Les villes sont en perpétuelle mutation avec notamment des phénomènes de gentrification. La gastronomie en offre d’ailleurs souvent de bons indices… A Bruxelles comme ailleurs.


Photos Martin D’Haese

Il suffit de se promener dans certains quartiers de Bruxelles en jetant un œil aux devantures pour se rendre compte de leur modification radicale. Et en ce domaine, les commerces de bouche sont d’excellents révélateurs des phénomènes de gentrification. Les géographes définissent ainsi ce “phénomène urbain d’embourgeoisement” comme un “processus par lequel le profil économique et social des habitants d’un quartier se transforme au profit exclusif d’une couche sociale supérieure”. En clair, l’arrivée de la classe moyenne chasse les classes sociales les moins favorisées. Plus aisés, ayant souvent eu la chance de voyager plus, ces nouveaux arrivants sont aussi plus sensibles aux modes culinaires.

Le phénomène n’est pas neuf, loin de là. Sauf que ces dernières années, on assiste un peu au monde à l’envers en termes gastronomiques. Jusqu’ici, on pouvait mesurer l’embourgeoisement d’un quartier à l’apparition d’épiceries chic, de bars à vins, de petits restos branchés. Mais depuis quelques mois, ce n’est plus vraiment la Méditerranée qui a la cote. En effet, les dernières modes culinaires nous viennent plutôt des Etats-Unis.

Après avoir longtemps délaissé la cuisine, les Américains ont vécu eux aussi leur révolution culinaire. Tout est parti de la Californie dans les années 70 avant de gagner la côte Est. On a assisté à l’émergence d’une nouvelle génération de chefs, formés à l’étranger et ayant ramené dans les grandes villes américaines le goût des bons produits : huiles d’olive, bars à vins, cappuccinos, fromages… De quoi donner naissance à une véritable culture culinaire, qui a mené, surtout à New York, à réinvestir les spécialités typiquement américaines comme le bagel, le hamburger mais aussi les muffins, cookies, donuts et autres brownies. Le symbole de cette américanisation culinaire nouvelle, cool et branchée, ce n’est pas la malbouffe des McDo et autres Pizza Hut mais bien la coolitude des Starbuck Cafés, qui sont partis à la conquête du monde entier (sauf de la Belgique jusque tout récemment)…

Porte-étandard de cette nouvelle culture, le cupcake est le parfait symbole de cette évolution. Totalement branché depuis quelques années, il ne s’agit pourtant qu’un petit cake décoré réalisé à la base par les enfants à l’heure du goûter… Il est donc indissociable d’une certaine forme de nostalgie. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si toutes ces adresses gourmandes à la mode qui surfent sur cette vague anglo-saxonne n’offrent pas une déco clinquante et design mais plutôt une déco de récup et une ambiance où l’on se sent bien, comme à la maison…

A New York, le cupcake est étudié par des sociologues comme un révélateur social de l’évolution de la ville. On dresse ainsi des cartes des nouvelles boutiques de cupcakes pour cerner les quartiers en voie d’embourgeoisement. Selon certains géographes, les cupcakes ne seraient d’ailleurs pas seulement le reflet d’une gentrification, ils pourraient même participer à la régénération d’un quartier. Comme l’expliquait Nicola Twilley de “Edible Geography” à la BBC en octobre dernier: “Les meilleurs agents d’un changement social sont populaires de façon virale et peuvent très facilement s’intégrer dans nos vies quotidiennes – il n’y a aucun doute que le cupcake remplit ce profil.”

A Bruxelles, on remarque également cette arrivée du cupcake et d’autres délices et modes made in USA (comme le brunch dominical ou même le développement du bio) dans certains quartiers en pleine mutation. Ainsi, chic depuis longtemps avec sa ribambelle de petits restos, le quartier du Châtelain possède désormais ses cupcakes avec « Lilucup », qui tourne à plein régime. Tout comme le Parvis de Saint-Gilles, parfait exemple d’embourgeoisement gourmand avec sa boutique de cupcakes et autres puddings anglais (“Merilly’s”), son snack bio branché (“Sikou”) ou encore son comptoir de bagels (“Adpm”). Bagels qui ont également débarqué au centre-ville, dans l’agréable quartier Saint-Jaques. Juste en face du très beau café “Fontainas”, « Rachel » fait ainsi déjà un malheur auprès de la faune locale. Sans oublier la place Flagey qui, avec ses innombrables restos et snacks accueillants (notamment concentrés rue Lesbroussart), offre, elle aussi, un bel exemple de gentrification…

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« Les super filles du tram »: des burgers à Flagey

Indice 1: le bagel

  • Le bagel (du yiddish “beygl”) est un rouleau en forme d’anneau fait d’une pâte au levain naturel plongé brièvement dans l’eau bouillante avant d’être passé au four. Star à New York (où on le garnit de saumon, de creamcheese, de pastrami), il a essaimé d’abord à Londres, Paris et aujourd’hui Bruxelles.

Indice 2: le cupcake

  • Une fois encore, c’est New York qui a lancé la tendance du cupcake, depuis la très branchée pâtisserie “Magniolia” dans Greenwich Village. Aujourd’hui, la mode de ce petit gâteau décoré de façon farfelue a gagné l’Europe et notamment sa capitale.

Indice 3: le burger

  • Attention, dites “burger” et pas hamburger, c’est plus chic ! Rien avoir ici avec les sandwiches tout mou de McTruc. Non, le vrai hamburger, classique américain par excellence, est un régal quand il est préparé avec un bon bun et une bonne viande. On commence enfin à trouver cela sous nos latitudes…

Indice 4: le bio

  • C’est sans doute là plus qu’un effet de mode mais un changement plus radical des modes de production et de consommation qui recouvre d’ailleurs toutes les tendances. C’est aussi un argument marketing (même Quick s’y est mis…) et un concept très porteur pour les boutiques gourmandes. Même si, en Belgique, nous n’avons pas vraiment encore beaucoup de grandes surfaces bio comme aux Etats-Unis…