Dites à quelqu’un que vous êtes critique gastronomique et, immédiatement, fuse la question  : “Comment ça marche ?” Avec en toile de fond l’ombre, encore et toujours, de “L’aile ou la cuisse” (1976), où Louis de Funès visitait les restaurants en incognito pour son guide Duchemin. La question est en effet restée la même  : qu’en est-il de l’indépendance de la critique   ?

Critique gastronomique, guides gastronomiques
Louis de Funès dans « L’aile ou la cuisse ».

Quelques “affaires” célèbres ont bousculé les guides   : le suicide de Bernard Loiseau, à qui on prédisait le retrait de sa 3e étoile, le Bib gourmand attribué à un restaurant pas encore ouvert, tel guide faisant payer les restaurateurs recensés dans ses pages… Il y a quelques mois, le journaliste allemand Jörg Zipprick (le grand pourfendeur de la cuisine moléculaire) signait un papier assassin sur le Michelin, expliquant qu’il était possible de connaître l’identité de ses inspecteurs, malgré leurs faux noms, leurs cartes de crédit multiples…

L’arrivée des blogs culinaires n’a fait qu’amplifier le mouvement de défiance vis-à-vis de la critique. Aujourd’hui, en quelques clics, chacun peut poster son avis sur des sites coopératifs comme “Yelp”, “Google Places” (qui a intégré le guide Zagat), “Foursquare”… Même le Michelin, dans sa version numérique, propose à ses lecteurs d’écrire leur propre critique de restaurant  !

Aujourd’hui, faute de moyens, la presse ne fait plus forcément le choix de “payer l’addition” (ce que fait “La Libre”). Beaucoup de restaurants s’attachent donc les services d’attachés de presse, chargés d’inviter les journalistes, qui n’ont plus à débourser un centime… Le raffinement est poussé jusqu’à permettre au journaliste de venir incognito et de se dévoiler au moment de l’addition…

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François Simon, du « Figaro », préserve son anonymat…

En France, le très médiatique critique du “Figaro” François Simon a construit sa réputation sur son anonymat… Il a ainsi pu présenter une émission sur Paris Première en caméra cachée subjective sans qu’on ne voie son visage… L’un de ses collègues et rivaux raconte néanmoins cette anecdote piquante survenue dans un très grand restaurant parisien. Le maître d’hôtel salue ce nom bien connu de la critique française en ces termes : “Bonjour Monsieur. Votre collègue François Simon déjeune anonymement dans la véranda…” Et le critique en question d’avouer qu’il est souvent invité au restaurant mais que son influence est telle qu’il a la chance de pouvoir écrire en toute liberté…

Reste que, incognito ou non, la critique est beaucoup plus libre si elle est délivrée d’une relation financière qui brouille forcément la donne. Après, l’honnêteté est un art cruel car la subjectivité est inhérente à la critique, tandis qu’un chef peut être dans un mauvais jour lors du passage dans son restaurant. Ce qui est ceci dit le reflet de l’expérience de n’importe quel client lambda, dont le critique n’est qu’un porte-parole…

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