“C’est la première fois qu’un chef nous demande de ne plus figurer dans le guide”, a déclaré Mme Dorland-Clauzel, membre du comité exécutif du groupe Michelin. Tout en précisant que, le guide étant responsable de sa ligne éditoriale, le retrait “ne sera pas automatique”…
Michel Bras, un précurseur
Tempête dans le petit monde de la gastronomie française ! Le Michelin va perdre l’un de ses trois étoiles les plus emblématiques : “Le Suquet” en Aubrac. Non pas suite à une sanction du guide rouge mais selon le souhait du chef Sébastien Bras, qui a demandé à ne pas être repris dans l’édition 2018 du Michelin. Sans doute pour faire retomber la pression qui pèse sur ses épaules depuis qu’il a repris en 2012 les cuisines de son père, le génial Michel Bras.
Dans les années 90, la cuisine de Michel Bras fut l’une des plus créatives. A l’époque, elle attire tous les regards. Y compris ceux des inspecteurs du Michelin, qui lui décernent la récompense suprême en 1999. Depuis, de nombreux gourmets ont fait le pèlerinage dans ce beau paquebot perché sur une colline surplombant le village de Laguiole.
Tout là-haut, entouré par une nature sauvage, on comprend l’influence que celle-ci a pu avoir sur celui qui fut l’un des précurseurs de la cuisine végétale, notamment avec son célèbre “gargouillou” de plantes et de fleurs. En remettant au goût du jour la cueillette, Bras est en effet clairement l’un des pères spirituels de la nouvelle cuisine scandinave qui triomphe aujourd’hui. Même si le chef français ne délaissait pas pour autant la tradition locale, servant par exemple un superbe filet pur d’Aubrac avec un aligot à la tome de Laguiole à tomber.
Dans les pas de son père
En 2011, à 65 ans, Michel Bras assurait tranquillement la transition, cuisinant en tandem avec son fils Sébastien. Ce passage de témoin fut même le sujet d’un très beau documentaire présenté au festival de Berlin en 2012, “Entre les Bras”, de Paul Lacoste. Depuis, Michel s’était concentré sur son jardin, tandis que Sébastien avait entretenu la flamme de la cuisine de son père, toujours aussi moderne car en avance sur son temps. A la carte du restaurant, on retrouve en effet toujours le gargouillou ou, en dessert, le “coulant”, autre classique de Michel Bras.
Est-ce pour se libérer de cette filiation et faire enfin sa propre cuisine que Sébastien Bras a demandé à ne plus figurer au Michelin ? Il explique en tout cas vouloir “ouvrir un nouveau chapitre de sa vie professionnelle sans la récompense du guide rouge, mais avec autant de passion pour la cuisine”.