C’est l’heure du bilan pour Brusselicious et d’évoquer un de nos nos produits phares, la frite, à travers un colloque sur ses origines.

Frites belges, Frecnh Fries, Brusselicious, spécialité belgePhoto Brusselicious…

“Brusselicious » a été un succès. Le site Internet créé pour l’occasion a ainsi accueilli 1,35 million de visiteurs uniques, tandis que les événements riches et variés se sont enchaînés toute l’année, attirant de nombreux Bruxellois et Belges mais surtout les touristes. But avoué de cette année bruxelloise de la gastronomie mise sur pied par la Région bruxelloise, après la BD en 2009 et la mode et le design en 2006.

Inauguré avec un peu de retard en mars, le “Tram Experience” a emmené sur les rails de la Stib quelque 12 500 personnes, qui ont pu profiter d’un dîner itinérant conçu par un chef étoilé. Nettement plus haut (de gamme), le “Dinner in the Sky” – où se sont notamment illustrés Yves Mattagne (“Sea Grill”**), Lionel Rigolet (“Comme chez soi”) ou Pascal Devalkeneer (“Châlet de la forêt”**) – a attiré 2 000 curieux. Enfin, le très agréable festival “Eat ! Brussels” a, durant 4 jours, à la mi-septembre, réuni 25 000 personnes dans le Bois de la Cambre, qui ont découvert des restaurants bruxellois populaires mais aussi des cuisines venues d’ailleurs. Ces événements qui ont eu un tel retentissement dans la capitale qu’ils devraient tous être reconduits ou presque l’année prochaine !

Pour mettre un terme cette année gourmande, restait à évoquer un des produits qui fait la renommée mondiale de la Belgique, la frite et ses baraques. Pour ce faire, un “Fritkot Festival” a été organisé, du 1er novembre au 4 décembre. Quelque 50 000 paquets de frites ont été distribués au prix de 1 € et quelque 2 300 personnes ont participé à l’élection du meilleur fritkot de l’année, parmi 19 participants (les gagnants cf. ci-dessous).

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Egalement indissociable du hamburger américain, la frite est désormais universelle…

Afin de clôturer ce mois consacré à la frite, le 13 décembre avait lieu un débat intitulé “Frite belge ou French Fries ?”, auquel participait Albert Verdeyen (chroniqueur gastronomique), Pierre Leclercq (ULB), Madeleine Ferrière (historienne et écrivain française) et Roel Jacobs (Visitbrussels). De quoi essayer de tirer au clair l’origine d’un produit qui tient au cœur de chaque Belge ! Les uns affirment qu’elle est née sur un pont de Paris, les autres sur les bords de la Meuse : Français et Belges revendiquent en effet la paternité de la frite, ce plat emblématique dont les origines plongent dans la culture populaire des deux pays.

“La frite est une fille de la cuisine de rue, de basse extraction. C’est pour cela qu’il est difficile d’établir son certificat de naissance”, explique l’historienne française Madeleine Ferrière. Le mystère des origines du bâtonnet de pomme de terre trempé dans l’huile bouillante intrigue les spécialistes de la gastronomie, en particulier en Belgique, où la frite fait partie du patrimoine national. “Les Belges adorent les frites mais il n’y a eu aucune recherche scientifique sérieuse sur ce sujet jusqu’à récemment”, souligne Pierre Leclercq, professeur à l’Université de Bruxelles, lors du débat sur “les origines de la frite” qui s’est récemment tenu à Bruxelles en clôture de l’Année de la gastronomie, Brusselicious.

Ce flou historique a permis à de multiples hypothèses, voire de légendes, de prospérer. En France, est ainsi défendue la “pomme frite Pont Neuf”, qui aurait été inventée par des marchands ambulants sur le plus vieux pont de Paris au lendemain de la Révolution de 1789. “Ils proposaient de la friture, des marrons chauds et des tranches de patate rissolées”, raconte Madeleine Ferrière. Cette thèse a longtemps été en vogue, notamment auprès des écrivains. “C’est parisien le goût des frites”, écrit ainsi Louis-Ferdinand Céline dans “Voyage au bout de la nuit”. Mais pour les défenseurs de la frite belges, celle-ci serait née à Namur. Ses habitants avaient l’habitude de pêcher dans la Meuse du menu fretin et de le faire frire. Ce qui fut impossible lorsque la rivière gela lors d’un hiver particulièrement rigoureux au milieu du XVIIe siècle. A la place, ils découpèrent des pommes de terre en forme de petits poissons, selon Pierre Leclercq, qui relate cette histoire tout en la jugeant peu vraisemblable.

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Il n’y a pas que les frites belges. Et le fish & chips alors? Ici selon Heston Blumenthal, dont les fites sont difficiles à réaliser mais exceptionnelles…

“Finalement, on se fiche d’où vient la frite. L’important, c’est la façon dont elle a été adoptée”, lance Roel Jacobs, spécialiste de la culture de Bruxelles. “Les Français et les Belges ont choisi des voies différentes. Pour les premiers, la frite accompagne une viande, normalement un steak, alors que les Belges mangent souvent les frites seules, accompagnées d’une sauce.” “Nous, les Belges, avons fait de la frite un produit noble, pas un simple légume”, renchérit Albert Verdeyen, cuisinier et co-auteur de l’ouvrage “Carrément frites” (cf. ci-dessous). “Et surtout, nous maîtrisons mieux que quiconque l’art de la double cuisson, afin qu’elles soient dorées et croustillantes.” On rajoutera une autre différence majeure, plus décisive encore, la cuisson en Belgique dans de la graisse de bœuf (voire de cheval pour certains puristes et dans certains restaurants) et non à l’huile végétale !

Si les Français piquent la frite avec une fourchette dans une assiette, au restaurant ou à la maison, les Belges préfèrent nettement la manger avec les doigts, à n’importe quelle heure. S’est ainsi développé un réseau serré de fritkots et autres baraques à frites, sur les places, le long des boulevards ou devant les gares de Wallonie comme de Flandre. “Il y a 5 000 friteries et plus de 90 % des Belges y vont au moins une fois par an”, affirme fièrement Bernard Lefèvre, président de l’Union des frituristes. “Aller à la friterie, c’est le comble de la belgitude, résume Philippe Ratzel, qui possède le fritkot “Clémentine”, l’un des plus populaires de Bruxelles (cf. ci-dessous). “Chez moi, vous pouvez rencontrer en même temps la petite vieille qui s’arrête en promenant son chien, l’étudiant ou le ministre qui habite dans le coin.”

Mais, à l’intérieur des baraques, les choses changent : les frituriers d’origine étrangère sont de plus en plus nombreux, comme en témoigne l’entrée du mot “frietchinees” (“friturier chinois”) dans le Van Dale, suite au vote des internautes du mot de l’année organisé il y a quelques semaines par le dictionnaire de référence de la langue néerlandaise en Belgique…

 

Envie de lecture?

frites belges,frecnh fries,brusselicious,spécialité belgeCarrément Frites: Pour tout savoir sur les frites, notre fierté nationale.

  • Publié par Hugues Henry et Albert Verdeyen à la Renaissance du Livre (150 pp., env. 24€).

Les meilleurs fritkots de Bruxelles

Sans surprise mais avec raison, la Maison Antoine (Place Jourdan 1040 Bruxelles. Rens.: www.maisonantoine.be) a été élue meilleur fritkot de l’année par les 2300 participants au concours Brusselicious. A la 2e place, on retrouve l’assez décevante friterie Chez Clémentine (place Saint-Job à Uccle. Rens.: www.chezclem.be) et, à la 3e place, Chez Fernand (187 av. Georges Henri 1200 Woluwe-Saint-Lambert. Rens.: www.chezfernand.be), qu’il faudra encore découvrir…

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Le secret des frites belges

Pour de bonnes frites, on optera pour une double cuisson à la graisse de bœuf (type Blanc de bœuf). Une première cuisson à 160°C pendant 5-6 min puis une seconde cuisson d’1-2 min à 185°C. Certains conseillent de laisser reposer 30 minutes les frites sur du papier absorbant entre les deux bains.

frites belges,frecnh fries,brusselicious,spécialité belgeDe bonnes frites surgelées

Parce que, soyons honnêtes, c’est parfois facile de faire des frites surgelées. Surtout quand elles sont bonnes, commes les délicieuses Lutosa Bio

French fries or chips?

frites belges,frecnh fries,brusselicious,spécialité belgeEn américain, les frites sont françaises (french fries) ! La raison en serait que la première fois que Thomas Jefferson (photo) a goûté des frites, c’était à Paris en 1802. Un plat qu’il servit ensuite au menu de la Maison blanche comme des “potatoes served in the French manner”.

En anglais, on parle plutôt de “chips” pour désigner les frites. On trouve la première mention du mot dans ce sens dans “A Tale of Two Cities”, publié par Charles Dickens en 1859. L’auteur britannique décrit des “husky chips of potatoes, fried with some reluctant drops of oil”.