Posé depuis début juin aux pieds de la Citadelle, à deux pas du casino, l’ »Agathopède » est le nouveau resto dont tout le monde parle à Namur. Pas étonnant. Carl Gillain porte en effet le label « vu à la télé » (dans l’émission « Top Chef »), tandis qu’il arrive en bord de Meuse fort de plusieurs années passées dans la brigade de Sang-hoon Degeimbre à «L’air du temps», deux macarons Michelin.

Son premier resto est niché au sein d’un nouveau boutique hôtel très classe, installé dans trois anciens immeubles bourgeois, « The Royal Snail », dont le lobby est logiquement décoré d’escargots, l’emblème de la capitale wallonne.

Ce mystérieux nom d' »Agathopède » est tiré d’une confrérie secrète de gourmets éclairés namurois du XIXe siècle, dont était membre le grand Félicien Rops, dont les reproductions ornent ici les murs. 

Elégantes, les quelques salles offrent un mobilier racé, tandis que les tables s’ornent d’une vaisselle de choix. Cet été, on prend l’apéritif en terrasse au bord de la piscine. Il fait d’ailleurs si bon ce soir de juillet qu’on décidera de poursuivre le repas à l’extérieur…

En sirotant un bon «Rasberry Mule» (10€), associant vodka, sucre de canne et framboises fraîches, ou un «Spring Feeling» (10€) mixant gin, jus de citron et charteuse verte, on parcourt une carte et des menus (3, 4 ou 6 serv./35, 55 ou 75€ +15, 20 ou 30€ avec les vins), où les intitulés se résument aux ingrédients de base, dans des associations souvent originales, voire audacieuses! On se réjouit ainsi d’avance de goûter au «foie gras / rhubarbe / fraise / poivre Timut»!

On patiente avec quelques mises en bouche travaillées qui rassurent sur le savoir-faire du jeune chef. Si les chips de riz soufflé et mousse de sauge sont plus esthétiques que savoureux, le petit gris – un passage obligé en ces lieux… – est préparé de façon très intéressante, associé à un beurre au basilic, des billes de tapioca à l’eau de tomate et des pignons de pin grillés.

Suit un oeuf à 63°C parfaitement exécuté (l’une des rares réminiscence de la formation moléculaire de Carl Gillain à « L’air du temps »), servi dans un petit bol avec une crème au ras el hanout mais surtout du chou-fleur, dans un mariage très réussi.

Intelligemment relevées d’un excellent chorizo bellota, dont le gras est bien contrebalancé par la maquée au citron vert et quelques jeunes épines de pin acidulée, les asperges blanches rôties au beurre (18€ à la carte) offrent une excellente entrée en matière. Qui s’accompagne d’un blanc catalan de Jané Ventura, un DO Penedès 2012 très rafraîchissant associant macabeu, grenache blanc, malvoisie et xarel·lo.

Et voilà enfin le fameux foie gras (23€), présenté à la fois poêlé et givré en copeaux, dans un accord surprenant mais parfaitement maîtrisé avec de la rhubarbe crue coupée très finement, des fraises et du poivre Timut du Népal. Lesquels viennent rafraîchir la douceur du foie gras. Si la cuisson de celui-ci avait été un peu plus précise, on tenait un plat parfait! Pour cette magnifique création, le sommelier avait choisi un chinon de Pierre & Bertrand Couly, 100% cabernet franc. Le vin est excellent mais l’accord plutôt manqué. On l’aurait mieux vu sur la viande.

Peut-on présenter du porc quasi saignant? Oui, quand il s’agit de pluma de bellota (32€), une pièce de viande exceptionnelle, présente à la pointe de l’échine, sur les omoplates. Magnifiée ici par de fines tranches d’aubergine laquées au miso, une mousse d’ail à l’huile d’olive, des purées de céleri-rave et de morilles mais aussi de jeunes pousses de fèves. Un pur régal que l’on associe à un cabardès AOC 2008 en Languedoc du Domaine de Cabrol un peu en retrait par rapport à l’assiette.

En fin de repas, Carl Gillain trébuche sur le dessert. Celui-ci associe une glace au foin pas assez affirmée, un chocolat «primitif» trop doux et des morceaux de céleri pochés. Mais il est servi avec un très agréable «Quart d’heure ange vin» bio, un cabernet sauvignon surmûri du très chouette Domaine des Sablonnettes en Loire, connu pour ses cuvées «Les copains d’abord» ou «Les copines aussi». Malgré ce léger faux-pas, que voilà des débuts prometteurs et plein d’audace pour ce jeune chef talentueux!

Cette critique a été publiée dans le « Trends-Tendances » du 14 août 2013.

Envie d’y goûter?

• Cote: 7,5/10.
• Cuisine: contemporaine.
• Cave: essentiellement française.
• Cadre: boutique hôtel.
• Terrasse: oui.
• Parking: non.
• Adresse: 23 av. de la Plante 5000 Namur.
• Rens.: 081.57.00.23 ou www.agathopede.com.
• Ouverture: fermé samedi midi, dimanche soir et lundi.

La très agréable terrasse du restaurant et du Royal Snail