Photo Belga

Le guide Michelin a dévoilé hier à Gand son palmarès 2016. Trois tables décrochent leur seconde étoile, “The Jane” à Anvers, “La Villa in the Sky” à Bruxelles et “D’Eugénie à Emilie” d’Eric Fernez à Baudour (en photo avec Michael Ellis, directeur international des guides Michelin). Avec ce dernier choix, le guide rouge entend réaffirmer son amour du classicisme à la française.

 

Il n’y a pas que les gels et les espumas en cuisine!

Dévoilé hier midi au Flanders Expo de Gand, le palmarès du guide Michelin était attendu avec impatience. Avec d’autant plus d’impatience que la cérémonie, prévue initialement le 16 novembre dernier, avait dû être annulée au lendemain des attentats de Paris. Que retenir de cette édition 2016  ?

 

1. Les primés

Avec trois nouveaux restaurants “deux étoiles”, la gastronomie belge est à la fête. Si le second macaron du “Jane” de Nick Bril et Sergio Herman à Anvers et celui d’Alexandre Dionisio à “La Villa in the Sky” à Bruxelles étaient attendus, la surprise est venue de la récompense attribuée à la superbe cuisine classique d’Eric Fernez, du “D’Eugénie à Emilie” à Baudour (cf. point 2).

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La photo de famille du Michelin Belgique 2016, avec, de gauche à droite, Luc Broutard,  Geert Van Hecke et sa femme, Michael Ellis, Alexandre Dionisio, Alain Bianchin, Peter Goossens et sa femme. Photo Belga.

Par ailleurs, huit tables décrochent leur premier macaron. La chef Isabelle Arpin récupère l’étoile d’“Alexandre” à Bruxelles, supprimée l’année dernière suite au départ d’Alexandre Dionisio vers “La Villa in the Sky”. Une façon pour le Michelin de clore la polémique créée par l’octroi en 2015 d’une étoile à la “Villa in the Sky” avant son ouverture officielle…

Trois autres tables wallonnes sont récompensées  : “Le pilori” de Michel Van Cauwelaert à Ecaussines, “Le comptoir de Marie” de Luc Broutard à Mons et “Philippe Fauchet” à Saint-Georges-sur-Meuse. “Pendant des années, on n’a rien eu en Wallonie, tout se passait en Flandre, commente Werner Loens, rédacteur en chef du guide. Cela fait deux ans que l’on retrouve des étoiles en Wallonie mais on ne force pas les choses… On met les étoiles là où on les trouve. Point.”

 

2. Retour du classique

En accordant sa deuxième étoile à “D’Eugénie à Emilie”, le Michelin réaffirme sa fidélité à la cuisine française classique. Eric Fernez était très ému par cette distinction, là où d’autres guides trouvent sa cuisine “dépassée, plus dans l’air du temps”“Je suis très content qu’on ait pu lui donner deux étoiles, pour montrer aux gens que la cuisine classique est aussi une cuisine technique, explique Werner Loens. Il ne faut pas toujours savoir faire des gels, des éponges ou des espumas pour avoir textures et technicité. Là, j’ai mangé une formidable tourte au pigeon et foie gras – la cuisson du pigeon à la goutte de sang était parfaite – et une sauce comme personne, hélas, ne sait plus en faire. Il faut absolument préserver ce genre de cuisine et même la mettre en avant.”

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Cela n’empêche évidemment pas le guide de récompenser dans le même temps une cuisine ultramoderne comme celle du “Jane”. “On a toujours fait ça, confirme Loens. Nos inspecteurs repèrent tout de suite les tendances mais il faut faire attention à ne pas aller trop vite, au risque de devoir se dédire quelques années plus tard… La richesse du guide Michelin, c’est d’avoir des étoilés de styles différents. Ce qui compte surtout, c’est la constance de la prestation. C’est ça le plus compliqué. C’est là-dessus que l’on met les deux étoiles, voire les trois par la suite.”

 

3. Les perdants

Si certains rient, d’autres pleurent… Le guide rouge a supprimé cette année quatre étoiles, dont celles du “Va doux vent” à Uccle et de “D’Hoogh” à Malines, qui ont tous deux fermé leurs portes. Seuls “Vous lé vous” à Hasselt et “Ciccio” à Knokke sont donc réellement rétrogradés. Preuve d’un paysage gastronomique stable.

 

4. Un trois étoiles de moins en 2016…

Il y a un mois, Geert Van, Hecke a annoncé la fermeture de son “Karmeliet”. Le guide Michelin a tenu à saluer le grand chef brugeois, qui a conservé ses trois macarons durant 20 années consécutives. Les chefs étoilés Maxime Collard (“La table de Maxime” à Paliseul) et Filip Claes (“De Jonkman” à Bruges), formés dans les cuisines du “Karmeliet”, sont montés sur scène pour rendre hommage à leur mentor, qui prendra sa retraite en août 2016.

  • Les résultats détaillés sont à retrouver ici.

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3 questions à Werner Loens
Rédacteur en chef du Michelin

Geert Van Hecke ferme son restaurant l’année prochaine. Il va falloir dénicher un nouveau trois étoiles…

Pour les trois étoiles, on est à un niveau mondial. Ce sont les 120-130 meilleurs restaurants du monde. Ces établissements sont visités par des inspecteurs expérimentés (plus de vingt ans de maison) et internationaux. Ce n’est que quand tous les avis sont positifs à 100 % qu’on accorde la troisième étoile. A la fin de l’année, chacun défend ses dossiers âprement. On peut défendre un resto qu’on estime trois étoiles, quand d’autres estiment, qu’en comparaison avec les restaurants qu’ils ont visités ailleurs, cela ne les vaut pas…

Quel est le petit déclic pour passer d’une à deux étoiles ? L’émotion face à un plat entre-t-elle en ligne de compte ?

Etre cuisinier, c’est un métier, pas un art. Le jour où le métier, le savoir-faire deviennent un art, là, on parle de trois étoiles. Ou quand on parle de chefs qui ont formé des gens chez qui on retrouve leur griffe, leur cuisine… Là, un chef est devenu artiste.

Le Gault&Millau a opté pour la diversification, en multipliant les guides, développant une activité de conseils… Et vous ?

Notre développement mondial est une priorité. A l’avenir, il y aura encore plus de guides Michelin. A long terme, on devrait être sur tous les continents. L’Asie se développe très fortement et il y a des pays qui nous demandent de venir faire un guide chez eux. Plutôt que de se diversifier dans le papier, on utilise les budgets pour se diversifier au niveau mondial et dans le digital évidemment… Le site “Michelin Restaurants” est devenu la référence en France, c’est un peu plus lent en Allemagne, où il a été lancé il y a deux ans, mais on voudrait le développer un peu partout en Europe. Il est évident que nous sommes en train de rechercher des business models différents de la vente des guides. Mais le conseil, ce n’est pas notre métier. Notre métier, c’est d’être des clients discrets, anonymes. Les inspecteurs vont manger neuf ou dix fois par semaine au restaurant. C’est très important car ils ont donc des points de référence sur les niveaux de qualité.