Geert Declerck est le directeur de VisitFlanders à Paris, l’équivalent du Centre Wallonie-Bruxelles. Il est chargé de mettre en avant le savoir-faire unique de sa région (et de Bruxelles). “C’est une envie politique de positionner la Flandre d’un point de vue touristique comme une destination pointue en matière d’artisanat, tant en matière de gastronomie, de mode que de design. On montre qu’on fait bien les choses.”
Gert De Mangeleer et Joachim Boudens, les nouvelles stars de la gastronomie flamande…
Ce travail de “lobbying” (terme totalement assumé par M. Declerck) consiste par exemple à organiser tous les mois à Paris des “Tables ouvertes” mettant en valeur une ville d’art (Bruxelles, Gand, Bruges, Anvers, Louvain et Malines) et l’un de ses chefs, des rencontres modérées par le grand critique gastronomique du “Point” Gilles Pudlowski. Lequel a eu droit à un traitement de faveur : on lui a organisé un tour de ces villes, où il a pu visiter toutes les tables étoilées ! Un hébergement sur mesure pris en charge pas la Région et les villes concernées. Tandis que lorsque le “Hertog Jan” a obtenu ses trois étoiles, ont été invités dans le dernier hôtel particulier des Champs-Elysées, le 30 septembre 2012, 250 journalistes de la presse gastronomique et lifestyle… “Retour impressionnant !”, assure M. Declerck.
Gert De Mangeleer et Joachim Boudens apprennent qu’ils reçoivent la
3e étoile pour leur « Hertog Jan » en novembre 2011…
Tourism Vlaanderen fait également régulièrement venir des journalistes et blogueurs étrangers en Flandre, que ce soit de Paris mais aussi de chacune des 12 antennes mondiales de l’organisme de promotion de la Flandre, à Tokyo, Londres, New York, Amsterdam… “En France, c’est audacieux, en terme de gastronomie ou de mode (avec Anvers), de dire que nous aussi on compte… Mais à force de le dire, cela finit par payer. (…) Dans l’Horeca, on communique rarement directement avec le client final, on passe par le journaliste. On le soigne bien, après il peut écrire objectivement ce qu’il veut. On ne l’achète pas mais on n’a pas honte de l’inviter.”
Et en Wallonie ?
Si la Flandre a une ardeur d’avance quand il s’agit de soutenir sa gastronomie, les choses commencent à bouger en Wallonie, notamment avec le lancement, en septembre dernier, de Génération W. Soutenue par le ministre wallon de l’Economie Jean-Claude Marcourt (PS), séduit par le fait que le projet associe chefs et producteurs, l’initiative vise à mettre en lumière la gastronomie locale, notamment à l’étranger. “Il faut qu’elle soit reconnue à l’international pour briller à l’intérieur du pays”, expliquait l’initiateur du projet Sang-Hoon Degeimbre. Qui précise que « Génération W » invitera des blogueurs ou des critiques étrangers influents…
C’est San Degeimbre de « L’air du temps » qui a pris l’initiative de lancer Génération W.
Les photos décalées d’Anthony Florio, esprit rock & roll pour Génération W…
Cofondateur de l’asbl avec le patron de ”L’air du temps” à Liernu et Benoît Cloës (“Le Libraire Toqué” à Namur), Jean-Luc Pigneur est l’une des chevilles ouvrières de cette communication nouvelle autour des chefs wallons. Formé à l’école hôtelière, traiteur à “L’atelier Vieusart” et fondateur de la “Vieusart Academy of Culinary Arts” (qui vise à parfaire la formation des jeunes en matière de haute gastronomie), M. Pigneur ne cache pas qu’il a fallu attendre cette initiative privée pour que les choses bougent.
Génération W a cependant été porté sur les fonds baptismaux grâce à une dotation du cabinet Marcourt, via l’initiative “Creative Wallonia”. “C’est une manière de montrer que la Wallonie est une terre de gastronomie. On l’oublie trop souvent, explique Gaël Lambinon, attaché de presse du ministre. Bruxelles et la Flandre sont très actives alors que la Wallonie est toujours associée aux plats mijotés, à une cuisine d’antan. Il faut casser cette image vieillotte.” Marcourt a ainsi accordé une subvention de 200 000 euros à l’asbl « Génération W » qui s’engage à faire la promotion de la gastronomie wallonne aux niveaux national et international (dans le cadre de missions de l’Awex par exemple) mais aussi à favoriser le réseautage, à créer un écosystème entre les chefs et les producteurs.
Clément Petitjean de « La grappe d’or » à Torgny.
Cette aide financière de départ a permis de lancer les premières initiatives : création d’une page Facebook et d’un site Internet, lancement d’un livre (cf. ci-dessous)… Tandis que, la semaine dernière, étaient invités 5 journalistes et blogueurs parisiens, qui ont visité 5 des 10 restaurants partenaires (“L’air du temps”**, “Le château du Mylord”**, “L’atelier de Maxime”*, “La grappe d’or »* et « Le Coq aux champs »*) et 5 producteurs. Une opération semblable sera menée au printemps chez les autres participants. Enfin, l’asbl est aussi en discussion avec la RTBF pour une série de capsules de 90 sec mettant en scène la rencontre d’un chef et de l’un de ses producteurs), tandis que les chefs seront présents au 1er Salon du chocolat de Bruxelles en février puis au Salon Horecatel à Marche-en-Famenne en mars.
San Degeimbre, Mario Elias, Christophe Pauly, Clément Petijean, Maxime Collard, les frères Thomaes, David Martin, Arabelle Meirlaen, Laury Zioui et Pierre Résimont, le « noyau culinaire wallon » de Génération W.
Génération W: ode au terroir wallon – Le livre
Première grande opération de communication pour « Génération W », la publication d’un livre la semaine dernière, intitulé « Une Terre, des hommes et des recettes ». Le journaliste René Sépul et les photographes Anthony Florio (auteur de portraits plutôt décalés et des clichés des recettes) et Nils Van Brabant (portrait des producteurs) partent à la rencontre des 10 chefs associés au projet (et de 6 jeunes pousses très prometteuses). Chacun des 10 chefs étoilés nous fait découvrir 5 producteurs et artisans avec lesquels il travaille, qu’il met en valeur grâce à une recette.
Une démarche qui fait partie intégrante du projet. En signant la charte “Génération W”, les chefs s’engagent en effet à travailler les produits locaux et à valoriser les savoir-faire artisanaux… Pierre Résimont de “L’eau vive”** nous met ainsi l’eau à la bouche en présentant la truite fumée de la Pisciculture d’Annevoie, qu’il marie au foie gras, au poivre timut, à la betterave et à la pomme verte. Eric et Tristan Martin (“Lemonnier”*) préparent une “croûte d’épeautre, oeuf sur le plat, herbes et lard grillé” avec les farines du Moulin de Hollange. Bref, un bel ouvrage qui donne vraiment envie de sillonner les routes de Wallonie à la découverte de son terroir !
- Publié à la Renaissance du livre (256 pp., env. 25 €).
Disponible en version électronique chez BeBooks.