Du 20 au 26 septembre, on prendra le temps de “Goûter Bruxelles” dans une bonne cinquantaine d’adresses de la capitale… Ou quand le Slow Food commence par sérieusement s’imposer dans la gastronomie…
© Alexandre Bibaut
La semaine prochaine, Bruxelles va ralentir la cadence en se mettant à l’heure du Slow Food. Promenades gourmandes, ateliers culinaires, découverte du miel de Bruxelles, cours de jardinage bio, colloque sur l’avenir de l’alimentation durable dans l’Horeca, pique-nique au parc… Pour la 3e édition de “Goûter Bruxelles”, de très nombreuses activités seront proposées aux curieux et aux amateurs d’une alimentation plus saine. Et les chefs sont toujours plus nombreux à s’associer à l’opération. Gastronomiques ou simples snacks, autant d’adresses conscientisées qui adhèrent donc à la charte Slow Food, organisation lancée en 1989 en Italie par Carlo Petrini.
Et en 20 ans, le Slow Food a largement dépassé l’effet de mode pour s’installer durablement dans l’univers de la gastronomie italienne : Salon du goût de Turin (en octobre), innombrables guides gastronomiques, livres de recettes, label pour les restaurants… Le Slow Food occupe là-bas une place très importante, s’étant imposé comme un véritable pouvoir culinaire… Et le mouvement est aujourd’hui en passe de s’imposer un peu partout dans le monde, ayant fait des émules des Etats-Unis à la France en passant par la Grande-Bretagne.
Pour Catherine Piette, participer à “Goûter Bruxelles” est presque redondant. En effet, avec son associée Christine Lefebvre (photo), elles sont membres fondatrices de Karikol, le convivium Slow Food bruxellois. Et cela fait exactement deux ans qu’elles ont lancé leur snack “Trop Bon” dans l’idée de passer de la théorie à la pratique en proposant une cuisine respecteueuse des valeurs du mouvement. Aux adjectifs de la charte Slow Food que s’engagent à respecter les participants – utiliser des ingrédients bons (qualité), propres (environnement) et justes (équitables) –, elle en ajoute un quatrième : “local”. “Il y a d’excellentes spécialités italiennes, françaises ou anglaises mais j’essaye vraiment de mettre en valeur des produits du terroir. L’autre jour, j’ai par exemple donné dans un cours la recette d’un œuf cocotte au Pas de bleu de Hinkelspel. C’est un bleu extraordinaire, produit près de Gand. Pourtant, si tout le monde connaît le roquefort, la fourme d’Ambert ou le gorgonzola, ce fromage belge est totalement inconnu…”, explique Catherine Piette. “On a plein de bons produits mais souvent faits par des producteurs qui restent modestes, qui ne font rien pour se faire connaître. Le Slow Food justement, c’est aller au-delà du discours marketing. Je dis toujours aux gens que s’ils veulent des produits, il ne faut plus aller au supermarché mais revenir aux marchés de producteurs, adhérer à un Groupe d’achat solidaire… Bref, revenir à des circuits courts.”
Pour elle, il ne s’agit pas d’une tendance, d’un effet de mode mais bien d’une lame de fond plus profonde… “Ce n’est pas encore mainstream mais je pense que le durable est inéluctable. Il faut que l’on prenne conscience que le pic pétrolier est derrière nous, qu’il faut revenir à des choses plus raisonnables…” Ainsi, on ne trouve que deux sortes de poisson chez “Trop bon” : un saumon d’élevage d’Irlande et des sardines de l’Atlantique en boîtes… “Il faut qu’on redevienne conscient du fait que ce que l’on mange, ce sont des gens et la Terre qui l’ont produit et que l’on fait partie de cela. La bouffe devient trop virtuelle aujourd’hui…” Mais cette femme qui a décidé de faire de sa passion un métier n’est pas non plus une Ayatola… “Au resto, nous ne sommes bio qu’à 90 %. En effet, je refuse de me passer de produits que j’aime, comme certaines bières par exemple, dont les petits producteurs n’ont pas les moyens de se faire certifier bio, même s’ils travaillent de façon raisonnée.”
A l’image de “Trop bon”, de nombreux snacks se sont lancés dans cette démarche raisonnée, comme “Sikou” ou même “Exqi” par exemple. Mais le Slow Food gagne aussi les cuisines des restaurants. Ainsi, ils sont une bonne cinquantaine cette année à participer à “Goûter Bruxelles”, et pas des moindres : “Comme chez soi”, “ Le pigeon noir”, “ Le coriandre”, “ Rouge tomate”, “ Jaloa”, “ Notos”, “ La table d’Evan”… Chef et copropriétaire du sympathique “Bistro de la Poste” à Ixelles, le Français Maxime Herbert (photo) s’associe également à la démarche. “L’événement est assez représentatif du travail que l’on fait dans le courant de l’année avec les produits proposés à la carte, explique-t-il. C’était logique pour nous de participer puisque cela ne nous demandait pas d’effort particulier. En cuisine comme avec les vins, notre politique est en effet de mettre en avant des choses de qualité, de remettre à l’honneur des produits oubliés ou des races quasi-disparues.” Ainsi, au menu Slow Food du “Bistro de la Poste” pourra-t-on goûter à un “suprême de Coucou de Rennes rôti au thym, jus à la fève tonka et crème de panais”, soit une volaille à rôtir retrouvée grâce au travail acharné de Paul Renault en Bretagne depuis les années 80.
“On observe une évolution du public, beaucoup plus conscient qu’il y a 4 ou 5 ans de ces notions de qualité élémentaires mais qui souffrent face au lobbying de la grande distribution. Mais il y a encore beaucoup de travail à faire, notamment sur la médiatisation”, estime M. Herbert, ravi de partager cette démarche de qualité et de recherche de produits rares avec d’autres restaurants, étoilés ceux-là, comme “La Brasserie de la Paix” à Anderlecht, “Le Dôme” à Anvers ou encore “Bon-Bon” à Uccle.
En son “Bon-Bon”, le gaillard Christophe Hardiquest participe d’ailleurs lui aussi à Goûter Bruxelles pour la troisième année. “La philosophie est belle. Il faut que l’on arrive à mettre tout le monde d’accord sur cet état d’esprit, de retravailler avec des artisans et des producteurs proches de nos maisons… Aujourd’hui, on ne connaît plus ce qu’on a à côté de soi.” Pour le chef étoilé, cette notion de local est en effet primordiale, comme en témoigne cette tartine au fromage blanc bruxelloise revisitée qu’il a mise au point pour l’occasion. “Je préfère la petite production plutôt que des multinationales. Je suis également pour le commerce équitable, pour que tout le monde puisse vivre dignement du travail qu’il aime. Surtout en ces temps de crise, il faut revenir aux métiers manuels.” Joignant le geste à la parole, Hardiquest travaille depuis trois ans avec son beau-frère, devenu son jardinier à Dour, comme Sang-Hoon Degeimbre peut le faire avec Benoît Blairvacq. “Aujourd’hui, 95 % des légumes servis au resto viennent du jardin. Cela demande un peu d’efforts mais il s’agit d’un mouvement de fond chez tous ceux qui aiment leur métier, qui ont envie qu’une pomme ait le goût de la pomme et qu’elle ne soit pas bourrée de pesticides…”
Car pour Hardiquest, il est aussi question de santé. “On a été trop loin. Certains pays sont en avance, comme la Californie par exemple. Cela fait 20 ans qu’ils sont en bio et les gens ne s’en portent pas plus mal. Il est temps d’arrêter les bêtises et de revenir à plus de proximité, à de vraies relations entre les hommes. C’est de là que je viens, ce sont mes souvenirs d’enfance…” Ceux d’un gamin de la région liégeoise dont la grand-mère cultivait en son jardin rutabagas, topinambours et autres légumes aujourd’hui un peu oubliés… “En tant que professionnels de l’alimentation, nous avons un rôle d’éducateur à jouer. Il faut enrayer le système mis en place, se révolter. Il faut que les gens changent leurs réflexes de consommation. J’ai trois enfants et j’ai envie qu’ils mangent correctement. Je leur donne de bonnes choses et je vois bien qu’ils ne sont jamais malades… Il s’agit aussi d’un investissement sur la santé !”
Et cette prise de conscience chez le chef a évidemment eu une influence sur la cuisine de “Bon-Bon”. “Aujourd’hui, je mange moins et mieux. Du coup, ma cuisine est moins lourde, plus fraîche. Je n’ai plus honte d’utiliser du cru par exemple. Dans cette démarche, les nouvelles techniques, comme la cuisson basse température, nous aident beaucoup”, conclut Christophe Hardiquest, ambassadeur passionné du Slow Food.
© Alexandre Bibaut
Une semaine pour ralentir
- Le programme complet des événements et la liste de l’ensemble des restaurants participant à cette 3e édition de Goûter Bruxelles sont disponibles sur le site.
Rens.: www.gouterbruxelles.be.
Réfléchir à l’avenir de la cuisine
- Le lundi 20 septembre, de 8h45 à 12h30, se tiendra le colloque « L’alimentation durable est-elle l’avenir de l’Horeca ? » avec notamment divers ateliers sur les attentes des consommateurs, la communication, la faisabilité pratique et la formation. A midi, le grand Marc Veyrat concluera la rencontre en assurant que “L’avenir passe par la cuisine environnementale”.
Entrée libre. Inscription à [email protected]. Brussels Info Place: 2-4 rue Royale 1000 Bruxelles.
Tous au parc de Bruxelles!
- Goûter Bruxelles se clôturera le dimanche 26/9, de 12h à 16h, par un grand pique-nique dans le Parc de Bruxelles. Seule condition pour y participer? Amener un plat ou une boisson à partager avec les autres participants…
Sicile gourmande
- Lundi et mardi, se tiendra aux Caves de Cureghem un marché des producteurs bio siciliens, où seront également organisés des ateliers culinaires et des projections du documentaire « La clé volée de la Cité du grain ».
Lundi 20 et mardi 21 de 11h à 21h. Abattoirs d’Anderlecht 24 rue Ropsy-Chaudron 1070 Bruxelles.
tout cela est plein de bon sens et on ne peut qu’adhérer à ce type de démarche….(qui n’est pas encore tout à fait perdue dans quelques familles où l’on a gardé le plaisir des beaux potagers)