Mercredi, Sang-hoon Degeimbre n’avait pas seulement réuni la presse pour inaugurer son nouveau restaurant. Il avait également invité ses principaux fournisseurs, histoire de saluer leur travail quotidien dans un magnifique menu qui leur était dédié. Car pour celui qui se présente plus comme « un entraîneur ou un chef d’orchestre » que comme un chef, l’esprit d’équipe est important.
A l’apéritif, il a ainsi à saluer ses collaborateur et notamment Carl Gilain, l’ancien candidat de « Top Chef », qui ouvrira bientôt son restaurant dans un nouvel hôtel de La Plante à Namur, ou le jeune sommelier Maxim De Muynck, de retour au bercail après quelques infidélités chez « Pouic Pouic » et chez Pierre Résimont à « L’eau vive ».
Après une série de mises en bouche divertissantes (raviole de chou-rave cru, crème de pistache et parmesan, moule-frite revisité, pickels de carotte au terreau de céréales et lard), les choses sérieuses peuvent commencer.
Le Blanc-Bleu du boucher Phillippe Rondou, spécialiste de l’affinage (cf. ci-dessous), est préparé façon yukhwe, une spécialité coréenne. La viande est servie crue avec une pommade d’oeuf, un peu de poire, une huile de coriandre et un lait de sésame… Tout simplement parfait.
Tout comme cette surprenante poudre de foie gras de la Ferme de la Tour toute proche, rafraîchie par l’anguille fumée, le verjus et surtout le kalamansi, un agrume philippin proche de la mandarine. Accompagné d’un excellent Arbois ou d’une eau de kalamansi et bois de cèdre. A « L’air du temps », on peut en effet opter, à la place du vin, pour une sélection d’eaux parfumées (grâce aux ultrasons), l’une des dernières trouvailles, très convaincante de Degeimbre.
Les petits gris de Namur de Corinne Flamand (Ferme du Gros Tilleul à Bierwart) sont préparés tout simplement aux petits légumes, avant d’être fumés au bois en cocotte.
Plus loin, on retrouve les influences coréennes avec cette Saint-Jacques servie avec du topinambour et du radis fermenté dans un dong chimi, un autre type de kimchi coréen. L’accord avec l’eau de topinambour-citron vert est à nouveau nickel!
L’oeuf Omega 3 cuit à 62°C est un clin d’oeil à la cuisine moléculaire mais se la joue traditionnel avec l’excellente truffe noire de Carpentras. Le jeune sommelier sort cette fois de son chapeau un étonnant vin madérisé de Crimée en Ukraine!
Le cabillaud s’offre ensuite un accord terrien, associé à un jus de chorizo et du lardo di Colonnata. Mais c’est à nouveau l’eau poivron rouge-orange qui impressionne avec ses parfums délicats d’eau de fleur d’oranger.
Retour aux parfums asiatiques avec ce fabuleux chou pointu du jardin, cuit au barbecue pendant 2 heures et servi avec le kimchi blanc maison (un an de fermentation), du radis cru et un beurre noisette. Une assiette d’une sobriété déconcertante qui montre que le chef a cette fois vraiment atteint la modernité.
Avant de revenir chez Philippe Rondou pour un boeuf Simmenthal mâturé 60 jours (servi avec un mélange de chutes de boeuf wagyu et de katsuobushi, une purée de cèpes et un chicon fondu à l’orange), on retrouve l’un des plus beaux produits proposés à « L’air du temps », le pigeonneau de Jean-Yves Bruyère. Basé juste à côté, à Eghezée, celui-ci a profité depuis des années des conseils du chef et propose aujourd’hui les meilleurs pigeons de Belgique, tués après 28 jours d’élevage au «lait de jabot» puis aux céréales. Un délice merveilleusement fondant, servi avec sa cuisse confite et un petit risotto au doenjang, le miso coréen. Et une délicate eau poire-shiso.
Cette démonstration sans faute s’achève par un fabuleux dessert associant carotte et mandarine à un étourdissant sorbet au pin Douglas, dont les épines ont des notes d’agrumes, le tout servi sur un coulis de carotte pourpre et citronnelle.
Envie d’y goûter?
- L’air du temps. 2 rue de la Croix Monet 5310 Liernu (Eghezée).
- Fermé lundi et mardi.
- Menus à 95 et 130 € (+28/38€ pour les eaux, +45/55 € pour les vins).
- Chambres disponibles à partir de février.
- Rens. : 081.81.30.48 ou www.airdutemps.be.
A quatre mains
Après avoir beaucoup voyagé, San Degeimbre a envie de recevoir ses collègues chefs chez lui. Il recevra ainsi désormais un chef une fois par mois. C’est David Toutain (« Agapé Substance » à Paris) qui ouvrira le bal le 17 février. Suivront Benallal Akrame (« Akramé », Paris) les 23 et 24 mars, Alexandre Bourdas (« Sa.Qua.Na », Honfleur) ou encore, s’il accepte, l’illustre Michel Troisgros (Roanne).
Un « mâtureur » de viandes
Pour ses viandes, l’ancien boucher Degeimbre fait appel à un spécialiste de la mâturation, Philippe Rondou, à Louvain. Lequel fournit également le restaurant étoilé «Couvert couvert».
- Beenhouwerij Rondou. Pensstraat 5, 3000 Louvain.
Fermé le dimanche.
Rens.: 016.22.28.27 ou www.beenhouwerijrondou.be.
Waow, ça donne envie! Ca me fait rire de voir le kalamansi au menu: je lisais justement dans un magazine américain que le kalamansi était le ‘nouveau yuzu’! 😉
Cela fait quelques années maintenant que le kalamansi est apparu chez nous, en tout cas chez les chefs… Mais c’est vrai qu’il devient aussi connu que le yuzu! On ne se lassera jamais de faire ce genre de belles découvertes gustatives.