Après “Mange Bruxelles”, le journaliste René Sépul remet le couvert avec un tout aussi gourmand et réussi “Mange Wallonie”…

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La convivialité selon « Le bouchon et l’assiette » à Soignies…
Photos Cici Olsson

Le concept est bien rôdé… En 2011, le journaliste René Sépul (bien connu des lecteurs de “La Libre Essentielle”, où il officia des années) proposait avec « Mange Bruxelles » un formidable tour de la capitale. A son menu, 22 restos, petits ou grands, connus ou non, que l’on découvrait non seulement par un texte de présentation classique (quoiqu’à l’écriture très personnelle) et quelques recettes de ses chefs, mais aussi et surtout à travers leurs habitués, parfois connus, le plus souvent anonymes. Sans oublier de superbes clichés et portraits signés Cici Olsson, tout en ambiance.

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Bonne ambiance ce soir-là à « La Canette » à Durbuy…

“La buvette”, “Les filles Plaisir culinaire”, “Bon Bon”, “Le coin des artistes”, “Notos”, “Comme chez soi”, “Orphyse chaussette”, “Le pigeon noir”… Que l’on soit dans un étoilé ou un petit bistrot canaille, l’accent était mis avant tout sur la gourmandise. Dans la préface de “Mange Wallonie”, René Sépul explique avoir eu un peu plus de mal “à trouver en province l’équivalent du bistrot gourmand”. Ce qui explique la proportion nettement plus élevée de tables Michelin dans ces pages, en commençant par “L’eau vive” de Pierre Résimont (deux étoiles), mais aussi les étoilés “Lemonnier”, “Le Cor de chasse”, “La grappe d’or”, “Le moulin hideux”, “L’éveil des sens”, “D’Eugénie à Emilie”, “Le prieuré Saint-Géry”, “L’impératif” et “Le cor de chasse”. Soit un peu moins de la moitié des 25 adresses recensées ici. L’auteur avoue en effet encore faire confiance, en tout cas pour la Wallonie, à un guide rouge pourtant de plus en plus critiqué ces dernières années…

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Toute l’équipe du canaille “Zabonprés” à table les pieds dans l’Amblève, qui borde leur ferme-restaurant de Stoumont. Qui s’est lancé, cet hiver dans“Zabonneige” à Saint Martin de Belleville… en Savoie !

Mais ce qu’il retient de ses pérégrinations dans le sud du pays est ailleurs : “Une différence avec la capitale, c’est la force et l’humanité qui portent certains cuisiniers, cette cohérence entre l’être et le projet, entre un chef et son projet, que l’on ne retrouve pas toujours dans la capitale. En province, c’est comme s’il fallait davantage encore se battre pour défendre ce que l’on aime. En être littéralement habité. On ne peut pas tricher en province…” On pourrait ajouter l’importance de la famille; c’est flagrant dans les aventures de “La Cantina” à Liège, de “Zabonprés” à Stoumont ou du “Sanglier des Ardennes” à Durbuy. Mais aussi des histoires d’amitié. Il suffit de lire les souvenirs de foot de la bande du “Olé Olé” (devenu le plus chic “Pica Pica” à Liège) ou le récit des virées en Bourgogne de Dominique Maistriaux (chef du “Bouchon et l’assiette”) en compagnie d’Eric Fernez (“D’Eugénie à Emilie”) pour avoir une petite idée de ce que signifient la convivialité et la vraie gourmandise ! Une histoire de plaisir, de sensations primaires mais surtout de partage.

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Jean-Sébastien Uhoda de “La Cantina” à Liège en pleine conversation avec un habitué, Jean-Louis Colinet, directeur du Théâtre national et du Festival de Liège

C’est exactement ce que tente de faire, et réussit, René Sépul : partager ses coups de cœur pour un chef, ses restos préférés et l’ambiance qui s’en dégage. Car il le répète à l’envi : “Je ne suis pas un critique gastronomique, je suis un journaliste culinaire.” Ce qui signifie, au passage, qu’il donne accès à des expériences que ne vivront jamais les clients lambda, qui n’auront pas accès aux samedis après-midi de “L’éveil des sens” à Montigny-le-Tilleul, où le sympathique Laury Zioui cuisine pour ses amis les bas morceaux qui lui restent sur les bras – le bonhomme achète en effet ses bêtes entières ! –, dans des plats canailles qu’il n’oserait pas servir à sa table étoilée… A tort selon Sépul ! Qui se souvient, ému, de cabri corse : “Un chevreau comme tu n’en as jamais mangé, explique le chef originaire du Maroc, préparé façon tajine, à la marocaine, avec les petits pois, les olives taggiasches et le citron confit !” Ou de cette improvisation autour d’un “risotto aux truffes avec cuisse de caille confite”. “L’émotion envahit les yeux, le nez, la bouche…”, commente l’auteur.

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Risotto aux truffes avec cuisse de cailles confite, une improvisation pour 
ses amis signée Laury Zioui à “L’éveil des sens”…

Ce refus de la critique pourra en agacer certains. Ainsi Sépul peut affirmer sans gêne n’avoir jamais mangé au “Prieuré Saint-Géry”, table qu’il présente pourtant avec enthousiasme… Tandis que l’on peut discuter le choix de certaines tables (“effectué en toute subjectivité”), pour lesquelles on ne traverserait sans doute pas toute la Wallonie. Ou s’étonner de trouver trois adresses à Durbuy, la plus petite ville du monde… Reste pourtant que “Mange Wallonie” donne sacrément envie d’aller au resto et, plus encore, de mieux connaître les gens derrière leur toque, de devenir, presque, leurs amis. Une expérience interdite au critique…

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Jean-Marie Delrée, de « La bouteille à la mer » à Huy,avec Philippe Thieffry, oenologue chez Veuve Clicquot


Parole d’habitué

Parmi les habitués des restaurants à qui “Mange Wallonie” donne la parole, on trouve des VIP (Eric Boschman, Pierre Marcolini, Franco Dragone ou Marc Ysaye) mais aussi et surtout des anonymes. Comme Jean-Claude Hoferlin, instituteur retraité, auteur et journaliste, qui a découvert la gastronomie notamment grâce à Mario Elias, chef du “Cor de chasse” à Wéris.

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« La haute gastronomie, c’est un peu comme la cinéphilie, un autre plaisir que j’ai découvert avec l’âge. Je refuse de me dire cinéphile, œnophile ou même gourmet… mais j’aime ça. Au début, au cinéma, j’étais intéressé par les grosses productions. Puis à force, nous avons été voir des films plus pointus. Si j’avais commencé par des films d’auteurs, je n’aurais peut-être pas accroché. Mais maintenant, je ne veux plus que ceux-là. Il faut un écolage, puis un cheminement. En restauration, c’est la même chose. Il y a la table de la maison, puis le cheminement pour comprendre et distinguer celles qui en valent vraiment la peine.”


Envie de lecture?

mange wallonie,livre restos wallons,rené sépul,cici olssonMange Wallonie

Un tour de Wallonie gourmand en 25 maisons, des conversations à bâtons rompus et 240 recettes de chefs. On dévore!

  • Publié par René Sépul et Cici Olsson chez Sh-Op Editions (320 pp., env. 30€).

mange wallonie,livre restos wallons,rené sépul,cici olssonMange Bruxelles

En 2011, le duo faisait le tour de 22 restaurants de la capitale en compagnie de 83 invités et autour de 200 recettes de chefs. Une réédition mise à jour est prévue d’ici la fin de l’année. On a hâte!

  • Publié par René Sépul et Cici Olsson chez Sh-Op Editions (304 pp., env. 30 €).

mange wallonie,livre restos wallons,rené sépul,cici olssonLa Belgique, le vin

Après le très chouette «Bruxelles vins» chez 180° Ed. (134 pp., env. 19€), le duo remettait le couvert avec ce guide des vins pas comme les autres et très remarqué. Indispensable!

  • Publié par René Sépul et Cici Olsson chez Sh-Op Editions (220 pp., env. 25 €).

A venir

Mange Flandre

Le tour de Belgique entamé avec “Mange Bruxelles” et “Mange Wallonie” se terminera bien entendu, sans doute en 2014, avec un logique “Mange Flandre”, sur lequel René Sépul commence à travailler. On est plus qu’impatients!