Lorsqu’on évoque les épices aujourd’hui, à une époque où l’on trouve presque tout dans les magasins exotiques ou les épiceries spécialisées grâce au melting-pot urbain, on a un peu oublié les difficultés d’approvisionnement qu’occasionnaient ces épices, en provenance des quatre coins du monde. On a oublié aussi comment le commerce et le contrôle de la distribution de ces précieuses denrées ont amené à des luttes entre les puissances européennes pour acquérir une suprématie économique. Sans parler du mystère lié aux grandes expéditions maritimes à la découverte de nouvelles contrées et, ainsi, de saveurs inédites.
Cette fascination pour les épices débute dès l’Antiquité. Déjà les Egyptiens, il y a presque 3500 ans, utilisaient les épices dans leurs plats et dans les produits de beauté utilisés dans les rites d’embaumement. Certains reliefs du temple de la reine Hatchepsout, datant d’environ 1500 ans av. J.-C., illustrent le mystérieux pays de Punt, situé quelque part sur la côte africaine de la mer Rouge, pays qui semble avoir été le premier à commercialiser des épices sur de longues distances. A l’époque de Ramsès II, vers 1300 av. J.-C., le commerce des épices se développe, les navires voguent vers la Mésopotamie, et des routes sont construites jusqu’en Perse et en Inde, les Egyptiens en ramenant cardamome, gingembre, curcuma, cannelle et poivre. Le poivre, en provenance de la côte de Malabar, a d’ailleurs été l’épice la plus prisée et la plus commercialisée au monde dès les toutes premières routes de commerce.
Au Ier siècle ap. J.-C., alors que Rome a étendu son Empire et ses routes marchandes jusqu’aux frontières de la Mésopotamie, Apicius, un noble romain féru de gastronomie, fait dans son “De re coquinaria” une part belle aux épices : poivre, clous de girofle, cumin, coriandre, carvi… Mais avec la chute de l’Empire romain au Ve siècle, le commerce des épices est stoppé et ce sont les marchands arabes qui prennent le relais. Il faudra attendre le XIe siècle pour que Venise devienne la capitale européenne du commerce des épices, s’alliant aux sultans mamelouks, qui avaient reconstruit le système de canaux égyptiens qui reliaient le Caire à la mer Rouge. Le Caire et Venise se partageaient alors les bénéfices de cette nouvelle prospérité.
Mais l’hégémonie vénitienne sera contrecarrée par les Portugais qui, en 1487 avec Bartolomeu Diaz, contournent le cap de Bonne Espérance et ensuite par les Espagnols et le Génois Christophe Colomb, qui découvrent les Amériques et les piments. Au XVIe siècle, personne n’avait entendu parler des piments; jusqu’ici, on n’utilisait que le poivre ! C’est en effet au fil des échanges commerciaux que les Portugais introduisirent les piments en Inde, ce qui provoqua dans la péninsule indienne un bouleversement de la cuisine locale. La même chose se produisit en Thaïlande et en Indonésie, réputées aujourd’hui pour leurs plats relevés. Enfin, ce sont les Hollandais et les Anglais qui, au XVIIe siècle, se lancent dans l’aventure en fondant chacun une compagnie des Indes.
Un comptoir d’épices à Marakech (photo Wikipedia)
Les échanges d’épices sont indispensables pour comprendre comment sont nées les cuisines actuelles. La cannelle par exemple est une des premières épices à avoir été vendue sur les routes commerciales par les marchands arabes, qui en ont eu le monopole pendant des siècles. Lesquels ont élaboré des mythes autour de ce produit afin de protéger son origine. Au Ve siècle av. J.-C, Hérodote relate ainsi à leur suite qu’elle proviendrait de nids d’oiseaux monstrueux ! Cette cannelle, originaire du Sri Lanka (ancienne Ceylan), a ensuite été introduite par les Espagnols au Mexique, où les autochtones s’en sont servis pour parfumer leur boisson chocolatée. On la retrouve aussi dans les tajines marocains et, en Europe, on l’utilise notamment dans l’élaboration de biscuits ou pour aromatiser le vin chaud.
Et il n’y a pas que la cannelle qui a voyagé ! Très utilisés en Asie, le fenouil, l’un des ingrédients principaux du cinq-épices chinois (cf. ci-contre), et le sésame sont originaires de Méditerranée orientale. Comme quoi, de tout temps, la cuisine a toujours été une affaire d’échanges…
Recettes
- Le cinq-épices de Chine, le garam masala du Kerala (Inde) et la chermoula marocaine: trois mélanges d’épices qui font voyager.
Par ici les recettes! - Turbotin « Retour des Indes »: un des classiques d’Olivier Roellinger, grand amateur d’épices.
Aphrodisiaques?
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Outre l’éternel gingembre, le plus célèbre des aphrodisiaques naturels, la vanille aurait des vertus stimulantes sur la sexualité, tout comme les graines de moutarde. Musc, coriandre, clous de girofle, muscade, safran, poivre de Cayenne… En fait, on prête à la plupart des épices des vertus aphrodisiaques.
Les épices les plus chères
- Le safran est toujours l’épice la plus chère (il faut env. 150 fleurs de crocus pour obtenir 1 g de safran). Suivent la vanille (fruit de certaines orchidées tropicales) et la cardamome (très difficile à récolter).
Entretien
- Rencontre avec le chef breton Olivier Roellinger, grand spécialiste des épices!
Envies de lecture?
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Pour préparer cet article, nous avons utilisé le très intéressant Les routes des épices des Britanniques Chris et Carolyn Caldicott, qui dirigent le resto végétarien « World Food Cafe » à Neals’ Yard à Londres (ils ont d’ailleurs également publié deux recueils homonymes de recettes). Leur superbe voyage nous emmène du sous-continent indien à l’Asie, des Amériques à l’Afrique du Nord en passant par la Grenade ou l’océan Indien, où chaque mélange d’épices s’accompagne d’une recette pour l’accomoder. Historique, passionnant et gourmand. Que demander de plus?
Traduction parue à la Renaissance du Livre en 2001 mais que l’on trouve toujours en ligne.
- Soupçons d’épices. Installé depuis juin 2009 aux « Trésoms » à Annecy, le Français Benjamin Collombat a fait auparavant un passage éclair en Belgique, dans les cuisines du “Bijgaarden” de Grand-Bigard. Juste avant de retourner en France, le chef (sacré Delta d’or 2008) offrait chez Luc Pire ce bel ouvrage proposant quelques très belles recettes inspirées par son amour pour les épices. Tandis que la préface est signée par le grand chef français Jacques Chibois, deux étoiles à la « Bastide Saint-Antoine » à Grasse.
Publié chez Luc Pire (160 pp., env. 20 €).
- Epices. Créateur en 2005 de “L’épicerie de Bruno” en plein cœur de Paris, Bruno Jarry propose dans ce bel ouvrage un voyage sur les routes des épices qui nous emmène de l’Afrique au Moyen-Orient, en passant par l’Asie, les Amériques et, bien entendu, l’Inde. L’ouvrage décrit 50 épices différentes et s’accompagne d’un insdispensable petit guide pratique (conseils d’achat, conservation…).
Notre critique détaillée…
Publié par Bruno Jarry & Thomas Dhellemmes (photo) chez Hachette Pratique (128 pp., env. 40 €).
Envie de cuisiner?
- Claire Fontaine. Au Sablon, Claire règne sur l’une des plus jolies épiceries de Bruxelles, minuscule mais très bien achalandée !
3 rue Ernest Allard 1000 Bruxelles. Rens. : 02.512.24.10.
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