoile. Réponse ce lundi…
« A l’air de rien », les desserts sont vraiment à la hauteur. Le premier, une délicieuse glace au yaourt préparé avec le lait du village, joue sur la fraîcheur et l’acidité, avec un coulis de persil.
Envie d’y goûter?
- Cote: 8/10.
- Cuisine: contemporaine.
- Cadre: fermette.
- Cave: jolie sélection.
- Terrasse: non.
- Parking: non.
- Adresse: 23 chemin de la Xhavée, 4130 Esneux.
- Rens.: 04.225.26.24 ou www.lairderien.be.
- Ouverture: fermé le samedi midi et du dimanche au mardi midi.
Le second dessert est tout aussi parfait: une belle composition sur le chocolat (crumble), les noisettes (glace, bâtons praliné) et le coing (purée). Le tout rafraîchi par l’anisé des feuilles de cerfeuil fraîches.
Cet article est paru dans « La Libre Belgique » du 19 novembre 2016
La fille: « Le rapport qualité-prix est vraiment excellent. Vu le travail abattu par Stéphane Diffels en cuisine, on n’est pas volé. Dommage quand même qu’il n’y ait pas la possibilité de manger à la carte ou de choisir un menu plus condensé. »
Le garçon: « Personnellement, ces menus à rallonges où s’accumulent les mises en bouches de l’apéritif aux mignardises me semblent avoir pris un sacré coup de vieux… Je pense que sa première étoile, qui viendra rapidement, fera du bien à Stéphane Diffels. Elle lui donnera sans doute plus de confiance pour aller vers un peu plus de simplicité. Il aura moins besoin de faire de la gonflette et pourra concentrer son indéniable talent sur de grandes assiettes… »
Jusqu’aux mignardises, Stéphane Diffels abat un travail de titan. Impressionnant!
J’ai eu l’occasion de tester aussi (etant des environs) et j’avais trouve, comme vous, qu’il y avait un travail incroyable, mais sans doute « trop » de choses en même temps. en voyant le menu, mon épouse et moi avions d’ailleurs cru initialement devoir choisir et non tout goûter.
en définitive, la lisibilité de l’ensemble en prend peut-être un coup, même s’il faut reconnaître que tout était fort bien exécuté.
nous avions été moins séduits par les choix de vins accompagnant le menu et avions donc choisi nos liquides à la carte.