Quel pourrait être le futur de la cuisine? A chacun de nous de le rêver…

futur,cuisine de demain

Vers une cuisine plus responsable

En ce début de XXIe siècle, on n’a jamais parlé autant de cuisine, notamment grâce au succès de la téléréalité culinaire. Et pourtant, on n’a jamais aussi peu cuisiné… Selon une étude de l’ULG Gembloux parue en 2013, entre 1961 et 2009, la part du budget d’un ménage belge consacré à l’alimentation est passée de 36 à 15 %. Par contre, les dépenses en achats de plats préparés augmentent chaque année en moyenne de 1,7 %… En 2009, 92% des ménages belges consommaient des plats préparés (pizzas, soupes, sandwiches…). Alors que le rythme de la société ne cesse de s’accélérer et que l’on travaille toujours plus, il y a peu de chance que la tendance s’inverse…

Pourtant, depuis des années, on voit monter un besoin de consommer de façon différente, plus responsable. En 2013, on a ainsi vu naître à Naninne, “D’ici”, premier supermarché “locavore” de Belgique, qui propose des ingrédients essentiellement locaux et artisanaux. Fin 2013, “Färm”, supermarché bio et coopératif, ouvrait ses portes à Bruxelles. Imaginée par un Américain expatrié, “La Louve” s’apprête à importer le même concept, né à Brooklyn, à Paris… Tandis que se multiplient, à Anvers (“Robuust”), Bruxelles (“Almata”) ou Paris (“Day by Day”), des épiceries où tous les produits (alimentaires et autres) sont proposés en vrac, pour réduire les emballages et les prix.

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La grande distribution a bien compris ces évolutions et est déjà en train de réagir. En région parisienne, le groupe Carrefour teste en ce moment des “Carrefour Bio”. Tandis que, pour contrer le développement des magasins à la ferme, qui permettent de réduire les intermédiaires entre producteurs et consommateurs, le groupe Colruyt vient d’ouvrir à Overijse “Cru”, un marché couvert gourmet haut de gamme axé sur la saisonnalité et l’artisanat, sans aucune marque connue de l’agroalimentaire dans ses rayons.

Ces questions environnementales et sanitaires se retrouvent dans la réflexion des chefs, qui se tournent de plus en plus, eux aussi, vers une approche plus locale, développant, sous l’impulsion d’Alain Passard en France, leurs propres potagers par exemple. Cette tendance, qui est en parfait accord avec le succès actuel de la gastronomique nordique, très locavore, ne fera que se poursuivre dans les prochaines années.

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C’est une nécessité, la consommation de viande et de poisson, dont la production de masse est une menace pour l’environnement et la biodiversité, devra diminuer. Cela n’a pas fait la une des journaux mais l’humanité, désormais entrée dans l’ère de l’anthropocène, a connu à l’été 2013 un tournant majeur : l’homme est passé de la cueillette à l’agriculture en termes de produits de la mer. On consomme en effet aujourd’hui plus de poissons élevés que de poissons pêchés. Et ce n’est pas une bonne nouvelle quand on sait que pour produire 1 kg de saumon ou de bar, il faut 4 à 5 kg de farines de poissons sauvages (et même 20 kg pour le thon rouge !)…

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Face à ce nouvel impératif écologique mais aussi pour des raisons éthiques et philosophiques face à l’horreur de la production à échelle industrielle de viande, le végétarisme et le végétalisme devraient continuer de gagner du terrain. Tandis que, soutenue par la FAO et un lobby de producteurs, la consommation d’insectes pourrait devenir une nouvelle source de protéines plus écologique. Encore faudra-t-il que, une fois passé l’effet de curiosité, le public occidental se fasse à l’idée de manger des criquets ou des vers de farine, fût-ce en tapenades ou en veggie burgers ! Pas sûr qu’il sera plus gourmand de la viande produite in vitro (déjà une réalité au niveau de la recherche) ou de l’impression 3D de nourriture… Ce n’est pas demain qu’on commandera son repas sur McDo.com avant de se l’“imprimer” à domicile. Certains y croient pourtant. La preuve, un congrès sur le sujet vient de se dérouler à Liège…Hubert Heyrendt

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La viande in vitro…

 

1 million de membres Slow Food

Le réseau de personnes actives dans le mouvement Slow Food est devenu le plus important au monde, dépassant Amnesty ou le WWF. Une force de frappe importante pour défendre à l’avenir une alimentation “bonne, propre et juste” en proposant d’autres modes de production et un autre type de société.

 

Réinventer le terroir

La cuisine de demain ne pourra être que le reflet des évolutions de la société. Dans un monde toujours plus mondialisé, les influences viendront plus que jamais des quatre coins de la planète. Après l’Espagne et la Scandinavie, c’est désormais l’Amérique du Sud, et le Pérou en particulier, qui semblent bien placés sur les radars des foodies.

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Gaston Acurio, la star péruvienne

Mais, quelles que soient ces évolutions, il faut espérer que la cuisine ne poursuive pas le grand déménagement du monde en continuant à importer des petits pois kényans ou des haricots péruviens ou en continuant à produire en Amazonie le soja qui sert à nourrir le bétail en Europe… La cuisine devra au contraire être capable de mettre à l’honneur des ingrédients produits localement dans le respect de l’environnement, des savoir-faire et des producteurs. Relocaliser la production alimentaire est en effet une nécessité politique, sociale et environnementale.

En Belgique en particulier, où l’industrie agroalimentaire a tout détruit sur son passage dans l’après-Guerre, il y a tout un terroir à recréer, des spécialités locales à réinventer ou à sauver, comme s’y atèle le mouvement Slow Food à travers son Arche du goût. Un beau défi à relever dans les 20 ans à venir !

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L’histoire de l’alimentation en quelques dates clés 

  • Il y a 2,4 millions d’années: apparition du genre Homo, qui se nourrit de végétaux, de fruits, de racines et de carcasses d’animaux morts, à la manière des charognards.

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  • Il y a 1,5 million d’années: invention des outils et début de la chasse. L’Homo découvre la viande fraîche.
  • Il y a 400000 ans: apparition des premiers Homo Sapiens, les hommes modernes. A peu près à la même époque, la domestication du feu permet la cuisson des aliments.

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  • 9000 ans av. J.-C.: la révolution néolithique fait passer l’homme du statut de chasseur-cueilleur à celui d’agriculteur-éleveur. Il domestique les céréales et les légumes (blé, riz, orge, lentilles) mais aussi les bovidés, ovidés et autres caprinés… pour son alimentation. Moins actif et bénéficiant d’une alimentation plus grasse, l’homme commence à prendre du poids.
  • IVe s. av. J.-C.: Le Grec Archestrate écrit des milliers de poèmes sur l’art culinaire, dont seuls quelques fragments nous sont parvenus.
  • Ier s. av. J.-C.-Ier s. ap. J.-C.: Marcus Gavius Apicius est censé avoir écrit le « De re coquinaria » (« L’Art culinaire »), premier recueil de recettes qui nous soit parvenu dans son intégralité. Celui-ci sera redécouvert à l’époque carolorégienne.

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  • XIVe siècle: publication du du « Viandier », ouvrage de référence de la cuisine médiévale associé au nom de Taillevent (1310-1395).
  • 1492: Découverte de l’Amérique et, avec elle, des tomates, des pommes de terre, des petits pois, des piments, du maïs, du café, de la dinde…

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  • 1902: première édition du « Guide culinaire » de Georges Auguste Escoffier (1846-1933), « roi des cuisiniers », toujours réédité. Son travail aura notamment consisté à codifier la cuisine classique de Marie-Antoine Carême (1784-1833).
  • XXe siècle: l’amélioration des conditions matérielles fait exploser la consommation de viande en Occident. L’apparition du frigidaire permet une conservation plus longue des aliments.

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  • 1973: lancement par Henri Gault et Christian Millau de la « Nouvelle cuisine », qui allège la cuisine française classique. Paul Bocuse, Michel Guérard, Alain Chapel, Alain Senderens ou encore les frères Troisgros en sont les principaux ambassadeurs…
  • Années 1990: la mondialisation donne accès à des ingrédients de plus en plus exotiques. Succès de la cuisine « fusion ».
  • Années 2000: sous l’impulsion du chef catalan Ferran Adrià, la gastronomie moléculaire fait florès, amenant dans les cuisines de nouvelles techniques et de produits chimiques souvent issus de l’industrie agroalimentaire.

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  • Années 2010: la tendance actuelle est à la cuisine scandinave, où la technique, plus raisonnée, se met au service de produits très locaux et d’ingrédients bruts.