Colatura di alici, huile de pépins de courges de Styrie, huile d’amandons de pruneaux et verjus.
Quatre produits gastronomiques dont on parle peu qui valent la peine d’être connus.
Présentation et idées recettes…
Huile de pépins de courges
Spécialité de Styrie, région située au Sud-Est de l’Autriche, l’huile de pépins de courges, la Kürbiskernöl, est l’huile d’olive des Autrichiens ! Ils l’utilisent pour assaisonner à peu près tout. Et d’abord en vinaigrette, dans la fameuse Käferbohnensalat, cette salade aux haricots « scarabées » – autre spécialité de Styrie – appelés ainsi à cause de leur robe rose striée de noir. Elle sert aussi à relever une salade de pommes de terre, de potiron ou de haricots verts. On l’emploie également sur un carpaccio de bœuf ou un fromage de chèvre. Et manière plus originale on confectionne par exemple avec elle un pesto avec des pépins de courge, ou on en verse quelques gouttes sur une glace à la vanille. Enfin, on la glisse dans des omelettes ou des soupes de potirons.
Mais attention, l’huile de pépins de courges ne supporte pas les hautes températures et il faut la chauffer doucement pour éviter qu’elle ne devienne amère. Surnommée l’ »or vert de Styrie », cette huile bénéficie depuis 1996 du label européen IGP (indication géographique protégée) et chaque bouteille, en plus d’être labellisée, porte un numéro qui garantit la traçabilité du produit.
Aujourd’hui, environ 70 moulins produisent cette fameuse huile et il faut compter 3 kg de pépins – 30 à 35 courges – pour produire 1 litre d’huile pure, ce qui explique son prix élevé ! Mais les choses ont tout de même bien changé, avant il fallait décortiquer les pépins à la main, opération plus que fastidieuse, mais une mutation génétique naturelle apparue vers 1870 a fait naître la variété Cucurbita pepo styriaca riche en pépins sans écorces ! Le semis est donc effectué fin avril et les courges sont récoltées fin septembre. Les pépins sont ensuite lavés, séchés, moulus puis chauffés à basse température avant d’être pressés à froid. Après un temps de repos de quelques jours, on obtient alors cette huile verte aux reflets bruns et rouges au goût intense de noix et légèrement sucré. Une huile riche en vitamine E et en acide linoléique.
Des recettes
Salade de mâche, chèvre et pesto aux pépins et à l’huile de courge: on utilise à la fois l’huile de Styrie et des pépins de courge pour fabriquer un pesto.
On trouvera également sur ces différents sites d’autres idées de recettes à base d’huile de Styrie.
- www.steirisches-kuerbiskernoel-gga.at/index.php?option=com_zoo&view=frontpage&Itemid=52&lang=fr.
- www.pumpkinseedoil.cc/PPF/start/rezepte.asp/l/e/index1.asp.
- www.deimel.biz/_biz/info/pumpkinoil.htm.
Où en trouver?
Si on trouve de l’huile de pépins de courges dans la plupart des magasins bio, l’huile en provenance de Styrie est difficile à trouver mais on peut la commander en ligne (env. 25€/litre) sur www.kernoel.cc/PPF/main/shipping/shopindex.asp.
- Rens. en français: www.steirisches-kuerbiskernoel-gga.at.
Colatura di alici
Fabriquée à Cetara, petit village de la province de Salerne sur la superbe côte amalfitaine, la colatura di alici (littéralement jus d’anchois filtré) ou colature d’anchois peut se vanter d’avoir des origines ancestrales! En effet il s’agit d’un dérivé du garum, condiment cher à la Rome antique (le garos des Grecs). Egalement appelé liquamen, ce dernier était une préparation à base de chair et de viscères de poisson, voire d’huîtres, mises à fermenter longuement dans du sel. Le garum étant lui-même le descendant du siqqu mésopotamien, également élaboré par saumure et lacto-fermentation. Aujourd’hui, si l’on connaît mieux le nuoc-mâm vietnamien, d’autres produits plus confidentiels ont perpétué cette tradition, comme le pissalat niçois ou la colatura di alici.
La colatura di alici de Cetara est fabriquée à partir d’anchois péchés au printemps, entre mars et juillet. Nettoyés à la main, privés de leurs têtes et éviscérés, les anchois sont ensuite mis à macérer avec du sel marin dans des tonneaux en bois (terzigni) et pressés avec des disques en bois (tompagni) sur lesquels sont posés des poids. Le liquide ainsi recueilli est ensuite exposé au soleil dans des récipients en verre et rajouté aux poissons. Après quatre à cinq mois, et après filtration, on obtient alors un liquide ambré à l’odeur – il faut bien l’avouer – nauséabonde mais à la saveur complexe. Comme toutes les sauces de poissons fermentées, la colatura est en effet riche en glutamates (sels de l’acide glutamique), qui donnent le goût caractéristique de l’umami, le fameux 5e goût.
A Cetara, on l’utilise rigoureusement à cru et traditionnellement pour assaisonner les pâtes. Et de préférence celles de Gragnano, la pasta réputée de la ville voisine ! Le plus souvent, il s’agit de spaghettis ou de linguine – cuits sans sel – assaisonnés d’huile d’olive, d’ail, de persil et de piment. Mais la colatura agrémente également des légumes crus ou cuits comme des pommes de terre, des brocolis, des scaroles ou encore des plats de poissons.
En plus d’être un produit agroalimentaire traditionnel, la colatura di alici est un des Presidi Slow food de Campanie. Le saviez-vous ? La Worcestershire Sauce est également à base d’anchois saumurés mais les Anglais l’ont tellement transformée que ça n’a plus vraiment rien à voir…
Une recette
Spaghetti alla colatura de alici: la recette typique de Cetara, pour profiter au mieux du goût de la colature d’anchois.
Où en trouver?
Delfino est une des meilleures marques de colatura di alici. On la trouve notamment chez ISPC à Liège et à Gand (8,95€/100ml) et sur le site de Rudy Smolarek (12,59€/100ml).
A lire
Spécialiste de la gastronomie historique, la Belge Liliane Plouvier a consacré un article très intéressant au garum et à ses avatars, de la colatura à la sauce Worcestershire.
Verjus
Si, aujourd’hui, il a presque disparu de nos cuisines, le verjus était sur toutes les tables au Moyen Age. On le retrouve ainsi dans les livres de recettes comme dans le « Viandier » de Taillevent, du XIVe siècle, où il est l’ingrédient d’environ 40% des recettes. On y découvre notamment cette volaille à la sauce dite « dodine », une sauce à base de verjus, de foies de volaille et d’œufs durs. Car à l’époque, l’acide et l’aigre étaient des goûts familiers. Le verju,s comme le vinaigre d’ailleurs, étant nécessaires pour ouvrir l’appétit et favoriser la digestion ! On en consommait donc dans toute l’Europe, de l’ »agresto » italien en passant par l’ »agraz » allemand ou le « verjons » anglais.
Comme son nom l’indique, il s’agit d’un jus vert, préparé à base de feuilles d’oseille, de bourgeons de vigne, de pommes, de poires ou d’autres fruits acides. Mais le plus souvent, il contient du jus de raisin vert, un jus de raisins pas encore mûrs ou issu d’une variété acide comme le bourdelas. Après avoir pressé le raisin, on ajoutait tout simplement un peu de sel pour la conservation.
Ce que l’on sait moins, c’est que le verjus a continué à être consommé jusqu’au XVIIIe siècle. Ainsi, les moines de l’abbaye de Trévoux le surnomment en 1704 « le grand cuisinier ». En 1789, trois pressoirs publics à verjus existaient encore à Paris.
Aujourd’hui, on en trouve encore quelques productions confidentielles en Charentes ou dans le Périgord. En Bourgogne, le moutardier Edmond Fallot en produit également. Et ça a du sens puisque le verjus était un des ingrédients principaux de la moutarde. Actuellement, la moutarde dite « à l’ancienne » doit normalement contenir du verjus, tout comme la moutarde de Dijon ou de Charroux. Même si cette tradition semble se perdre, celui-ci étant fréquemment remplacé par du vinaigre.
Son goût est plus doux que le vinaigre et plus complexe que celui du citron. Il fait merveille dans une vinaigrette, tout simplement avec de l’huile d’olive, de la fleur de sel et du poivre, pour assaisonner une salade de maatjes, pommes de terre, pommes et fenouil par exemple. Ou, plus traditionnellement, pour confectionner la sauce qui accompagnera une volaille, comme au Moyen Age ou comme à Lyon, où le poulet au vinaigre – et non plus au verjus – est toujours une spécialité.
Une recette
Coucou de Malines au verjus et aux raisins: une sauce au goût étonnamment acide comme on en aurait presque mangé au Moyen Age.
Où en trouver?
Si les Français trouveront l’excellent verjus du moutardier Edmond Fallot chez G.Detou à Paris, les Belges dénircheront du verjus chez «Kiss Mad» (env. 11€/33cl), qui propose également d’excellents légumes (dont des champignons) et des produits d’épicerie fine, ou chez Rudy Smolarek (10€/75cl).
Rens. www.kismad.be ou www.ingredientsdumonde.kingeshop.com.
Huile vierge de prune
C’est en 2001 que Jean-Pierre Clavie débute la production de la très originale huile d’amandons de pruneaux, pour laquelle il reçoit le prix Hubert Currien, récompensant la performance technologique et la contribution à un environnement plus « vert ». Pas si étonnant pour celui qui habite près d’Agen, dans le Lot-et-Garonne, ville réputée pour ses pruneaux ! Dans sa ferme du « Vidalou » située à Pujols, petit village médiéval, il cultive avec sa famille – c’est sa fille qui a, depuis, repris les rênes – 20000 pruniers mais aussi des noisetiers. Souvent, ces deux cultures vont d’ailleurs de pair.
La grande innovation de Monsieur Clavie est d’avoir créé une huile impossible ! Il a ainsi trouvé le moyen de broyer les noyaux de pruneaux (des prunes cuites donc) et d’en extraire une huile première pression à froid non toxique. L’amande à l’intérieur du noyau de pruneau contient en effet une substance toxique, l’acide cyanhydrique. Il est d’ailleurs habituellement conseillé de consommer cette amande en petite quantité seulement. Le résultat ? Une huile à la belle couleur dorée et au délicieux goût d’amande amère. Elle a d’ailleurs été utilisée dans l’industrie pour imiter le goût de l’amande, un goût plus vrai que nature ! Cette huile a séduit aussi les plus grands chefs comme Michel Bras, le trois étoiles de Laguiole, et est aujourd’hui commercialisée dans le monde entier.
Côté utilisation, elle fait merveille pour parfumer une pâte à crêpe, une brioche ou une glace. Si on l’associe plus volontiers aux desserts, on l’essaiera aussi en version salée dans une vinaigrette – comme Jamie Oliver avec du canard, des cerises, du cresson et de la feta – ou une purée de chou-fleur ou de panais par exemple. Elle peut même être chauffée jusqu’à 180°C. Côté santé, elle ne contient pas d’acides gras insaturés et elle est riche en vitamine E. Chez nous, Pierre Marcolini l’utilise pour parfumer des marshmallows enrobés de pistaches !
Une recette
Glace à l’huile d’amandons de pruneaux: un dessert qui met bien en valeur l’huile d’amandons de pruneaux et son goût puissant d‘amande amère.
Où en trouver?
Perles de Gascogne fabrique un produit exceptionnel, l’huile vierge de prune mais aussi de très bonnes huiles de noisettes et de noix.
- Disponible en ligne sur www.olive-net.be (15,90€/250ml).
Ferme Vidalou 47300 Pujols.
Rens. www.perles-gascogne.com ou www.plumoil.com (livret de recettes sur le site).
super article! supers produits! 1000 mercis pour la découverte des 2 huiles, elles sont divines. Le Colatura di alici, je connaissais de la Bottega della pizza, mais maintenant, en plus, je sais où en trouver 😉
De belles découvertes. La Colatura di alici, ça me tente: avec des pâtes ça doit être délicieux.
Sinon on trouve du verjus en épiceries orientales aussi (chez Naia à Saint Josse): moins cher que dans les épiceries fines 😉
Merci Lola, merci Sylvain!
Merci pour cette adresse Sylvain. Mais tu sais si le verjus vendu dans les épiceries orientales est fait à base de raisin? Je me demande si il a le même goût en fait.
Oui, c’est à base de raisin (blanc d’après le dessin sur le flacon si mes souvenirs sont bons). Niveau goût ce serait intéressant de comparer…
Ouep ce serait intéressant d’autant que, comme tu dis, dans les épiceries fines ce n’est pas donné…
Bonjour
Pourriez-vous me donner une ou des adresses où trouve l’huile de pépins de courges.
Merci
Yves
Bonjour,
Dans l’article nous indiquons un site internet où vous pourrez commander de l’huile de pépins de courge de Styrie qui est vraiment particulière mais vous pourrez trouver de l’huile de pépins de courge dans la plupart des magasins bio.
Bonne année!
Bien à vous.