L’Anglais Heston Blumenthal est un chef intéressant. Longtemps considéré comme l’un des meilleurs restaurants du monde (selon le ceci dit très surévalué Top 50 des Restaurants), son « Fat Duck » a été contraint de fermer ses portes en 2009 suite à des intoxications alimentaires. Si l’on peut rester sceptique sur ses délires moléculaires (même si le chef affirme aujourd’hui que la gastronomie moléculaire est morte), le bonhomme est néanmoins passionnant dans sa démarche, travaillant par exemple avec une université locale…
De même, son émission pour la BBC « In Search of Perfection » était souvent très intéressante, le jeune chef de Bray-on-Thames cherchant à revisiter quelques classiques, anglais et autres, en leur apportant son savoir culinaire et scientifique.
Lors de notre séjour à Londres, nous sommes tombé sur le livre tiré de l’émission et nous l’avons immédiatement acheté. Nous étions notamment à la recherche de sa recette de frites, déjà testée une première fois avec des bintjes suite à la vision de l’émission. Cette fois, il s’agissait de faire les choses dans les règles de l’art. Nous avons donc cherché à Londres (et trouvé au marché de Portobello) la variété de pommes de terre conseillée par Blumenthal, des Maris Piper… Crazy, isn’t it?
M. Blumenthal est également responsable de nous avoir fait acheter un siphon à eau gazeuse (heureusement, on s’en servira aussi pour nos cocktails!). Sans compter que, pour notre premier essai, Heston nous a qui plus est fait prendre des risques. Nous avons donc dû lui faire une confiance aveugle! Il est en effet conseillé de ne mettre que de l’eau dans ce type de siphon. On veillera donc à ce que la pâte soit bien liquide: aucun grumeau dans le siphon donc!
Côté poisson, Heston conseille du turbot. Nous avons été plus sages et économes et opté pour du coeur de cabillaud et c’était parfait! En effet, la batter et la cuisson mises au point par Blumenthal sont irréprochables.
Mais attention, si ce fish & chips est un régal, il s’avère assez fastidieux à préparer: deux jours pour les frites, besoin d’un siphon à eau de seltz (attention, pas un siphon à chantilly), utilisation de bière et de vodka (plus volatile que l’eau, celle-ci s’évapore en effet plus vite)… Mais le jeu en vaut la chandelle. Une expérience que l’on retentera certainement… Avec ou sans la sauce « tartare » qui, elle, n’est pas de Heston.
Ingrédients (pour 4 pers.):
Pour les frites: 1,2 kg de pommes de terre (Maris Piper, Arran Victory ou, à défaut, bintjes), 2-3 l d’huile d’arachide, sel de table & sel de mer, vinaigre (celui des cornichons en ce qui nous concerne, mais on peut aussi utiliser du vinaigre de malt Sarson’s, que l’on trouve dans les épiceries anglaises de Bruxelles).
Pour le poisson: 200 g de farine, 200 g de farine de riz (+ un peu pour fariner le poisson), 1 teaspoon (1,5 c.à.c.) de baking powder (levure chimique), 1 tablespoon (6 c.à.c.) de miel, 300 ml de vodka, 300 ml de bière blonde, 2-3 l d’huile d’arachide, 4 filets de turbot de 2-3 cm d’épaisseur (ou de cabillaud), sel de table, poivre noir du moulin.
Pour la sauce tartare: 1 oeuf, 300 ml d’huile végétale, le jus d’un demi-citron, 3 c.à.s. de câpres et 10 petits cornichons, estragon, persil, sel & poivre.
Ca a pas l’air croustillant ça!
Les frites:
La veille si l’on veut gagner du temps (mais on peut tout réaliser le même jour), laver et peler les pommes de terre. Les couper en frites d’1,5 cm d’épaisseur puis les placer dans un bol sous un filet d’eau froide pendant 2 à 3 min, pour enlever une partie de l’amidon. Les égoutter.
Faire bouillir une casserole d’eau salée (10 g de sel par litre d’eau), y plonger les frites. Ramener à ébullition et cuire les pommes de terre jusqu’à ce qu’elles soient sur le point de se défaire. Ce sont en effet les fissures qui vont permettre à la graisse de se faufiler et créer ainsi une pellicule bien croustillante. Attention à ne pas trop pas trop faire bouillir l’eau, elle doit être juste frémissante pour éviter que les pommes de terre ne se cassent.
Récupérer délicatement les frites à l’aide d’une écumoire et les placer sur une plaque. Les laisser refroidir et les placer, couvertes, au frigo. L’air sec du frigo favorisera en effet l’évaporation de l’humidité des pommes de terre.
Dans une friteuse, chauffer l’huile d’arachide à 130°C. Plonger les frites et les cuire jusqu’à ce qu’elles aient un aspect sec et légèrement coloré. Bien égoutter les frites et les laisser refroidir sur la plaque. Placer à nouveau au frigo.
(Le lendemain) Faire chauffer l’huile de la friteuse à 190°C et cuire les frites jusqu’à ce qu’elles soient bien dorées. Bien les égoutter et les assaisonner avec un mélange de sel et de sel de mer. Servir éventuellement avec du vinaigre vaporisé grâce à un vaporisateur.
Le poisson:
Dans un bol, mélanger les farines et la levure. Dans un autre mol, mélanger le miel et la vodka et ajouter aux farines. Ajouter la bière et mélanger avec soin jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucun grumeau. Transférer dans un siphon à eau gazeuse, ajouter trois cartouches de CO2, secouer et placer au frigo pendant pendant 30 min au moins au frigo.
Faire chauffer l’huile d’arachide dans une casserole à 220°C (par facilité, nous avons ceci dit utilisé la friteuse des frites…) en vérifiant la température avec un thermomètre.
Rincer les filets de poisson et les sécher avec du papier. Les assaisonner de sel et de poivre et les fariner avec de la farine de riz en veillant à ôter l’excédant de farine.
Retirer le siphon du frigo, bien le secouer et mettre un peu de pâte dans un bol. Y placer un filet de poisson, bien l’enduire de pâte et le plonger dans l’huile bouillante. Pendant la cuisson, verser un bon filet de pâte de chaque côté du poisson pour renforcer la croûte et donc le croustillant. Retirer le poisson quand c’est bien doré. Pour s’assurer que le poisson est bien cuit, insérer un thermomètre à l’intérieur (40°C). Répéter toute cette opération filet par filet, pour éviter que la pâte ne perde de sa légèreté.
La sauce tartare:
Préparer une mayonnaise en mélangeant au fouet (ou, plus facile encore, au Bamix) l’oeuf et le citron, en ajoutant l’huile progressivement en filet.
Hacher finement les cornichons et les câpres. Ciseler tout aussi finement le persil et l’estragon. Ajouter à la mayonnaise, saler et poivrer et mélanger.
Envie de lecture?
Dans « In Search of Perfection », tiré de son émission culinaire sur la BBC, Heston Blumenthal revisite diverses recettes classiques comme le fish & chips donc mais aussi le roast chicken et les roast potatoes, la pizza, le steak, la Forêt noire, la Treacle Tart…
- In Search of Perfection, publié en 2006 par Heston Bluementhal chez Bloomsbury Publishing PLC et la BBC (320 pp., env. 25 £). Nous avons ceci dit trouvé ce livre beaucoup moins cher dans l’excellente librairie-solderie « Book Warehouse ».
J’avais suivi certaines de ses émissions à la télé et je trouvais que le côté « plaisir » de la cuisine disparaissait au profit de (mauvais) souvenirs d’heures interminables de labo à l’école…
Je peux vous assurer qu’il y a du plaisir à déguster ce « fish and chips »! Mais il faudra pas mal de temps pour le préparer… Quand on sait que la plupart des gens ne passent même pas 30 min en cuisine cela peut sembler farfelu. Mais nous sommes des fous…de gastronomie!
Pour en revenir à la chimie, c’est assez intéressant de comprendre certains mécanismes de la cuisine. Par exemple ici, le fait d’utiliser de la vodka, substance moins volatile, permet d’obtenir une pâte plus croustillante! Cela nous intéresse mais effectivement ce n’est pas capital et on peut se régaler d’un plat simple sans trop se poser de questions.
Bref, tous les goûts sont dans la nature. Mais ça, vous le saviez déjà!
J’aime beaucoup l’émission même si parfois les recettes sont trop longues. Pour le fish&chips, j’ai bien aimé la recette Rick Stein.
Effectivement les recettes sont super longues et décourageantes… Mais c’est vraiment une démarche intéressante cette quête de la perfection.
Je vais essayer de trouver la recette de Rick Stein pour comparer.
Merci pour ta visite!
j’ai essayé la recette, ne donne pas vraiment le même resultat. on obtient un croquant mais aucune épaisseur. ressemble plus a un enrobage
Cher Laurent,
Excusez-nous pour cette réponse tardive mais nous étions en vacances. Alors oui ce n’est pas la classique batter anglaise, une épaisse couche de pâte autour du poisson. Ici Heston a plutôt cherché la légèreté et le croustillant maximal. On a testé sa recette et comme vous pouvez le voir sur les photos le résultat était top!
Bonjour,
Il ne faut surtout pas rincer les frites pour en retirer l’amidon car c’est celui-ci qui permet le croustillant de la frite. Deux bains de friture, 1er à 160 et second à 180°c et pas ébouillanter dans l’eau!!!
Tout bon belge vous le dira…
L’idéal est de cuire les frites en 2 bains successifs dans la graisse de boeuf (160°c puis laisser refroidir puis 180°C) Le but est de produire une carapace imperméable autour de la frite afin que l’huile n’y pénètre surtout pas trop et que la frite ne soit pas trop grasse et molle. Donc, l’idée d’ébouillanter à l’eau pour créer des fissures pour que la graisse s’infiltre est ridicule à mon sens.
Cher Depireux, cher Albert,
Bien sûr que les frites belges, l’une de nos rares fiertés nationales, sont bonnes…
Mais ici justement, ce ne sont pas des frites à la Belge mais à la Heston Blumenthal… un Anglais. Une recette testée et approuvée vraiment incroyable (même si très longue).
Et bien sûr qu’il ne faut pas « rincer » les frites à l’eau mais bien les « égoutter » entre les cuissons.
L’idée ici que la frite soit tout sauf molle, au contraire entièrement croustillante… La précuisson des pommes de terre avant les bains de friture et le refroidissement entre les cuissons donnent vraiment un résultat incroyablement croustillant!
Essayez cette procédure avant de vous faire un avis. Vous verrez que le résultat des recherches d’Heston est franchement intéressant!
Cher Le garçon
Dans la recette des frites, je lis pourtant bien; »sous un filet d’eau froide pendant 2 à 3 min, pour enlever une partie de l’amidon » Mais dès demain je ferai cette recette et vous ferai part de mes impressions meilleure manière d’éviter l’a-priori, vous avez déjà raison sur ce point. A bientôt.
Vous avez raison Albert. Je pensais que vous parliez de rincer les frites après cuisson. Je n’avais pas relu cette recette, qu’on a fait il y a un bon bout de temps déjà.
Et n’hésitez pas à laisser les frites cuire longuement à l’eau. Elles ne doivent pas finir en purée mais être sur le point de se défaire. C’est le point critique de la recette. Cela conditionne vraiment le résultat final. J’espère que ça vous plaira!
Hubert (Le garçon)